À Mayotte pour la première fois, Élisabeth Borne a 24 heures chrono pour relever de multiples défis

Élisabeth Borne à son arrivée à Mayotte aux côtés du préfet Thierry Suquet, ce 8 décembre.
MIGUEL MEDINA / AFP Élisabeth Borne à son arrivée à Mayotte aux côtés du préfet Thierry Suquet, ce 8 décembre.

POLITIQUE - Parce qu’il ne faut pas « puiser dans des ressources en eau déjà faibles », ni compliquer la tâche des forces de l’ordre déjà très mobilisées, le déplacement d’Élisabeth Borne à Mayotte, ce vendredi 8 décembre, ne durera pas plus d’une journée. Mais il n’en sera pas moins « intense » promettent ses services, alors que la cheffe du gouvernement est attendue au tournant, et pas uniquement sur la crise de l’eau.

À son arrivée à Mayotte, la Première ministre a eu droit à un comité d’accueil, qui l’a huée.

Avant Élisabeth Borne, le dernier chef de gouvernement à avoir foulé le sol mahorais fut Manuel Valls en 2015. Depuis, le 101e département de France a reçu la visite des ministres des Outre-mer successifs mais surtout, sous la présidence Macron, celles fréquentes du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui a récupéré le portefeuille ultramarin en juillet 2022.

Le locataire de Beauvau incarne notamment l’opération Wuambushu, présentée comme une action d’ampleur de l’État pour répondre au problème d’insécurité sur fond de lutte contre l’immigration illégale. Mais la Première ministre entend bien dépasser ce périmètre.

« Nous attendons qu’elle nous amène enfin la République »

Les thématiques sécuritaire et migratoire sont « assurément les mères des batailles » à Mayotte et Élisabeth Borne annoncera d’ailleurs la reconduction du plan Shikandra contre l’immigration clandestine. Néanmoins, « la politique du gouvernement à l’égard de ce territoire ne peut pas s’y résumer. Il faut investir pour l’avenir », fait valoir Matignon à la veille du déplacement.

C’est donc avec le ministre délégué aux Outre-mer Philippe Vigier, celui de la Santé Aurélien Rousseau et surtout une petite pile d’annonces - et les millions qui vont avec − qu’Élisabeth Borne arrive dans l’archipel de l’océan Indien.

La cheffe du gouvernement est prévenue : « Nous attendons qu’elle nous amène enfin la République », martèle Haoussi Boinahedja, porte-parole de l’intersyndicale (CGT, SNU, FO et CFDT) sur le plateau de Mayotte 1re à la veille de la venue ministérielle. L’intersyndicale, qui appelle à « un rassemblement historique pour la défense des libertés et des droits » à Mamoudzou ce vendredi, réclame « un plan d’action à la hauteur des attentes des Mahorais ».

Apaiser la soif

Parmi leurs doléances, les réponses à la crise de l’eau qui frappe l’île figurent en première ligne. L’intersyndicale demande le prolongement de la prise en charge par l’État des factures d’eau des usagers et elle devrait obtenir satisfaction sur ce point. Selon Matignon, le dispositif sera maintenu « tant qu’on sera en situation de crise ».

Élisabeth Borne doit aussi se rendre sur le chantier de l’extension de l’usine de dessalement de Petite Terre, l’une des îles de l’archipel, censée apporter une réponse de long terme aux pénuries d’eau. « À partir de cette fin de semaine, cette usine va apporter un gain de production significatif », assure Matignon. Mais aucun chiffre précis n’est avancé, alors qu’en août 2022, un communiqué de la préfecture estimait à moins de 2 000 m3 d’eau/jour la production, bien loin des 5 300 m3 fixés.

Matignon évoque la construction d’une deuxième usine de dessalement, avec un objectif de 10 000 m3/jour. Une « annonce » qui n’est en pas tout à fait une : le projet est dans les tuyaux depuis 2022 mais sans aucune concrétisation jusqu’à présent. La Première ministre et son administration visent une mise en service « début 2025 », sans garantie que l’usine permette de répondre pleinement aux problèmes d’approvisionnement. Les services de la Première ministre indiquent seulement qu’elle « y contribuera fortement » et met en avant d’autres « projets » comme celui d’une troisième retenue d’eau collinaire.

Soigner, (re)loger et « solidarité »

Sur un autre front, Élisabeth Borne devra répondre aux attentes en matière de santé dans le plus grand désert médical de France, avec seulement 49 médecins généralistes pour 100 000 habitants en janvier 2021 et un seul et unique hôpital pour 310 000 habitants.

La revalorisation d’une prime annuelle (+600 euros bruts) à tous les professionnels de santé de l’hôpital de Mayotte est prévue afin de les « remercier de leur engagement, au vu des difficultés très importantes des conditions de travail ». La Première ministre annoncera un investissement de 242 millions d’euros pour le lancement de travaux de modernisation de l’hôpital dès 2024. Matignon assure que le travail pour la construction d’un deuxième centre hospitalier − annoncé par Emmanuel Macron en 2019 − « se poursuit normalement ». Mais impossible à ce stade de s’avancer sur un calendrier.

Élisabeth Borne visitera dans la journée un bidonville qui doit être prochainement démantelé, situé à Koungou (nord-est), pour évoquer le relogement, un sujet qui fait débat sur l’île à la suite de l’opération de « décasage » Wuambushu. « Notre objectif est de pouvoir héberger puis reloger de manière pérenne les habitants des bidonvilles détruits », tranche Matignon qui va reprendre en partie la main sur le dossier afin « d’accélérer ».

Enfin, une « convention pour l’aide financière de l’état » sera signée par Élisabeth Borne avec à la clé des enveloppes de 50 à 100 millions d’euros destinés à l’aide sociale à l’enfance, l’amélioration des transports scolaire et la protection maternelle et infantile, trois domaines qui relèvent normalement des compétences de la collectivité territoriale mahoraise.

« Face à une sécheresse inédite, qui ajoute des problèmes à ceux déjà antérieurs, je viens porter un message de solidarité aux habitants de Mayotte », résumait Élisabeth Borne dans un entretien au Figaro le 7 décembre. Reste à savoir s’il sera entendu et jugé suffisant.

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