Wuambushu : Salime Mdéré, élu de Mayotte, indigne après ses propos sur les jeunes délinquants

Des gendarmes à Koungou, sur l’île de Mayotte, où l’évacuation d’un bidonville a été suspendue.
Des gendarmes à Koungou, sur l’île de Mayotte, où l’évacuation d’un bidonville a été suspendue.

POLITIQUE - « Il faut peut-être en tuer. » Salime Mdéré, vice-président du conseil départemental de Mayotte, a provoqué un tollé ce mardi 25 avril après des propos très violents visant les jeunes Comoriens, tenus la veille lors d’une interview sur Mayotte la 1ère. L’élu a finalement présenté ses excuses dans un message publié sur Facebook, précisant que ses propos avaient « dépassé sa pensée ».

Salime Mdéré était interrogé sur l’opération Wuambushu, qui prévoit de déloger des migrants en situation irrégulière des bidonvilles et d’expulser les sans-papiers. Il était plus précisément invité à réagir à un reportage tout juste diffusé et réalisé à Tsoundzou, où des affrontements ont lieu entre la police et des jeunes.

« Je refuse de les appeler des gamins. Ces délinquants, ces voyous, ces terroristes, à un moment donné, il faut peut-être en tuer. Et je pèse mes mots », a-t-il déclaré à l’antenne. La journaliste, choquée, le prévient qu’il n’est pas possible de tenir de tels propos.

Lancé dans sa diatribe, il continue malgré tout : « Oui oui, vous ne pouvez pas me laisser, mais s’il n’y en a pas un qui est tué, il y en a toujours d’autres qui vont oser tenter de tuer des policiers. S’ils tuent des policiers, la légitime défense elle est où là-dedans ? »

Des propos condamnés par la gauche

Le journal télévisé dans lequel il intervenait, regardé en replay par Le HuffPost, a depuis été supprimé du site de Mayotte la 1ère. « Nous avons pris la décision de dépublier le journal en raison de cet appel au meurtre. En tant que chaîne de service public, nous ne pouvions pas laisser passer de tels propos, la journaliste à l’antenne a d’ailleurs immédiatement stoppé l’élu », indique le pôle outre-mer de France Télévisions au HuffPost. « Il n’y avait pas d’autre décision à prendre face à cet incident grave. »

L’extrait reste malgré tout visible sur Twitter, et de nombreuses personnalités politiques s’en sont emparées pour dénoncer les déclarations de l’élu. « Honteux. Voilà où conduit la politique de notre gouvernement. J’appelle à mettre un terme immédiat à cette opération », a écrit le député communiste Fabien Roussel. « La folie et la haine », a pour sa part commenté le député LFI Carlos Martens Bilongo.

« L’opération raciste Wuambushu organisée par l’État français prend une tournure dramatique. Désormais c’est le vice-président du département de Mayotte qui [appelle] à tuer des personnes. Le tout dans un silence assourdissant ici en France. Honte à ceux qui ferment les yeux », renchérit l’insoumis Thomas Portes.

Le préfet « consterné »

« Est-ce que les élus LREM vont condamner ces propos insupportables du vice-président LREM du Conseil départemental de Mayotte ? », s’interroge également Manuel Bompard, le coordinateur de la France insoumise. Le maire écologiste de Grenoble Éric Piolle estime également que ces propos devaient « être condamnés sans délai ».

Concernant son appartenance politique, Renaissance (ex-LREM) a rectifié auprès de Franceinfo : « Contrairement à ce que certains médias ou personnalités ont pu indiquer, M. Salime Mdéré n’était pas adhérent à “la République en marche”, n’est pas adhérent à Renaissance, il n’a jamais obtenu l’investiture de notre parti et n’a d’ailleurs pas accordé son parrainage au président de la République en 2022 ». Salime Mdéré a été élu sous l’étiquette BC-DVC (binôme divers-centre) aux élections départementales 2021.

Renaissance condamne d’ailleurs « avec la plus grande fermeté les propos intolérables » du vice-président du conseil départemental. Le préfet de Mayotte Thierry Suquet se dit également « consterné » sur France culture. « Quelle que soit la situation de tension que l’on rencontre en ce moment sur l’île, de tels propos sont inadmissibles et je les condamne fermement », ajoute-t-il.

La sénatrice PS de Paris, Marie-Pierre de La Gontrie, a indiqué mardi après-midi saisir le parquet de Paris : « je vous saisis des propos tenus ci après, prévus et réprimés par l’art 24 de la loi du 29 juillet 1881 », écrit-elle dans une publication sur Twitter. Elle assurait dans un message précédent que le message du vice président départemental était « punissable de 7 ans d’emprisonnement » au titre de cette loi de 1881.

Salime Mdéré est quant à lui finalement revenu mardi après-midi sur ses déclarations tenues sur Mayotte la 1ère. « Mes propos - qui sont à la hauteur de ma passion pour cette île - ont dépassé ma pensée et je m’excuse bien volontiers s’ils ont pu heurter », écrit-il dans la publication ci-dessous. « Je voulais juste alerter sur la nécessité de mesures plus fortes pour créer les conditions de la réussite de (l’opération) Wuambushu », a-t-il encore expliqué, ajoutant : « je me dois de donner l’exemple et ma volonté de voir notre île avancer a pu justifier ce propos excessif ».

L’opération suspendue à Koungou

Ce mardi, l’évacuation d’un bidonville à Koungou a été suspendue la justice constatant « l’existence d’une voie de fait », tenant aux conditions d’expulsion jugées « irrégulières » par les personnes s’opposant à l’expulsion. Les avocats de la préfecture vont faire appel.

Dans le cadre de l’opération baptisée Wuambushu (« reprise » en Mahorais), la France prévoit de déloger des migrants en situation irrégulière des bidonvilles de Mayotte, 101e département français, et d’expulser les étrangers en situation irrégulière vers l’île comorienne la plus proche située à 70 km.

De nombreux migrants africains, surtout comoriens, tentent chaque année de rallier clandestinement Mayotte. Ces traversées hasardeuses prennent souvent une tournure dramatique avec des naufrages de « kwassa kwassa », petites embarcations de pêche à moteur utilisées par les passeurs.

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