Zones à Faible Émission (ZFE) : voici pourquoi certaines restrictions prévues disparaissent

Les différents Crit’Air obligatoires dans les ZFE.
Les différents Crit’Air obligatoires dans les ZFE.

ENVIRONNEMENT - L’annonce a fait l’effet d’une petite bombe. Lors de la présentation des données sur la qualité de l’air en ville en 2022, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a indiqué lundi 10 juillet que seules cinq agglomérations (Paris, Lyon, Aix-Marseille, Rouen et Strasbourg) auront désormais l’obligation de durcir les conditions de circulation liées aux « Zones à faible émission » (ZFE ou ZFE-m), au lieu des 11 qui étaient jusqu’ici prévues.

Les ZFE ont été créées en 2019 afin de limiter la présence de véhicules polluants dans certaines métropoles. Les automobilistes et motards ne peuvent rouler dans ces zones définies par chaque agglomération que s’ils possèdent une vignette Crit’Air, qui classe de 1 à 5 les véhicules selon leur impact environnemental. Aujourd’hui, sur les 42 agglomérations qui devaient créer une ZFE en France d’ici à 2025, seules 11 l’ont mise en place.

Et les débats sont très vifs : plusieurs villes ont reporté la mise en place des ZFE, tandis qu’à droite, Les Républicains souhaitent les aménager, et à l’extrême-droite, le RN veut les supprimer. Face à ces critiques, Christophe Béchu a donc reprécisé les contours du dispositif.

• Qu’a annoncé le gouvernement ?

D’ici à 2025, les 42 agglomérations françaises de plus de 150 000 habitants devront avoir créé des ZFE, mais avec des règles différentes dans certaines d’entre elles en fonction de la pollution de l’air.

Selon le nouveau cadre présenté par le gouvernement, l’objectif est désormais d’interdire d’ici à janvier 2025 les véhicules classés Crit’Air 5, 4 et 3 dans les ZFE de Paris, Lyon, Aix-Marseille, Rouen et Strasbourg seulement.

Pour expliquer cela lors de la conférence de presse lundi, Christophe Béchu s’est félicité de l’amélioration de la qualité de l’air en France, notamment grâce aux ZFE déjà existantes. Des 15 villes dépassant le seuil réglementaire pour le dioxyde d’azote en 2016 (40 μg/m3), précise un rapport, elles ne sont plus que cinq en 2022 : Paris, Lyon, Aix-Marseille, Rouen et Strasbourg.

Face à ces bons résultats, l’exécutif a décidé de changer de terminologie et de reclassifier les villes en séparant celles qui « respectent les seuils » de celles « qui ne les respectent pas ».

Les premières, au nombre de 37 et désormais appelées « territoires de vigilance », auront désormais pour seule obligation de bannir la circulation des voitures immatriculées jusqu’au 31 décembre 1996 (non classées). Toulouse, Reims, Grenoble, Montpellier, Saint-Etienne et Nice, qui ont déjà mis en place des ZFE, se retrouvent ainsi parmi les villes qui « n’ont donc plus aucune obligation de renforcer leurs restrictions actuelles », alors qu’il était prévu que ce soit le cas jusqu’ici.

À l’inverse, les secondes (pour rappel : Paris, Lyon, Aix-Marseille, Rouen et Strasbourg), « doivent respecter le calendrier législatif de restrictions aboutissant à des restrictions pour les voitures diesel de plus de 18 ans au 1er janvier 2024 (Crit’Air 4), puis pour les voitures diesel de plus de 14 ans et les voitures essence de plus de 19 ans au 1er janvier 2025 (Crit’Air 3) ».

Ce calendrier a été de nombreuses fois reporté, à l’instar de la métropole du Grand Paris, où les véhicules de Crit’Air 3 devaient être interdit depuis juillet 2022. Finalement, jeudi 13 juillet la métropole a reporté à début 2025 l’interdiction à la circulation de ces 380 000 véhicules polluants.

• Pourquoi cette décision a-t-elle été prise ?

En pleine crise économique liée au pouvoir d’achat, les ZFE sont devenues un symbole de l’exclusion des automobilistes les plus modestes, entre le prix des véhicules électriques, l’absence d’alternatives à la voiture, ou le manque d’accessibilité des villes depuis la périphérie, comme l’ont pointé les résultats d’une consultation du Sénat sur le sujet fin mai.

Faut-il voir dans l’annonce de Christophe Béchu un recul du gouvernement pour éviter une « bombe sociale », comme le craignent certains élus comme le communiste Fabien Roussel ?

Le ministre Béchu s’en défend et assure vouloir simplement rappeler la loi face « aux interdictions théoriques qui ne sont même pas dans la loi ». « Que dit la loi de 2019 et 2021 [Loi d’orientation des mobilités ou LOM et loi Climat et résilience, NDLR] ? Elle dit l’interdiction des Crit’Air 3 si vous dépassez les seuils », souligne-t-il sur France inter ce mardi 11 juillet.

« Combien de villes dépassaient les seuils ? En 2019 au moment du vote de la LOM c’était 11. C’est combien hier après la publication des chiffres de 2022 ? C’est 5. La loi telle qu’elle a été votée en 2019 et 2021 conduit à restreindre à ces seuls 5 territoires l’interdiction des Crit’Air 3 », conclut-il.

Cette décision a tout de même du mal à passer. « Factuellement, le gouvernement applique la loi. Mais c’est un renoncement politique », déplore dans Capital le directeur de l’association Respire, Tony Renucci. C’est la « mort annoncée des ZFE », ajoute-t-il sur Twitter. « C’est une erreur majeure pour la pollution de l’air », dénonce aussi sur RMC le maire de Grenoble Éric Piolle.

• Vers des mesures d’« acceptabilité » sociale ?

En parallèle, de nombreux élus réclament depuis quelques jours de nouvelles mesures d’accompagnement pour les automobilistes. Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse (Divers-Droite), a par exemple remis lundi 10 juillet à Christophe Béchu le rapport du comité national de concertation sur la ZFE dont il a été le coordinateur.

Il propose de doubler les aides de l’État pour l’achat de véhicules moins polluants, de faciliter l’achat de ces véhicules avec une extension des prêts à taux zéro, un guichet unique qui rassemblerait les aides disponibles, d’instaurer des dérogations pour les « petits rouleurs »... Le ministre de la Transition écologique a promis, au cours de sa conférence de presse, de s’inspirer de ce rapport pour présenter à l’automne des mesures d’« acceptabilité » sociale.

Le sénateur LR Philippe Tabarot, peu convaincu par l’annonce du ministre, a pour sa part déposé une proposition de loi dès lundi pour repousser au plus tard à 2030 l’entrée en vigueur de l’interdiction des Crit’Air 3 dans les ZFE concernées, alors qu’elle est prévue pour janvier 2025 actuellement. Il propose aussi de fixer au 1er janvier 2030 la date butoir de création d’une ZFE dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants, en leur laissant la possibilité de recourir à des solutions alternatives.

Enfin, une autre proposition de loi socialiste a été déposée vendredi dernier par le député Gérard Leseul. Pour accompagner la mise en place des ZFE, il demande « une refonte du système des vignettes Crit’air » pour qu’elles tiennent compte du poids des véhicules, de conditionner les sanctions prévues pour les automobilistes en infraction, ou encore de rendre obligatoire dans les entreprises et administrations le « forfait mobilités durables ». Les débats sur les ZFE ne sont donc pas près de s’éteindre.

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