“À plus, les daronnes !” : libres comme l’air au Japon

Jamais, quand j’ai rencontré Julia, je n’aurais pensé que nous nous retrouverions, vingt-cinq ans plus tard, dans un bar à karaoké un peu louche, perdu au cinquième étage d’un bâtiment d’Osaka, nous égosillant en compagnie de nos garçons adolescents.

Pour être tout à fait honnête, j’aurais pu anticiper le karaoké. Car si Julia et moi sommes devenues amies, c’est en bonne partie parce que nous avons souvent fini bonnes dernières sur la piste de danse. Combien de nuits avons-nous passées, à la trentaine, dans les bras l’une de l’autre au petit matin, à la fois épuisées et resplendissantes de vie. Je la regardais et je la trouvais absolument fantastique.

Puis, nos vies ont beaucoup changé. Mariage, enfants et, pour elle, un passage à l’étranger. Le tout suivi d’un divorce pour toutes les deux. Et pendant tout ce temps, nous sommes restées amies. D’excellentes amies, dont l’une des plus grandes joies fut de voir que nos fils, nés avec un mois d’écart, s’entendaient à merveille. Bébés, ils manifestaient tous les deux des trésors de patience et de bonne humeur pendant que leurs grandes sœurs respectives s’amusaient à les déguiser en fées. Ils se regardaient, barbouillés de rouge à lèvres et partaient dans d’incontrôlables fous rires sans que personne ne comprenne pourquoi.

Une complicité totale

C’est d’ailleurs devenu la caractéristique de leur amitié : ces parties de rigolade à ne plus pouvoir parler ou respirer et, bien souvent, à s’en rouler littéralement par terre. Ils ont songé à créer une chaîne YouTube baptisée “Stupid Stuff” [“Trucs débiles”] et se sont inventé une poignée de main ultrasophistiquée. Ils racontaient des âneries sans s’arrêter et riaient tellement fort qu’on les retrouvait régulièrement par terre, les larmes aux yeux, frappant du poing sur le sol pour que cela cesse – et que cela dure éternellement en même temps. Des moments de joie pure.

Autant dire que Julia et moi étions particulièrement impatientes, en février 2020, alors que nous avions décidé de les emmener au Japon pour leurs 11 ans. Et terriblement déçues quand la pandémie a condamné nos projets de voyage en 2020, puis en 2021. Nous ne sommes arrivés à Tokyo qu’en avril 2023. Entre-temps, les choses avaient changé. Ce n’était plus deux petits garçons qui partaient avec nous, mais deux ados de 14 ans, dégingandés et à des stades plus ou moins avancés de la puberté, qui ne s’étaient presque pas vus pendant deux ans. Mon fils, qui a demandé à être appelé “S-Dog” dans cet article, s’intéressait au shadow boxing [où les coups sont portés dans le vide] et au rap.

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