Zimbabwe : les élections prolongées d'une journée à cause de problèmes logistiques
Les Zimbabwéens ont voté mercredi dans un calme relatif mais sans illusions alors que l'opposition dénonce des "fraudes" et "entraves" ayant entaché le scrutin présidentiel et législatif.
"Nous avons clairement affaire à des entraves aboutissant à supprimer des électeurs, un cas classique de triche archaïque datant de l'âge de pierre", a dénoncé Nelson Chamisa, avocat et pasteur de 45 ans, devant la presse.
Dans la capitale Harare, bastion de l'opposition, la pagaille s'est emparée de plusieurs bureaux, qui ont tardé à ouvrir en raison de "retards logistiques". Et le président a dû annoncer dans la soirée que le scrutin serait prolongé d'une journée, pour permettre aux 6,6 millions d'électeurs de voter.
La commission électorale (ZEC) a reconnu que moins d'un quart des bureaux de la capitale avaient pu ouvrir à sept heures comme prévu.
Dans le quartier de Kambuzuma, Linda Phiri, 53 ans, arrivée à l'aube, était au comble de l'exaspération dans l'après-midi, alors qu'aucun bulletin n'était encore déposé. "Je dors là s'il le faut. Je ne rentre pas à la maison", enrage-t-elle auprès de l'AFP.
"On nous a expliqué que les bulletins étaient en train d'être imprimés, c'est une mauvaise blague", soupire Boasz, un infirmier de 37 ans qui ne veut pas donner son nom. "Ils cherchent à frauder", siffle entre ses dents Chrispen Marambakuwanda, chômeur de 45 ans.
A l'heure où la plupart des bureaux fermaient, et commençaient même à dépouiller, au moins l'un d'entre eux, dans un quartier défavorisé de Harare, commençait tout juste à voter, a constaté l'AFP.
L'opposition réunie au sein de la Coalition des citoyens pour le changement (CCC), fortement implantée dans les villes, tablait sur un vote protestataire ancré dans une grogne croissante liée à une économie sinistrée, entre chômage record et hyperinflation.
La campagne électorale avait déjà été marquée par une répression sans nuance de l'opposition et de sérieuses irrégularités dans les listes électorales, constatées par des ONG.
Le président Emmerson Mnangagwa et son parti la Zanu-PF, au pouvoir depuis l'indépendance en 1980 de ce pays enclavé d'Afrique australe, semblent déterminés à s'accrocher au pouvoir.
Craintes sur le dépouillement
Nelson Chamisa a dénoncé une volonté délibérée du parti au pouvoir de "créer de la confusion pour brouiller les pistes".
La Zanu-PF "est au désespoir, ce sont les derniers coups de pied d'un cheval mourant. Ce n'est pas un parti politique, c'est une mafia", a asséné cet homme svelte à fine moustache, en fin de journée.
"Nous voulons la paix mais il y a une limite", a-t-il ajouté, prévenant qu'il ne permettrait pas une réédition des élections 2018, dont il avait contesté le résultat, sans succès.
A Kwekwe (centre), le président sortant, 80 ans, cheveux teints et écharpe aux couleurs du pays, a voté entouré de partisans. "Avec mon vote, j'espère que la mairie va me donner un bon travail", commentait Freddy Kondowe, chômeur d'une quarantaine d'années.
Les résultats doivent être publiés dans les cinq jours suivant le scrutin.
Le CCC a salué une "très forte participation". Mais sa porte-parole Fadzayi Mahere a signalé des manœuvres de partisans de la Zanu-PF - arrivés dans certains bureaux sous couvert de sondages de sortie des urnes - pour semer la peur et inciter à voter pour le pouvoir.
"Le régime panique", a-t-elle affirmé. De fausses affiches ont aussi été distribuées mais "les citoyens ne se laisseront pas abuser".
La veille, le porte-parole du gouvernement, Nick Mangwana affirmait à l'AFP souhaiter que "chaque Zimbabwéen accepte le choix du peuple". Comme si les jeux étaient faits.
Le président a promis inlassablement une élection équitable. Mais "la Zanu-PF est inarrêtable. La victoire est certaine", a-t-il encore répété samedi.
Après des mois de campagne biaisée à l'égard de l'opposition, peu croient aux chances du "jeune homme" Nelson Chamisa.
Human Rights Watch avait prédit un "processus électoral gravement défectueux". Et opposition comme observateurs redoutent désormais de la fraude lors du décompte des bulletins.
Ces inquiétudes sont "le fruit d'une imagination débordante", avait balayé mardi auprès de l'AFP Rodney Kiwa, vice-président de la ZEC.