À Copenhague, tous stars d’un soir dans un bar à karaoké

Pia Lillibjoern enlève délicatement ses gants en dentelle blanche. Elle boit une petite gorgée de bière. Ses jambes s’agitent nerveusement, et ses pommettes commencent à rosir un peu. Elle est l’un des 17 participants qui vont s’emparer du micro et, peut-être, remporter une des quatre feuilles A4 qui font office de billet d’entrée aux demi-finales du championnat du Danemark de karaoké.

Le Café Runddelen est rempli de concurrents surexcités, d’habitués de la maison et de tout un groupe fêtant un enterrement de vie de garçon. Dans un coin, plusieurs personnes ayant la petite trentaine sont assises épaule contre épaule et s’encouragent les unes les autres. Les participants les plus assidus, eux, sont devant. On les reconnaît à leurs joues colorées, à leurs petits exercices vocaux et à l’intensité avec laquelle ils dévisagent leurs adversaires. Ils calment leur trac à coups de bières pression et d’autres gourmandises du bar. Et il n’est même pas encore 19 heures.

Le concurrent numéro 2 vient de livrer une version lyrique du Skyfall, d’Adele, accueillie par des applaudissements, des huées et le tintement des verres. Au tour de Pia Lillibjoern de monter sur le podium. Ses yeux scintillants commencent à fixer l’assemblée. Ses hanches se mettent à se balancer doucement au rythme des cuivres d’I Just Want to Make Love to You d’Etta James.

Le public l’encourage. Pia semble enfin pouvoir reprendre sa respiration. Des salves d’applaudissements, de nouveaux cris et les sourires du public l’aident à aller de l’avant.

Ces derniers mois, des habitants de Copenhague passionnés de chanson se sont ainsi retrouvés au Café Runddelen, dans le quartier de Noerrebro, avec la finale du championnat du Danemark de karaoké en ligne de mire. Ailleurs dans la capitale, la discipline fait souvent figure de sport d’ivrogne. Ici, elle donne lieu à une âpre concurrence.

Le karaoké peut aussi être un refuge pour des personnes qui ont du mal à vivre au quotidien. Le chant facilite les relations sociales, parce que l’activité – malgré le trac – est moins exigeante qu’un bavardage qui peut s’avérer maladroit. C’est ce qu’explique Lea Borcak, chercheuse à la Maison du chant et au Centre de recherche Grundtvig : “On peut en effet ressentir un lien social fort avec les autres à travers le chant, parce qu’il ne nécessite pas de beaucoup parler. La musique est un mode d’expression moins conflictuel que les mots.”

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