Édouard Manet et Edgar Degas : l'amitié tumultueuse de deux génies de la peinture

"Non, rien ne va ! Passe encore qu’il me représente dans cette attitude contemplative, vautré sur le canapé. C’est piquant et si vrai. Mais Suzanne ! Quel manque de respect à l’égard de ma femme. Son cou ressemble au goître d’un pélican ! Quant à son nez, on dirait celui d’une alcoolique. Certes, Suzanne a du… nez ! Mais il n’est pas aussi fort que cela ! Comment un talent aussi singulier que lui, qui de surcroît prétend être mon ami, peut commettre une telle faute esthétique ? Il a enlaidi ma femme", s’emporte Manet dans son appartement parisien. Dans sa fureur, le peintre empoigne un canif et d’un trait bien net coupe la toile. "Voilà !" pense-t-il en effilant son imposante barbe châtain. "C’est beaucoup mieux ainsi !"

Les deux géants de la peinture ont connu une amitié tumultueuse. Rien ne semble a priori plus opposé qu’Édouard Manet, le grand blond lumineux, et Edgar Degas, le brun solitaire et colérique. Et pourtant, comme l’observe l’écrivain Paul Valéry dans son ouvrage Degas Danse Dessin, les deux peintres ont vécu des "coexistences merveilleuses".

Les deux hommes se seraient rencontrés au Louvre au début des années 1860. Degas est en train de copier directement sur une planche de cuivre le visage de L’Infante Marguerite Thérèse de Diego Vélasquez. "Vous avez de l’audace de graver ainsi, sans aucun dessin préalable, je n’oserais en faire autant", lui aurait lancé Manet. Peut-être n’est-ce qu’une légende ? En tout cas, c’est une belle histoire qui raconte qu’avant de devenir (...)

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