"Une vraie révélation pour moi": les confidences de Christian Nsapu, héros malheureux de la Kings World Cup

Il a été le héros des supporters français à la Kings World Cup, avant de vivre un grand moment de solitude lors du dernier match. Christian Nsapu est l'un des deux gardiens de Foot2Rue, l'équipe française qui était engagée à la compétition très particulière de football à sept organisée par Gerard Piqué au Mexique. Un événement qui a donné lieu à plus de neuf millions de vues sur les lives Twitch du streameur AmineMaTue, rien que les jours de match.

Tout juste rentré en France après l'élimination polémique contre les Argentins du Muchachos FC, Christian Nsapu s'est confié à RMC Sport. Une interview qui rappelle aussi le quotidien précaire et difficile des footballeurs éloignés des premières divisions. Car le gardien orléanais de 27 ans, qui a vadrouillé en National 2 et National 3, mais aussi au Luxembourg, est sans club depuis plus d'un an. Son dernier match officiel remonte à décembre 2022.

RMC Sport - Comment avez-vous vécu cette aventure?

Christian Nsapu - Pour moi, ça a été une très bonne expérience. Malheureusement, ça s'est mal terminé, mais je l'ai vécu comme une expérience vraiment enrichissante et extraordinaire pour moi. Parce que c'est quelque chose que je n'aurais jamais pu imaginer vivre un jour. Surtout à ce moment de ma vie.

Qu'est-ce qui a fait que vous vous êtes inscrit et que vous ayez pu être sélectionné? Amine a dit que le coach avait poussé pour vous, au regard de votre envergure sur les tirs au but...

Ma soeur m'a envoyé une image du trailer avec Amine et Neymar. J'ai décidé d'aller regarder et ensuite je me dis pourquoi pas. Je n'avais rien à perdre. Aux essais, ça s'est très bien passé pour moi. Je n'avais pas de pression, rien du tout. J'ai un peu échangé avec le coach à la fin pour lui expliquer mon parcours. J'avais bien vu sur les lives que je n'étais pas le premier choix d'Amine et de Samir. Mais le coach a insisté pour me prendre.

Le premier match, vous entrez après seulement une minute de jeu à la suite de l'exclusion temporaire du titulaire Allan Rakotovazaha. Puis lors de la séance de tirs au but, vous devenez un héros en faisant quatre parades pour aller chercher la victoire. C'était fou, non?

Tout le match était fou. Ce n'était pas prévu que je rentre à ce moment du match. Ça aurait dû être comme dans les matchs suivants, avec Allan qui débute parce qu'il avait une meilleure qualité au pied que moi. Quand il se prend le carton jaune, je n'étais pas du tout prêt à entrer. Surtout mentalement. C'était vraiment compliqué, parce que je découvrais le format comme tout le monde. Tout allait super vite. En plus de ça, c'était vraiment très dur au niveau du climat. Surtout le premier jour. Il y a la chaleur, mais aussi l'altitude. À Mexico, on était à 2.300 mètres. Il n'y avait pas d'air. En plus, Mexico est très polluée. Ce qui fait encore moins d'air. Physiquement, c'était très dur et, même en tant que gardien, je n'avais plus d'air au bout de cinq minutes. Je n'arrivais plus à parler. Lors des arrêts de jeu, le staff, en particulier le kiné, me parlait et me disait de rester calme, de respirer, de chercher mon souffle, et que ça irait au fur et à mesure du match. C'est ce qu'il s'est passé au final, je me sentais de mieux en mieux. Cela s'est vu aussi sur l'équipe, avec la remontada.

Et il y a donc cette première séance de tirs au but...

Cette séance de penalties, j'avoue que j'étais un peu entré dans une sorte d'état second. Je me suis dit que c'était un domaine dans lequel je pouvais exceller, aider un maximum l'équipe. Je suis quelqu'un de très croyant, alors avant le match et pendant, je priais beaucoup. J'y suis allé et j'étais vraiment convaincu que ça allait bien se passer pour moi.

"Mes problèmes sont toujours là"

Après ce match, Amine était ému pour vous. Il a raconté que vous n'aviez pas le moral aux entraînements. C'est lié à votre situation personnelle?

Il y avait un ensemble de choses. Au niveau du football, ça faisait un moment que je n'étais plus actif sportivement. J'ai passé l'année 2023-2024 à m'entraîner dans la région de Rennes. En janvier, je me suis fait expulser de mon appartement sur Chantilly et j'étais endetté. Je le suis toujours, d'aileurs. J'ai aussi eu des ascenseurs émotionnels parce que je devais signer dans des clubs et ça ne s'est pas fait. Par exemple, dernièrement je devais signer en Finlande. Mais l'intérmédiaire sur place voulait s'assurer que je sois au top physiquement pour signer. Il voulait donc que je vienne avant. Mais pour cela, il fallait que je prenne tout à ma charge et on m'a dit de prévoir 2.500 euros. À ce moment-là, j'ai su que ce n'était pas possible. J'ai arrêté d'aller à Rennes, de m'entraîner, car mentalement ça n'allait plus. Je suis retourné chez ma mère et la Kings League est venue un peu par surprise.

