We Love Green accusé de chasser les animaux du bois de Vincennes par des associations, le festival se défend

Des associations écologistes s’opposent à la tenue du festival We Love Green dans le bois de Vincennes, à Paris, du 31 mai au 2 juin. (Photo prise en mai 2015 de We Love Green)
David Wolff - Patrick / Redferns via Getty Images Des associations écologistes s’opposent à la tenue du festival We Love Green dans le bois de Vincennes, à Paris, du 31 mai au 2 juin. (Photo prise en mai 2015 de We Love Green)

ENVIRONNEMENT - « À 120 décibels, vous faites exploser les tympans des écureuils ! » Marie-Noëlle Bernard, référente de l’association Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), se fiche bien que la rappeuse belge Shay ou que son homologue français Ninho comptent parmi les têtes d’affiche du festival We Love Green du 31 mai au 2 juin 2024. Pour la militante écologiste, la musique amplifiée par des sonos en plein cœur du bois de Vincennes à Paris est une aberration.

« Pour les oiseaux, début juin, c’est la période de nidification et d’apprentissage des nouveau-nés. Or, lorsqu’il y a du bruit et de la lumière, les parents s’enfuient et les petits se retrouvent seuls, mourant de faim et de soif », déplore-t-elle. Lors de l’édition 2023, la GNSA « n’a pas réussi à sauver un bébé rapace tellement il était déshydraté ».

Orchidées sauvages piétinées et hérissons trop lents ?

L’association de protection du bois de Vincennes, tout comme France nature environnement (FNE) et Paris animaux zoopolis (PAZ), s’inquiète particulièrement pour les petits mammifères. « Les hérissons, ça ne court pas à 100 km/h ! Ils ne peuvent pas s’enfuir assez vite… » Les écureuils ont les tympans explosés « parce qu’à partir de 80 décibels, ceux des humains sont déjà en danger », s’offusque encore Marie-Noëlle Bernard, citant l’échelle du risque pour l’audition. Elle souligne également que les chauves-souris « détestent la lumière ».

Hortense Serret, docteure en écologie a été sollicitée par We Love Green fin 2023 pour lancer une étude d’impact du festival sur la biodiversité pour une durée de trois ans. Elle est beaucoup plus mesurée sur les effets négatifs du festival sur la faune. « Par exemple, pour les hérissons, une étude menée sur un festival en Allemagne montre que l’évènement a un impact sur leurs déplacements et leurs comportements mais que cela n’altère pas leur survie. » Et abonde : « Ce sont des animaux capables de parcourir plusieurs kilomètres par nuit. Pour savoir à quel point les nuisances les affecteraient au bois de Vincennes, il faudrait faire des suivis à l’aide de GPS embarqués, ce qui n’est pas forcément évident et qui est aussi assez stressant pour eux », estime la scientifique.

Quant aux chiroptères, « la lumière altère leur zone de chasse, mais ils reviennent ». En ce qui concerne les tympans des animaux abîmés par le bruit, Hortense Serret demande à voir l’étude scientifique sur laquelle s’appuie les associations – étude qui n’a pas pu être communiquée au HuffPost.

Face à ce ping-pong d’arguments, le dialogue entre le festival et les militants est difficile. Vertes de rage et ne se sentant pas écoutées, le GNSA, FNE et la PAZ, soutenues par la Ligue de protection des oiseaux (LPO), appellent ce vendredi 31 mai, jour de l’ouverture du festival, à un rassemblement devant l’esplanade du château de Vincennes pour réclamer la délocalisation de We Love Green au Stade de France. « Le retour du festival en zone urbaine permettra de préserver l’intégrité de l’habitat forestier et de ses nombreuses espèces dépendantes tout en garantissant une meilleure sécurité », soulignent-elles dans un communiqué commun, publié mardi 28 mai.

Premier festival français à commander des études d’impact sur la biodiversité

De son côté, le festival assure être à la pointe sur le sujet de la biodiversité et explique être le premier festival français à avoir demandé à la LPO une « étude d’impact sur l’avifaune nicheuse environnante ». Une étude parue en 2022 dont We Love Green communique au HuffPost les conclusions en deux phrases : « Les seuls résultats tangibles mettent en évidence que les espèces à petit territoire ont tendance à rester. En revanche, celles à grand territoire s’éloignent mais reviennent après le festival. »

Interrogée par Le HuffPost, la LPO confirme les dires de We Love Green mais livre plus de détails sur ce que l’association appelle « une petite étude bénévole ». « Cette première approche met en évidence un dérangement, mais ne nous permet pas de caractériser les conséquences réelles du festival sur la reproduction de ces espèces (notamment sur les couvées et les jeunes) », détaille l’une des plus importantes associations françaises dédiées à la protection de la nature.

C’est pourquoi We Love Green a décidé de commander une nouvelle étude d’impact sur les oiseaux, la flore, la microfaune du sol et les chiroptères, coordonnée par le cabinet Ekodev et par l’écologue Hortense Serret, citée plus haut. Les premières observations réalisées sur 30 nichoirs à mésanges bleues et charbonnières montrent qu’une grande partie des premières couvées sont déjà terminées (les juvéniles sont sortis du nid) et des deuxièmes couvées sur une partie des nichoirs sont en cours. « Pour le moment, on ne peut rien conclure. On pourra communiquer davantage en septembre », explique la scientifique. Dans tous les cas, pour Hortense Serret, cette étude est « très intéressante, elle a un vrai intérêt pour tous les festivals de plein air en France et ailleurs afin de mieux comprendre et prendre en compte les effets de ces évènements sur la biodiversité ».

« L’emplacement et la date du festival posent problème », selon la LPO

Mais les conclusions de cette étude prendront des années à être publiées. En attendant, la LPO plaide qu’en l’« absence d’élément probant sur la reproduction des oiseaux (...) l’emplacement et la date du festival posent problème et doivent être déplacés ». L’association ajoute qu’elle regardera « attentivement les résultats des suivis des espèces mis en place cette année par le festival. »

D’après Marie-Noëlle Bernard, la proposition de relocaliser le festival a été soumise à Marie Sabot, directrice de We Love Green. « Elle m’a répondu qu’elle n’avait pas assez de place au Stade de France pour installer son village », se désole la référente du GNSA, et estime que son interlocutrice ne prend pas au sérieux les critiques des associations : « Elle m’a demandé de lui rapporter un cadavre comme preuve que les animaux souffrent… »

Quant au fait de décaler la date des festivités après la nidification, « la directrice dit qu’elle ne peut pas parce qu’en septembre, c’est la Fête de l’Huma ». We Love Green ajoute être lié par convention avec la mairie de Paris, l’obligeant à garder le lieu et la date identiques. Une prise de bec qui ne devrait donc pas prendre fin cette année.

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