À Météo France, l’automatisation pointée du doigt après des erreurs absurdes dans les prévisions

Une photo d’illustration des météorologues de Météo France, en plein travail avant le passage du cyclone Belal sur l’île de La Réunion, le 14 janvier 2024.
RICHARD BOUHET / AFP Une photo d’illustration des météorologues de Météo France, en plein travail avant le passage du cyclone Belal sur l’île de La Réunion, le 14 janvier 2024.

MÉTÉO - Des erreurs que même un enfant pourrait repérer. Annoncer près de 30 °C en plein mois de décembre à Strasbourg, afficher un temps sec alors que la pluie tombe depuis des heures, ou même prévoir de la neige… à plus de 0 °C. Ces indications absurdes se sont glissées dans les prévisions Météo France ces derniers mois.

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Selon plusieurs météorologues et syndicats de l’organisme, elles sont le résultat d’un nouveau système, mis en place en novembre dernier. Les alertes se multiplient ainsi sur les réseaux sociaux, comme vous pouvez le voir ci-dessous avec ce message du syndicat FO de Météo France, qui signalait en novembre une prévision incohérente de 28 °C à Strasbourg pour le 9 décembre.

Quelques jours plus tard, le syndicat poste une autre capture d’écran : de la neige annoncée à Briançon, pour le 12 décembre, sous une température de 9 °C. Le tout avec un indice de confiance de 3 sur 5. « Dans l’organisation antérieure, aucun expert prévisionniste n’aurait validé une telle prévision », déplore FO.

La tension monte d’un cran supplémentaire au début de l’année. Dans la nuit du 8 au 9 janvier, un fort épisode neigeux s’abat sur la région parisienne. Au même moment, l’application Météo France n’indique que du brouillard. Des milliers d’automobilistes se retrouvent pris au piège sur les routes franciliennes. Le lendemain, le ministre des Transports Clément Beaune pointe du doigt l’organisme public (sous tutelle du ministère de la Transition écologique) : « cet épisode neigeux n’avait pas été anticipé par Météo France ».

Un nouveau système de prévisions mis en cause

À mesure que les couacs s’accumulent, les météorologues s’interrogent sur la fiabilité du nouveau système mis en place le 13 novembre 2023 par la direction de Météo France. Son nom tient en un sigle : « 3P », pour Programme prévision production. Grâce à l’outil Alpha, il permet de générer des prévisions automatiques, qui alimentent directement le site et l’application Météo France.

Auparavant, ces données n’étaient pas publiées sans validation d’un prévisionniste interrégion dans l’un des sept bureaux que compte l’organisme. Désormais une seule personne, basée à Toulouse, rectifie les prévisions d’Alpha. Le passage en vigilance relève en revanche toujours de l’expertise d’un prévisionniste.

Les syndicats dénoncent la mission « impossible » pour une seule personne de rectifier les prévisions sur la France entière, et un nouveau préavis de grève a été déposé jusqu’au 5 mars. Plus encore, ils pointent la « baisse d’effectifs vertigineuse des effectifs » au sein de l’organisme. Ces 15 dernières années, Météo France a perdu près d’un tiers de son personnel. Comme le souligne l’Institute for Climate Economics, l’organisme est celui qui a subi le plus de coupes dans ses effectifs, entre 2014 et 2022, parmi les opérateurs contribuant à l’adaptation au changement climatique.

Malaise des météorologues, fatigue des développeurs

« La robustesse de l’organisation 3P n’est pas démontrée, notamment sur des situations complexes », alertait déjà l’intersyndicale au début du mois de novembre. Depuis sa mise en place, un malaise s’installe parmi les météorologues. Suite à l’erreur relative à l’épisode neigeux début janvier, les prévisionnistes d’île de France écrivaient ainsi : « la honte s’abat sur un établissement incapable de retranscrire dans sa base de données de prévision ce qu’il se passe et ce que les citoyens constatent au-dessus de leur tête ».

Les prévisions Météo France sont censées être la référence à l’échelle nationale. Les ministères, les pompiers ou encore les prestataires autoroutiers s’appuient dessus pour prendre des décisions. « Certains partenaires institutionnels ont entendu parler de la bascule 3P et commencent à se méfier ! », regrette auprès d’Ouest France Eva Krug, représentante du personnel au pôle rennais de Météo France.

Dans le même temps, les développeurs de Météo France frôlent le burn-out à force de corriger en urgence les erreurs du nouveau système, selon les informations livrées par les syndicats. Interrogée par Ouest France et Le Parisien, la direction de Météo France reconnaît que cette nouvelle organisation « 3P » a montré « des faiblesses dans certaines situations météo (comme des brouillards trop nombreux et des précipitations faibles pas assez nombreuses) ». Elle affirme que « des évolutions sont prévues au premier semestre 2024 ».

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