"Ça n’a pas sa place dans une église": les harceleurs présumés d'Eddy de Pretto nient avoir voulu lui "nuire"

L'acteur et musicien français Eddy de Pretto sur la scène de la salle Pleyel à Paris, le 22 février 2019 - Bertrand GUAY © 2019 AFP
L'acteur et musicien français Eddy de Pretto sur la scène de la salle Pleyel à Paris, le 22 février 2019 - Bertrand GUAY © 2019 AFP

"Eddy de Pretto a fait une mauvaise polémique dans la sphère catholique." Thomas G., 22 ans, reconnaît devant le tribunal correctionnel de Paris avoir été "remonté" par la prestation du chanteur en juin 2021 à l'église de Saint-Eustache, concert que l'artiste avait relayé sur les réseaux sociaux. "Sous le coup de la colère", il a adressé un message au chanteur: "À bas la République qui nous fabrique des sous-hommes de cette espèce".

Ce message fait partie des 3000 messages insultants et menaçants adressés à l'artiste sur les réseaux sociaux après sa prestation dans l'église parisienne. Thomas fait lui partie des 17 hommes jugés depuis lundi pour avoir harcelé Eddy de Pretto. "Je suis assez sensible à ce type de performances dans les églises et lieux de culte dédiés à la religion catholique, explique le jeune homme, costume ajusté bleu marine sur les épaules. J'ai écrit cette phrase sous le coup de la colère, je voulais interpeller les personnes qui passaient par là."

"C'était une sorte de slogan qui m’est venu sous le coup de la colère, poursuit-il. Je ne vise pas à battre l’État français, mais ce système culturel, médiatique éducatif, qui imbibe la société depuis des décennies et qui vise à tourner en ridicule la religion, qu’on le veuille ou non, historique de la France."

"Ça n'a pas sa place dans une église"

"Coup de colère", "indignation", "besoin de faire baisser la pression" face à un message "choquant". Sofian, 23 ans, s'est dit lui aussi interpellé par la prestation d'Eddy de Pretto qui, publiant la vidéo de son concert, indiquait à ses followers sur Instagram: "si vous voulez voir chanter 'sodomite' dans une église, cliquez ici". Comme d'autres, il estime que le chanteur a "blasphémé". "Ça m’a choqué, pour moi c’est comme s’il avait insulté toute ma famille, tous mes ancêtres qui ont aidé à bâtir la France", se défend le jeune homme, originaire de Dijon, blouson de cuir noir et attitude parfois désinvolte.

"Je me suis senti humilié, c’est la maison de Dieu, abonde le Parisien Jérémie, 24 ans. Le fait de parler de relations sexuelles dans une église, qu'elles soient hétérosexuelle ou homosexuelle, ça n’a pas sa place dans une église."

Lui a voulu créer "un électrochoc" auprès du chanteur, "pour lui faire comprendre que ce qu’il a fait, ce n'était pas bien".

"Je pense que c'est déplorable"

Le 17 juin 2021, Eddy de Pretto se produit à l'église Saint-Eustache à Paris. Il interprète sa chanson "À quoi bon", qui évoque les difficultés à concilier homosexualité et religion. "Le jour où une église m’invite, je suis ravi qu’on puisse me recevoir, m’entendre et me tendre une main sur cette question", a déclaré le chanteur lundi à l'audience.

Il avait également rappelé avoir fait cette performance dans le cadre d'une invitation du prêtre de l'église. Ce dernier lui a d'ailleurs apporté son soutien après cette vague de harcèlement. "Cette chanson ne me dérange pas tant qu’elle est chantée dans n’importe quel endroit autre qu’une église", estime Eliott, 20 ans.

- "Que pensez-vous de l'invitation du prêtre de Saint-Eustache", questionne l'assesseuse du tribunal. - "Je pense que c’est déplorable, surtout si l’autorité ecclésiastique a lu les paroles de la chanson", tranche, radical, Thomas.

"Je ne vise pas les homosexuels"

Pour 6 des 17 prévenus, la circonstance aggravante du fait que l'infraction a été commise en raison de l'orientation sexuelle de la victime a été retenue. "Je ne vise pas les homosexuels, je vise des gens qui ont des comportements irrespectueux dans une église", assure Thomas. Questionné sur le terme de "sous-homme" qu'il a employé pour qualifier Eddy de Pretto, il se défend en assurant que "sous-homme, ça inclue beaucoup de choses". "Il aurait pu se vanter de sodomiser des femmes, j’aurais réagi de la même manière", assène-t-il.

Jérémie a lui menacé le chanteur de le "soulever" lui et "son daron, le bouffeur de queue". "Une insulte comme une autre", dit l'hôte d'accueil dans la vie. "Dans la vie d’un homme, il y a deux choses: la famille et la religion. Je me suis dit qu’il n’avait pas l’air de croire en dieu, je vais l'attaquer sur sa famille, je vais sexualiser ses parents comme lui l’a fait avec l’Église", assure le jeune homme se défendant de toute homophobie, lui qui habite le quartier du Marais à Paris "où la majorité de la population est gay".

Thomas, lui dit faire "le dinstinguo" entre les homosexuels et "l'idéologie LGBTQIA+ qui a une dimension militante assez agressive, particulièrement à l’égard de l’Église catholique". Eliott a fait par le passé des tests sur l'homophobie "avec un taux particulièrement élevé" relève la procureure. "De l'humour mal placé", dit le prévenu. La magistrate a fait par de son "doute" concernant la défense présentée par Jérémie, qui a balayé tout caractère homophobe dans son message.

"Sincères excuses"

Le procès de ces 17 prévenus révèle aussi la désinhibition des internautes sur les réseaux sociaux. Ils reconnaissent avoir écrit leur message, mais nient tout harcèlement. "J'ai été très étonné que M. de Pretto ait lu mon message, c'est une personnalité publique, il reçoit, j’imagine, des dizaines de messages par jour ", confie Eliott, qui avait posté comme message: "la hache pour toi". Ce fils de militaire regrette ce post. Sans regretter leurs mots, d'autres disent "ne pas avoir voulu nuire" à Eddy de Pretto, qui avait livré souffrir d'angoisses à la suite de cette vague de messages.

"Je suis déçu que M. de Pretto ne soit pas présent, j’aurais souhaité lui présenter mes excuses. J’espère que ses avocats lui transmettront mes sincères excuses, jamais je n’aurai imaginé les conséquences", conclut quant à lui Eliott, le dernier des prévenus à s'exprimer.

Article original publié sur BFMTV.com