À son procès, Monique Olivier a parlé mais n’a pas répondu à une question essentielle

Monique Olivier lors de son procès à la cour d’assises de Nanterre, le 28 novembre.
MIGUEL MEDINA / AFP Monique Olivier lors de son procès à la cour d’assises de Nanterre, le 28 novembre.

JUSTICE - Pour les proches des victimes, elle était le dernier espoir d’avoir des réponses. Monique Olivier, jugée depuis le 28 novembre par la cour d’assises des Hauts-de-Seine pour complicité dans trois enlèvements et meurtres, était la seule à pouvoir combler les zones d’ombre de ces affaires depuis la mort de son ex-mari, Michel Fourniret, en mai 2021. Après trois semaines de débat et alors que les jurés délibèrent avant le verdict attendu ce mardi 19 décembre, force est de constater qu’elle n’a livré aucun nouvel élément tangible.

Le procès de Monique Olivier, un « test grandeur nature » pour le pôle « cold cases » du tribunal de Nanterre

« Elle a monté quelques marches, il faut qu’elle termine de monter l’escalier », résumait à la presse, le 14 décembre, Me Didier Seban, avocat d’Éric Mouzin, le père d’Estelle. La petite fille de 9 ans avait disparu à Guermantes, en Seine-et-Marne, le 9 janvier 2003.

Monique Olivier, qui reconnaît « les trois faits qui (lui) sont reprochés », a bien concédé quelques informations dans l’affaire Estelle Mouzin. Elle a notamment raconté avoir emmené aux toilettes la petite fille, séquestrée par Michel Fourniret, et lui avoir donné un verre d’eau. D’après elle, la fillette aurait réclamé sa maman – Monique Olivier lui a promis qu’elle la reverrait, tout en sachant qu’elle lui mentait. Enfermée dans une chambre, Estelle Mouzin n’était « pas attachée » mais « pas remuante » non plus, et « elle pleurait », a-t-elle décrit. Il est « possible » que la fillette ait été droguée, mais Monique Olivier assure ne lui avoir donné aucun médicament.

« Je ne sais pas »

L’accusée, âgée de 75 ans, a en revanche buté sur une interrogation qui hante la famille d’Estelle Mouzin : où est le corps de la petite fille, toujours introuvable malgré plusieurs campagnes de fouilles dans les Ardennes ? « Je ne sais pas, je n’en sais rien ! », répond-elle à chaque fois que la question est posée. « Je n’ai rien à cacher », répète-t-elle, assurant que si elle connaissait l’emplacement, elle le dirait.

Alors qu’elle était invitée une dernière fois à s’exprimer ce mardi, avant que la cour se retire pour délibérer, elle a « demandé pardon » aux familles des victimes « tout en sachant que c’est impardonnable tout ce que j’ai fait ». « Je regrette tout ce que j’ai fait », a-t-elle seulement ajouté.

« Je constate que Monique Olivier ne dit pas grand-chose sur les crimes eux-mêmes, sur le détail de ceux-ci, sur l’horreur de ceux-ci », regrettait Me Seban le 14 décembre, après un interrogatoire de l’accusée. « Elle vit très bien avec cette série de crimes commis », estime l’avocat, qui défend également la famille de Joanna Parrish, une assistante d’anglais britannique de 20 ans, dont le corps a été retrouvé dans l’Yonne en mai 1990.

Même absence de réponse sur la localisation du corps de Marie-Angèle Domèce, disparue à Auxerre en juillet 1988 alors qu’elle avait 18 ans. « Je vais mourir en prison, pourquoi je ne dirais pas (où est son corps, ndlr) ? », a-t-elle lancé à la cour. « Certains souvenirs ont du mal à revenir », justifie-t-elle pour expliquer ses hésitations et silences.

D’après Monique Olivier, le couple n’évoquait pas les crimes après leur commission. Les meurtres, les viols, « c’était comme ça ». Le corps de Marie-Angèle Domèce, « il ne me dit pas où il l’a déposé. À chaque fois qu’il y a des victimes, il disait “on n’en parle plus, on part faire autre chose”. Il ne fallait pas en reparler. »

L’audience émaillée de moments de tension

Derrière la question de la localisation des deux corps – l’un des « trous » de ces enquêtes, selon les termes d’Éric Mouzin – la frustration des parties civiles face à des débats qui ont voulu aller trop vite selon elles. La demande de leurs avocats de pouvoir interroger plus souvent Monique Olivier a par exemple été rejetée par le président.

« La famille Domèce a eu des réponses, elle en attend encore, notamment sur le lieu du corps : je ne crois pas qu’on en aura en ne l’interrogeant qu’une fois demain (mardi) matin », avait regretté Me Sonia Kanoun, avocate des sœurs de Marie-Angèle.

Elles ont aussi vivement reproché au président Didier Safar d’avoir refusé de faire réagir l’accusée à chaud lors d’instants souvent cruciaux, comme lorsqu’une amie de Marie-Angèle Domèce a affirmé avoir vu Monique Olivier et Michel Fourniret en repérage à Auxerre. « Il y a des victimes qui attendent des vérités depuis 30 ans ! », s’était alors insurgé Me Didier Seban, estimant que le procès ne permettait « pas le contradictoire ». Éric Mouzin, lui, avait quitté la salle de manière remarquée avec d’autres parties civiles.

« Tout le monde a compris que cela fait vingt ans qu’on essaie d’avoir des réponses à une question essentielle : qu’est-ce qui est arrivé à Estelle et où est-elle ? a-t-il réagi face à la presse au soir de l’interrogatoire de l’accusée dans la disparition de sa fille. Aujourd’hui, on a cru à un moment qu’une dynamique d’échange se mettait en place, par exemple quand la deuxième assesseure est intervenue, d’une façon très calme (...) Monique Olivier répond, elle fournit des informations qu’elle n’avait pas fournies (...) Or à ce moment-là, comme ça avait été le cas dans plusieurs épisodes précédents, la parole est coupée, le ton des questions posées par le président est inquisitoire, ce qui forcément amène un blocage ».

Décrite comme « insondable » mais « crédible » par la juge d’instruction Sabine Kheris, Monique Olivier aurait-elle pu en dire plus ? « Avant de partir sur le postulat de départ qu’elle ne dit pas tout, posez-vous la question de savoir “qu’est-ce qu’elle dit ? Ce qu’elle dit est-il vrai ? Et sait-elle d’autres choses ?” », préconisait le 13 décembre son avocat depuis vingt ans, Me Richard Delgenes. « On veut toujours qu’elle aille plus loin parce qu’on imagine que peut-être ce qu’elle dit n’est pas suffisant, peut-être qu’il y a autre chose, et après il y a des scénarios qui se dessinent à travers les questions », regrettait-il.

Une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie de 22 ans de sûreté a été requise contre Monique Olivier.

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