Quand j'ai repris l'entraînement pour la Kings League, ça faisait un peu plus de deux mois que je ne m'étais pas du tout entraîné. Du coup, je commence les entraînements, je savais qu'il fallait être prêt très vite, et disons que je n'étais pas au top. J'avais un manque de confiance et je n'arrivais pas à jouer comme je joue d'habitude. Puis forcément, mes problèmes sont toujours là. Tout cela fait que je n'étais vraiment pas bien pendant les entraînements. Vraiment pas bien.

Comment était la vie de groupe, notamment avec Samir Nasri et Jérémy Ménez?

Le groupe vivait très bien. Ils n'ont pas recruté que des bons joueurs, mais aussi de très bons mecs. Samir et Jérémy, franchement, c'était le top. En tant qu'hommes et joueurs, il n'y a rien à dire. Ce sont vraiment de très bonnes personnes, ils sont venus, sans se mettre au-dessus. Ils sont venus vers nous avec humilité, ils nous donnaient des conseils, ils se sont occupés de nous, ils ont échangé plein d'anecdotes avec nous sur leur carrière, sur des choses de vestiaire. Le top.

L'élimination et ce fameux tir au but polémique, vous avez digéré?

Non, du tout! Le problème, c'est que les arbitres ne sont pas d'accord avec leurs propres règles. Dans la Kings League, on m'explique qu'un but ne compte pas quand le gardien touche le ballon et que celui-ci n'est toujours pas rentré avant les cinq secondes. Puis il y a eu une situation juste avant le fameux penalty, où je touche le ballon qui rentre après les cinq secondes. L'arbitre vient m'expliquer que le but compte parce que le ballon prend directement la direction du but. Et qu'il n'y aurait pas eu de souci si le ballon n'allait pas vers le but. Il me le dit clairement, en plus dans un mélange de français et d'anglais. Je dis ok, car ce qu'il me dit est logique.

Le dernier ballon, je le repousse et il part loin devant moi, tout en haut. Alors je pense à la règle qu'on me donne juste avant. En plus, les lumières s'éteignent, l'arbitre ne calcule plus... Tout était fait pour me dire que mon arrêt était validé. D'ailleurs, le gardien adverse vient pour se placer. Et là, j'entends les trois coups de sifflet et je ne comprends pas ce qui se passe. Je vois les Argentins exulter et le ballon dans le but. Je suis dans l'incompréhension totale. Je comprends après coup que le ballon est revenu dans le but.

Même si la défaite a été enterinée, Gerard Piqué s'est excusé auprès d'Amine dans la foulée du match. Vous étiez présent à cette réunion?

Je n'étais pas là à ce moment-là. Car tout de suite après, quand j'ai réalisé ce qui s'était passé, je crois que j'ai pleuré pendant 30-45 minutes. J'ai vraiment pleuré, je me suis isolé.

"Retrouver quelque chose"

Et maintenant, c'est quoi la suite pour vous?

Pour dire la vérité, avant la Kings League, bien avant que je sache que j'étais pris, je réfléchissais à arrêter. Ma dernière expérience s'est très mal passée, et avant ça j'ai eu une grosse déception parce que je pensais partir en direction du Toulouse FC. Quand jétais à Trélissac (2021-2022), j'ai joué en Coupe de France contre Toulouse et ça s'est très bien passé. Le président a pris mes coordonnées. J'ai envoyé des gens discuter avec eux. Au début, on nous a dit de patienter. Ils étaient encore en Ligue 2 et c'est l'année où ils montaient en Ligue 1. Ils devaient confirmer leur promotion pour ensuite voir ce qu'ils allaient faire au niveau du recrutement. J'ai compris qu'ils n'allaient pas me prendre quand j'ai vu qu'ils avaient recruté un autre gardien, tout simplement. Je me suis retrouvé sans club cet été-là. Et il y a donc eu plein d'autres déceptions par rapport au football. Mais ce qui s'est passé à la Kings League a été une vraie révélation pour moi et me dit clairement de ne pas arrêter, de continuer à avoir une carrière professionnelle.

Donc vous cherchez un nouveau club.

Le projet est de retrouver quelque chose. Si possible un projet au niveau professionnel, sans choisir n'importe quoi, ça s'est sûr. Pour l'instant, je n'ai pas eu d'appel. Mais je ne suis pas fermé aux propositions.

Article original publié sur RMC Sport