XV de France: "Il a une vision des choses plutôt anglo-saxonne", le capitaine Alldritt fait déjà l'unanimité

On a l’impression que le (solide) bonhomme a toujours su surprendre les observateurs. Comme ceux qui, en cette soirée du mois d’août 2017, étaient au stade Marcel Deflandre au moment des premiers pas de Grégory Alldritt sous le maillot rochelais et du même coup au plus haut niveau pour lui, en amical face à Brive. Venu du FC Auch, vingt ans à l’époque, et le même murmure chez tous les supporters à chaque impressionnante charge poussée par le 3e ligne: "Mais qui est ce joueur?". Sans le savoir, sous la houlette de Patrice Collazo, l’histoire était en marche.

Ancien capitaine du Stade Rochelais, son compère du pack et néo-retraité Romain Sazy avait adoubé le Gersois l’an passé: "Quand il est arrivé, il n’était pas à ce niveau-là, avouait le 2e ligne. Aujourd'hui, il a explosé. Je pense que Greg a fait des sacrifices. Il a beaucoup bossé. C’est quelqu’un d’hyper important pour l’équipe. Le club peut se bâtir sur quelqu’un comme lui". Un fer de lance qui a su apprendre aux côtés de Sazy bien sûr, mais aussi au milieu des Uini Atonio, Victor Vito ou encore Jason Eaton. Dix matchs la première saison dans la peau d’un remplaçant, puis… trente et un la suivante! Comme à la sortie d’une mêlée, le colosse (1m91, 113 kg) était lancé. Humble mais déterminé.

"C’est un mec rempli de valeurs, à commencer par le respect ajoute Sazy. C’est une chose qui me plaît énormément. Puis c’est quelqu’un qui humainement et sur le terrain a des prédispositions monstrueuses". Et de la matière grise à revendre. Le quinze de France ne s’y trompe pas, Jacques Brunel le convoque pour le Tounoi 2019, Alldritt honore sa première sélection au Stade de France face au Pays de Galles (défaite 19-24) et enchaîne avec la Coupe du monde au Japon. Compétition lors de laquelle il sera élu trois fois homme du match. Il ne va plus jamais quitter le maillot bleu… soldat par la suite de Fabien Galthié dès le début de son premier mandat, il va d’abord endosser le statut de capitaine dans son club en succédant à Romain Sazy à l’intersaison 2021, avec qui il soulèvera tout de même deux Coupes d’Europe lors des printemps suivants.

"Ronan O'Gara l'a emmené à être le capitaine qu'il est aujourd'hui"

"Je pense qu'il a aussi eu un capitanat par le fait de Ronan O'Gara, qui l'a emmené à être le capitaine qu'il est aujourd'hui, expliquait cette semaine son coéquipier en club et en sélection Jonathan Danty. Il a une vision des choses plutôt anglo-saxonnes. Il demande beaucoup de précision, d'application, en ayant un peu le sourire quand même. En restant Français". Au contact de son manager irlandais, le Gersois, lui-même aux racines écossaises de par son papa (et donc imprégné d’un flegme britannique?), est semble-t-il devenu plus froid devant les évènements. Pour ne pas abdiquer notamment, après deux finales (Coupe d’Europe, Top 14) perdues face au Stade Toulousain en 2021.

"Il n’y a toujours pas de titre" disait-il à nos confrères de France 3 cette année-là, après avoir battu la Nouvelle-Zélande avec le quinze de France. "Reste plus qu’à se remettre au travail très vite et à décrocher quelque chose". On connaît la suite… Alors, lorsqu’il a fallu trouver un successeur à Antoine Dupont parti vers le rugby à sept cet hiver, le sélectionneur Fabien Galthié, plutôt que de redonner le brassard à Charles Ollivon, a été convaincu par la nouvelle dimension d’Alldritt: "Il joue dans une équipe européenne, La Rochelle, coaché par un coach irlandais. Il y a, quand même, une culture différente chez Greg Alldritt, même s’il vient du Gers. Il y a son âge aussi, bien sûr. Et puis la personne, qui décide de prendre deux mois de vacation avec son club pour être prêt pour le Tournoi. Donc ça fait quelqu’un qui porte une vision, à la fois individuelle et collective très performante, avec de l’expérience et qui peut apporter son énergie, sa sensibilité, son côté européen, on va dire. Ça fait beaucoup d'atouts qui nous ont semblé évidents finalement".

Très proche de lui sur et hors du terrain, Antoine Dupont a exprimé sa joie et son soutien sans faille à son coéquipier au moment de l’annonce officielle: "Là je suis très content que ce soit Greg (Alldritt) et je ne suis pas du tout inquiet pour lui, au-delà de lui, le rôle qu’il va remplir. Il sera très bien épaulé sur le terrain avec d’autres cadres qui sont encore là. Avec des joueurs d’expériences autour et puis, il a aussi l’expérience des matchs de haut niveau, que ce soit l’équipe de France ou avec La Rochelle. D’être double champion d’Europe, ce n’est pas rien. Il a amené deux fois son équipe a ce titre, donc j’espère que ça lui portera chance pour arriver à un nouveau titre cette année en bleu".

Encore une autre dimension

L’intéressé, très soucieux de la réaction de Charles Ollivon au moment de la décision, a voulu en faire tout sauf un évènement. Y compris dans l’idée de ne pas trop s’exprimer avant les obligations officielles du poste pour le Tournoi. L’ailier du Stade Toulousain Matthis Lebel, qui a fait ses premiers pas rugbystiques dans le Gers, à Lombez-Samatan, a à la fois côtoyé Alldritt et Dupont. Il n’est donc pas surpris de l’attitude du premier et n’est pas inquiet du passage de relais. "On a la chance de venir, à peu près, des mêmes cantons dans le Gers donc, même si Antoine (Dupont) n'est pas né dans le Gers. Mais du coup, certaines valeurs communes que je retrouve en Greg et qu'il y avait chez Antoine. Ils ont toujours dit, que ce soit Greg ou Antoine, qu'ils étaient quand même là au service du collectif. Et on le ressent vachement en interne. Donc je pense qu'il n'y a pas de problème et que les choix ont été mûrement réfléchis par le staff. Et c’est surtout très bien accepté par l'ensemble des joueurs".

La confiance de ses pairs

S’il avait mené les Bleus l’été dernier lors du match de préparation gagné face aux Fidji (34-17), demain, Grégory Alldritt prendra encore une autre dimension. Capitaine du quinze de France pour le Tournoi des VI Nations, "c’est un très grand honneur, beaucoup de fierté", comme il a pu le dire. La tête bien visée sous son casque et sur ses larges épaules, il étrennera encore une nouvelle stature. "II est vraiment posé, il amène ce calme et cette sérénité", argumente 3e ligne rochelais Paul Boudehent, quand son coéquipier Jonathan Danty explique "(qu’) il a un côté leader. Dans la parole et surtout dans les actes". Pour sa 46e sélection, les Bleus semblent entre de bonnes mains. Au sens propre comme au sens figuré.

Article original publié sur RMC Sport