Yaël Braun-Pivet en Israël : ce qui est reproché à la présidente de l’Assemblée nationale

Photo partagée sur le compte X (ex-Twitter) de Yaël Braun-Pivet dimanche 22 octobre.
Photo partagée sur le compte X (ex-Twitter) de Yaël Braun-Pivet dimanche 22 octobre.

POLITIQUE - Une initiative qui fait beaucoup parler. Dans le week-end, Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, s’est rendue en Israël dans une démarche de soutien après l’attaque terroriste commise par le Hamas le 7 octobre. Un déplacement qui intervient après le « soutien inconditionnel » à l’État hébreu exprimé par la députée des Yvelines.

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Auprès de l’AFP ce dimanche, l’entourage du 4e personnage de l’État expliquait qu’il s’agissait d’un voyage « de solidarité » visant également à « encourager les convois humanitaires pour les populations civiles ». Ce déplacement, aux airs de diplomatie parallèle car intervenant deux jours avant la visite d’Emmanuel Macron sur place, a fait grincer des dents, surtout à gauche, plusieurs responsables considérant que le format du voyage, tout comme les déclarations de la présidente de l’Assemblée nationale sur place, posent problème.

1- La composition de la délégation

Sur France inter ce lundi 23 octobre, Yaël Braun-Pivet a indiqué que, comme pour chaque déplacement à l’étranger, elle avait demandé à des parlementaires de se joindre à elle, et avec un même principe : le député de la circonscription (Meyer Habib), des députés de l’opposition (Éric Ciotti) et le président du groupe d’amitié concerné (Mathieu Lefèvre). Selon elle, les socialistes et les communistes, également conviés, ont décliné l’invitation. Pourquoi ? « Il faudra leur demander », a-t-elle répondu.

Auprès du HuffPost, le groupe socialiste confirme avoir « sans esprit de polémique » répondu par la négative, « considérant que ce déplacement (auquel participeraient également Éric Ciotti et Meyer Habib), ne nous paraissait pas permettre de délivrer le message clair et équilibré que nous souhaitons porter ». Il faut dire que le président des Républicains et le député des Français de l’étranger (apparenté LR) ne sont pas les plus fervents défenseurs de la solution à deux États, historiquement portée par la France.

Meyer Habib (qui assume sa proximité avec le gouvernement israélien), qualifie ainsi de « pure chimère » la recherche d’une solution politique au conflit. Quant à Éric Ciotti, il s’est souvent prononcé pour la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël (à l’instar de Donald Trump) et a exprimé son souhait de « rompre avec une forme de tradition diplomatique globalement pro-arabe ».

Deux profils effectivement éloignés de toute recherche d’équilibre. Ce que répète ce lundi le coordinateur national de la France insoumise. « Ce chef de guerre raciste faisait partie de la délégation de la présidente de l’Assemblée nationale. Ça ne dérange personne ? », a accusé, Manuel Bompard pour cibler Meyer Habib et ses propos tenus sur CNews.

2- Le format du voyage

Le groupe PS estime par ailleurs que le déplacement tombe mal « particulièrement à la veille du débat dans l’hémicycle » consacré à la situation au Proche-Orient et que le délai proposé par la présidente de l’Assemblée « ne nous permettait pas de discuter le format, le message, ni de prendre contact avec nos homologues et quelques autres interlocuteurs ». Selon la même source : « un déplacement préparé dans le cadre du groupe d’amitié s’envisagerait plus aisément ».

Les griefs sont similaires chez les communistes. « Nous avons décliné car nous souhaitions que cette délégation porte un message dénonçant également les bombardements à Gaza et qu’elle salue l’autorité palestinienne autant que les autorités israéliennes. Nous aurions également aimé rencontrer des forces progressistes sur place. Il ne nous a pas paru opportun de participer à cette délégation dont le message n’était pas équilibré selon nous », nous explique ce lundi le groupe présidé par André Chassaigne.

3- Le message délivré sur place

Autre grief à l’encontre de Yaël Braun-Pivet, ses propos tenus sur place. Selon ses détracteurs, ils marquent encore une forme de déséquilibre en contradiction avec la diplomatie française. François Ruffin a fustigé sur X (ex-Twitter) cette phrase de la présidente de l’Assemblée : « Il faut préserver les civils à Gaza, mais rien ne doit empêcher Israël de se défendre ». Pour le député de la Somme (qui a condamné sans détour l’attaque terroriste du Hamas) « Yaël Braun-Pivet justifie des crimes de guerre, le meurtre de civils palestiniens à Gaza, quantité négligeable, dommages collatéraux ».

Au-delà de la gauche, certains au sein même de la Macronie ont du mal avec le « soutien inconditionnel » (littéralement « sans condition ») affirmé par Yaël Braun-Pivet à Israël, pays régulièrement condamné pour le sort réservé aux Palestiniens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. « Le signal qui est envoyé penche quand même plus d’un côté que de l’autre. Je ne reprends pas à mon compte l’expression de “ soutien inconditionnel ” à Israël. Comme d’autres au sein du groupe Renaissance, je suis sur la ligne du Quai d’Orsay. Mais force est de constater que ce n’est pas la ligne adoptée par la tête de notre groupe », explique à France 24 la députée Renaissance Mireille Clapot, qui s’émeut de la situation catastrophique vécue par les Gazaouis.

4- Le timing et le sens du voyage

Cette initiative fait tiquer, enfin, ceux qui s’inquiètent de la clarté du message diplomatique de la France. « Il eût été préférable que la voix de la France s’exprime par la voix du président », a par exemple tancé l’ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve, sur franceinfo. « Le quatrième personnage de l’État contredit la position officielle - même tardive, même timide, même insuffisante - de la France, portée par le Président », regrette aussi François Ruffin qui accuse la présidente de l’Assemblée nationale de s’aligner sur « les faucons américains et leurs alliés extrémistes du gouvernement du gouvernement israélien ».

Face aux critiques, Yaël Braun-Pivet a tenu à préciser sa position concernant le « soutien inconditionnel » à Israël, à l’heure où la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna et Emmanuel Macron continuent de plaider pour la création de deux États. « Je n’ai jamais dit que je soutenais de façon inconditionnelle le gouvernement d’Israël, mais je soutiens de façon inconditionnelle l’existence d’Israël, parce que c’est l’existence d’Israël qui est en jeu quand le Hamas commet des attentats terroristes », a-t-elle nuancé, affirmant qu’elle respectait la ligne de la France sur le conflit israélo-palestinien. Suffisant pour convaincre ses détracteurs ?

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