Les discussions sur l'assurance chômage suspendues pour la nuit

par Emmanuel Jarry PARIS (Reuters) - Patronat et syndicats se sont séparés jeudi soir sans parvenir à un accord sur l'assurance chômage, malgré quelques convergences, et se sont donné rendez-vous vendredi à 09h30 pour tenter de surmonter des divergences encore très importantes. Le Medef a modifié son projet d'accord en abandonnant notamment l'idée d'aligner sur le droit commun le régime des intermittents du spectacle et en reportant à plus tard celle de moduler cotisations et allocations selon la conjoncture. Le négociateur de l'organisation patronale, Jean-François Pilliard, a fait état de convergences possibles, notamment sur la mise en place de droits rechargeables et le traitement de l'activité réduite, mais aussi d'"écarts très significatifs". Le premier de ces "écarts", a-t-il précisé, porte sur l'équilibre financier de l'Unedic, l'organisme gestionnaire de l'assurance chômage, qui prévoit un déficit de 4,3 milliards d'euros en 2014 et une dette de 22,1 milliards fin 2014 et 37,2 milliards fin 2017 si rien n'est fait. "A ce stade, il semble que les organisations syndicales soient très éloignées de l'idée qu'on se fait des équilibres financiers de l'assurance chômage", a-t-il dit à la presse. Les syndicats déplorent pour leur part qu'en dehors des droits rechargeables, le projet patronal comporte surtout des mesures visant à faire des économies. "Il y a un refus total (du patronat) de parler des recettes", a déclaré un membre de la délégation CGT. "Le projet présenté ne parle que d'économies et pas d'augmentation des contributions", a renchéri le négociateur de la CFE-CGC, Franck Mikula. "Il n'y aura pas de signature s'il n'y a pas d'augmentation des contributions des entreprises." FO SATISFAIT SUR LES DROITS RECHARGEABLES Son collègue de Force ouvrière, Stéphane Lardy, a salué le volet droits rechargeables, mécanisme permettant aux demandeurs d'emploi alternant contrats de travail courts et périodes de chômage de cumuler les droits acquis - une priorité absolue pour les syndicats. "J'ai dit que nous étions très satisfaits qu'on prenne notre scénario", a-t-il dit. Si un salarié a, par exemple, accumulé 12 mois de droits à allocations et n'en consomme que quatre avant de retrouver un travail, il conserve les huit autres, qu'il pourra utiliser lors de périodes de chômage ultérieur jusqu'à épuisement de ce stock. Sa situation sera alors de nouveau évaluée et de nouveaux droits accordés en fonction des périodes travaillées entre-temps. Selon le Medef, cette réforme, au demeurant moins ambitieuse que celle proposée par la CFDT, permettrait de réduire d'un quart à un tiers le nombre de demandeurs d'emploi touchés par la fin de leurs droits. Il propose d'autre part de supprimer les seuils au-delà desquels cumuler revenus d'activité et indemnisation n'est plus possible (75% de l'ancienne rémunération, 110 heures travaillées dans le mois, 15 mois de cumul revenu d'activité-indemnisation). L'objectif est d'éviter la chute de revenu qui se produit lorsqu'un de ces seuils est atteint - un effet qui peut s'avérer dissuasif pour la reprise d'emploi. La formule proposée pour le calcul de l'allocation versée en complément du revenu d'activité est en outre plus favorable. Ces dispositions semblent également avoir été plutôt bien accueillies. Mais plusieurs autres propositions du patronat sont très contestées par les délégations syndicales. C'est le cas de sa suggestion de diviser par deux, après un an de chômage, le plafond d'allocation mensuelle maximale, pour le ramener de 7.184 à 3.592 euros bruts, ce qui pourrait concerner potentiellement 23.000 personnes, selon l'Unedic. RÉFORMER LE RÉGIME DES INTERMITTENTS C'est aussi le cas d'une mesure visant à faire porter sur tous les demandeurs d'emplois la baisse du taux de remplacement, essentiellement subi aujourd'hui au niveau du smic puisqu'il est dans ce cas décidé par le conseil d'administration de l'Unedic et souvent revalorisé d'un montant inférieur à l'inflation. Si le Medef a renoncé à supprimer le plafond de 75 jours du délai de carence pour le versement des allocations chômage en cas d'indemnité supralégales, il demande toujours un allongement de ce report, ce qui hérisse notamment la CFE-CGC. Il ne renonce pas à toute réforme du régime des intermittents du spectacle et propose de plafonner le cumul de leurs indemnités et revenus d'activité au niveau du plafond de la Sécurité sociale, soit 3.129 euros par mois. Il propose aussi de porter le taux global des cotisations chômage employeurs-intermittents à 12,8% au lieu de 10,8% et d'ouvrir "avant la fin de l'année" une concertation avec les pouvoirs publics sur une participation financière de l'Etat. Le négociateur de la CGT, Eric Aubin, a déploré que les droits des intermittents du spectacle soient "revus à la baisse". En fin de journée, environ 200 de ces intermittents ont pénétré à l'intérieur de l'Opéra Garnier, au centre de Paris, et se sont massés sur les balcons. (Avec Lucien Libert, édité par Yves Clarisse et Guy Kerivel)