À Budapest, une école pour former une nouvelle élite “orbanisée”

Une citation un peu banale du philosophe conservateur britannique Roger Scruton, “C’est la beauté qui compte, et elle n’est pas subjective”, inscrite tout le long du mur en face de la cafétéria, donne d’emblée le ton. Un peu plus loin, sa photo en noir et blanc suspendue entre les grands poufs de couleur et les fauteuils. Assis à la table, nous distinguons un petit buste de Scruton, qui nous fixe. Incrédules, nous nous retournons pour voir si la tête d’Edmund Burke [homme politique et philosophe irlandais], de Margaret Thatcher ou peut-être de Jordan Peterson va surgir de quelque part.

Nous sommes à Budapest, à quelques kilomètres du centre-ville, dans le hall cosy du Mathias Corvinus Collegium, une institution privée. Sans ces “autels” dédiés à Roger Scruton, cet intérieur urbain convenable orné de longues étagères et de fauteuils multicolores ressemblerait davantage à un bureau d’une société high-tech ou d’une start-up qu’au quartier général des jeunes conservateurs hongrois, dénommé par ses détracteurs le “camp d’entraînement d’Orbán pour les jeunes de droite”.

Le Mathias Corvinus Collegium, MCC en abrégé, représentait jusqu’à récemment un espace marginal de la droite hongroise, un lieu de conférences peu fréquenté. Mais depuis qu’il bénéficie du puissant mécénat idéologique et financier du Premier ministre hongrois, Viktor Orban, le MCC est devenu une institution d’importance en Europe pour le mouvement conservateur européen. Ou du moins il aspire à l’être.

L’année dernière, Orban a attribué 1,7 milliard de dollars d’argent public et de biens immobiliers au MCC, qui se définit comme un “établissement d’enseignement privé dépourvu d’idéologie mais pas de valeurs” – un montant égal à celui reçu par toutes les universités hongroises réunies. Il a justifié cette somme en invoquant sa mission de “repenser en profondeur le système d’éducation et de formation de la société dans le sens d’une politique nationale plus conservatrice”. Selon ses détracteurs, il s’agit un vol institutionnel, car Orban a donné de l’argent public à un établissement dirigé par ses alliés politiques et des personnes partageant les mêmes idées, dans le but de former une nouvelle élite conservatrice “orbanisée”.

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