Égaux mais pas trop : le casse-tête des aristocrates britanniques
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Le couronnement de Charles III s’est déroulé sans chichis, bien loin du faste et du cérémonial habituels. Et avec une liste d’invités restreinte : de nombreux aristocrates manquaient à l’appel, bien que leurs familles “soutiennent la royauté depuis mille ans et quelques”, comme l’a rappelé le duc de Rutland.
Ils ont d’ailleurs longtemps occupé une place centrale dans la cérémonie, en s’agenouillant devant le nouveau monarque en signe d’allégeance.
Les caprices du monarque
Alors, en hommage à ces aristocrates éconduits, penchons-nous sur l’histoire linguistique de la pairie britannique.
La notion de “pair” est généralement synonyme d’égalité. Le mot vient en effet du latin par (“égal”) et désigne la plupart du temps des personnes d’âge, de sexe ou de métier similaires.
Pourtant, on peut difficilement imaginer plus inégalitaire que la pairie, système hiérarchique de titres aristocratiques et honorifiques.
L’histoire du mot “pair” est un peu confuse, mais il semblerait qu’il ait commencé à désigner les nobles une centaine d’années après la signature par Jean sans Terre de la Magna Carta, ou Grande Charte, sous la pression des barons anglais, en 1215.
Ce document fondateur établit pour la première fois les droits des individus vis-à-vis du pouvoir du gouvernement.
C’est un grand pas en avant, quand on sait qu’ils étaient jusque-là soumis aux caprices du monarque.
Par ce texte, les barons revendiquent le droit à un jugement légal par leurs pares, leurs pairs (la charte est rédigée en latin).
Mais quand on est baron, le “jury des pairs” n’est autre qu’un jury d’aristocrates, et c’est ainsi que l’anglais s’est doté d’un nouveau mot signifiant à la fois une chose et son contraire – un “pair” (peer) pouvant dès lors désigner, en Angleterre, une personne de même rang que soi ou un membre de la noblesse.