Un monastère emblématique détruit en Syrie

L'État islamique a détruit le monastère chrétien de Saint Jacques le Mutilé (Mar Yakub) à Qara au nord de Damas. Derrière la chasse à toute trace religieuse autre qu’islamique, ce sont aussi des symboles et des personnalités connues que Daesh vise.

Il y a quelques jours, c’est le conservateur du site de Palmyre, Khaled Assaad, que l’on retrouvait décapité. Jusqu’au bout il aura défié Daesh. Il a d’abord fait évacuer vers Damas les principales pièces qui pouvaient être sauvées. Puis Daesh l’a interrogé des jours durant, torturé, pour lui faire avouer où se trouvait les trésors de Palmyre. « L’or » qui obsède ces soi-disant fous de Dieu. Pour s’enrichir et pour financer la guerre. Le vieil homme n’a rien dit et il en a payé le prix.

Dans leur entreprise de terreur et de destruction, les fous de Daesh n’agissent pas sans raison. Les ordres sont précis, les actes réfléchis, exécutés à froid. À Palmyre, la prison emblématique de la terreur du régime a été vidée et dynamitée comme un symbole de libération. Le site gréco-romain a lui été miné, devenant un otage de pierre qu’ils pensent sans doute pouvoir un jour négocier. Partout, les destructions répondent aux mêmes soucis : un symbole, un message aux populations locales.

Au Sud de Homs, sur la route de Damas, le monastère de Qara est tombé. Les tombes ancestrales saccagées et les pelleteuses ont fait le reste. Le symbole est d’autant plus fort que ce monastère bâti sur les ruines de la toute première communauté chrétienne, celle d’Antioche, créée par Paul et Pierre, avait été redressé en 1993. Rasées au fil des siècles, les ruines du VIe siècle avaient été retrouvées et le bâtiment reconstruit. Une trace de chrétienté qui ne voulait pas disparaître. Le voilà à nouveau réduit en poussière.

Mais ce n’est pas tout. Comme à Palmyre c’est une personnalité qui est visée derrière le monastère. Celle de sa mère supérieure, Mère Agnès-Mariam de la Croix. Carmélite, Franco-libanaise, elle est devenue une personnalité militante et politique connue dans nos média. Son intervention sur Europe 1 a fait grand bruit. Sous couvert d’appel à la paix, de rejet de la guerre, Mère Agnès, comme beaucoup des chrétiens de Syrie, a souvent pris position pour défendre l’État syrien, réfutant qu'il ait jamais utilisé d’arme chimique. Ses connexions au sein du régime de Damas sont profondes. En 2012, elle débloque pour de nombreux journalistes désireux d’aller en Syrie les précieux visas qui semblent inaccessibles. Comment ? C’est le miracle de Mère Agnès.

Gilles Jacquier reporter de France 2 avait fait appel à elle. L’aide de la religieuse lui aura sans doute été fatale. L’immeuble dans lequel se trouvait notre confrère, journaliste d’un pays devenu ennemi, a été bombardé au moment même où il y pénétrait alors que partout autour le calme régnait. Dans ce conflit où les lignes morales ont depuis longtemps été gommées, Mère Agnès et son monastère sont les symboles d’un positionnement que Daesh combat plus que tout : le retour au statu quo d’avant, quand les Chrétiens et la minorité vivaient sous l’aile protectrice du régime, quand la Syrie vivait dans la paix et dans la peur, dans une dictature sereine et implacable.