Yassine Bouzrou, avocat de la famille de Nahel, estime que le problème est « judiciaire » plutôt que « policier »

L’avocat de la famille du jeune Nahel reproche davantage à la justice les violences policières qu’aux policiers eux-mêmes.
L’avocat de la famille du jeune Nahel reproche davantage à la justice les violences policières qu’aux policiers eux-mêmes.

JUSTICE - Plus d’une semaine après la mort du jeune Nahel à Nanterre, l’avocat de sa famille, Maître Yassine Bouzrou a dévoilé ce mercredi 5 juillet dans une interview au journal Le Monde son regard sur le problème des violences policières.

Fort d’une expérience de longue date sur la question, celui qui a défendu la famille d’Adama Traoré et celle de Zineb Redouane après avoir commencé sa carrière d’avocat par le dossier d’Abdoulaye Fofana en 2008, bat en brèche certaines des idées les plus répandues depuis la mort de Nahel.

Yassine Bouzrou estime qu’en France, le problème policier n’existe pas. Selon l’avocat, la recherche d’un responsable se trouve plutôt du côté de la justice. Et pour illustrer son avis, il cite directement le cas de la mort de Nahel.

« La famille apprend le décès de Nahel un peu avant 9 heures, la vidéo qui montre les circonstances du tir mortel circule très rapidement. Deux heures plus tard, ils entendent par les médias que leur fils est présenté comme un délinquant et que le policier auteur du tir n’a pas été placé en garde à vue », énumère-t-il. « L’attitude du parquet a été scandaleuse et irrespectueuse, c’est cela qui a rendu la famille folle de colère », ajoute Yassine Bouzrou.

Il accuse d’ailleurs le procureur en charge de l’affaire d’avoir « jeté de l’huile sur le feu » après avoir « annoncé une enquête pour tentative d’homicide sur le policier », estimant que dans ce dossier, la priorité du parquet « n’est pas de placer en garde à vue une personne qui vient de commettre un homicide volontaire mais de commencer à criminaliser la victime ».

Si le policier a finalement été placé en garde à vue en fin de journée mardi 27 juin, c’est uniquement en raison de l’existence d’une vidéo, selon l’avocat de la famille de Nahel. « Sans la vidéo, rien de tout cela ne serait arrivé. La nouveauté, c’est que tout le monde voit, et cela oblige la justice », estime-t-il, tout en déplorant l’absence de garde à vue ou d’audition comme témoin assisté du deuxième policier présent.

« La responsabilité est d’abord judiciaire »

Pour dénoncer les errances de la justice, Yassine Bouzrou tacle aussi l’absence de « dépaysement » dans l’enquête. « L’enquête a été confiée au commissariat de Nanterre. S’il n’y a pas de dépaysement, il n’y aura jamais d’investigation objective dans ce dossier ». Un constat global qui fait dire à l’avocat qu’« il n’y a pas de problème policier en France, il y a un problème judiciaire ».

« Tant que la justice protégera d’une manière aussi flagrante les policiers, ils n’auront aucune raison de modifier leur comportement. La responsabilité est d’abord judiciaire », assène-t-il encore, avant de terminer par un constat encore plus sévère : « La justice n’a jamais été aussi radicale dans l’exonération des policiers ». De quoi conduire à une « aggravation des violences policières illégitimes ces dernières années » après « l’impunité totale » observée depuis les cas de gilets jaunes éborgnés par des tirs de LBD.

L’avocat (aperçu dans son propre rôle dans Athena de Romain Gavras, film sorti en 2022 qui met en scène des émeutes après la mort d’un jeune des quartiers) pose également un regard sévère sur le rôle de l’IGPN, la « police des polices ».

« Le problème, c’est que l’IGPN ne travaille pas pour les avocats, mais pour les procureurs, et travaille surtout pour le ministère de l’intérieur. Comme l’IGPN a la double casquette, administrative et judiciaire, ils disent, dans leurs conclusions, s’il y a eu ou non une faute commise, donc ils portent un jugement », observe Yassine Bouzrou.

Cette position bicéphale permet donc à un magistrat « de se ranger derrière l’avis de l’IGPN, en expliquant qu’aucune faute n’a été commise, et donc de classer sans suite ou de rendre un non-lieu ». Une situation qui contribue à l’émergence de nouveaux cas de violence policière.

D’autant plus que, comme le note Yassine Bouzrou, « les peines, lorsqu’il y a un procès, sont aussi, très souvent, trop légères. Même lorsqu’ils sont convaincus de la culpabilité des policiers, les magistrats ont tendance à requérir du sursis ». De quoi faire dire à l’avocat de 44 ans que le slogan « ’Pas de justice, pas de paix’ a du sens », sauf qu’en « matière de violences policières illégitimes », il n’y a aucune justice d’après lui.

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