Comment je vois l’avenir des lycées professionnels, comme celui que je dirige

Les parcours en mixité mêlant formation initiale et apprentissage répondent eux aussi aux défis de la création d’emploi.
SolStock via Getty Images Les parcours en mixité mêlant formation initiale et apprentissage répondent eux aussi aux défis de la création d’emploi.

LYCEE - Le sujet de la réforme de la voie professionnelle est sur toutes les lèvres depuis plusieurs années et non pas seulement la dernière campagne présidentielle ! L’idée de réforme est toujours suspecte se terminant toujours ou la plupart du temps par une réduction de moyens ou comment mettre le critère de l’efficacité éducative en miroir avec une rationalisation de l’argent public. Est-ce pourtant la question ? Je ne le crois pas !

Le succès de l’apprentissage a mis un vrai coup d’accélérateur à cette réflexion. Et le passage de la réflexion à l’action, c’est pour la rentrée 2023. Dans l’enseignement agricole, les réformes qui se sont succédé ont, depuis le passage du Bac professionnel de 4 ans en 3 ans consisté en des ajustements de contenus et non plus d’architecture. Comme si, une fois cet alignement sur les autres voies de formation en termes de durée réalisée, tout avait été dit et fait !

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Des concertations sont prévues, une coconstruction avec les organisations syndicales aussi. Je crains les demi-mesures… Les défis sont pourtant majeurs. Il s’agit à la fois de ne pas « casser » ce qui fonctionne et commence à culturellement changer. Je veux parler de l’apprentissage, voie d’excellence, mais de restructurer un fonctionnement de notre système éducatif tellement jacobinsé qu’il est à bout de souffle. La compétence de l’apprentissage a été ôtée aux Régions qui connaissaient pourtant parfaitement les territoires pour être confiée à France Compétences. Si cette recentralisation de la démarche a bénéficié davantage aux métropoles et moins au milieu rural, il n’en reste pas moins vrai que l’explosion du nombre de contrat a été aussi le fait des aides accordées par l’État aux Maîtres d’apprentissage et à des coûts contrat parfois élevés.

Des écueils à éviter

Dans une réforme de la voie professionnelle et de l’enseignement agricole, plusieurs écueils doivent être évités : celui d’un miroir aux alouettes qui réduirait une telle transformation à des ajustements à la marge, comme de rajouter par exemple 1/4 d’heure de français par ci, 1/4 d’heure de langue par là ; celui d’accroître les périodes de formation en milieu professionnel de quelques semaines sans avoir d’indicateurs sur leur qualité, éventuellement les rémunérer afin de se dire que le tour serait joué…

Entre un jacobinisme sclérosant et un girondinisme porteur d’inégalités entre territoires et établissements, il existe un chemin. Celui de propositions plus concrètes et un peu hétérodoxes à la fois simples, lisibles politiquement et fortes sur le plan éducatif et renforçant l’image de la voie professionnelle. Elles doivent être mises sur la table. Ainsi, faire vivre la citoyenneté chez des élèves qui font le choix de la voie professionnelle ne doit pas être seulement une option, mais une opportunité.

Le stage de citoyenneté du SNU – Service National Universel – pourrait être inclus dans le parcours allant de la classe de 2nde à la classe de terminale ainsi que le stage d’intérêt général, perlé ou sur les périodes de vacances scolaires. De même, une autre proposition pourrait être l’allongement des périodes de stage à partir du mois de juin, lorsque les établissements sont centres d’examens et les enseignants mobilisés pour cette occasion. Mais tout cela pourrait se faire au minimum à moyens constants, sans que les contenus de formation ne soient réduits.

Ainsi, la voie professionnelle ferait l’objet de vraies réformes donnant une valeur ajoutée à ce parcours.

Parmi les propositions du gouvernement figure la rémunération des stages. Lorsque l’on connaît finement la voie professionnelle, celle-ci est une fausse bonne idée ! Cette question ne vient pas des élèves, des familles ou encore moins des maîtres de stage, mais peut s’avérer une vraie « usine à gaz » technique et technocratique ! Kafka n’est pas loin…

Valorisation plutôt que rémunération

Par contre valoriser les PFMP – périodes de formation en milieu professionnel – n’est pas impossible et pourrait s’appuyer sur deux outils ou deux options : créer un CPF différé abondé au prorata du nombre de semaines de stage effectuées qui pourrait être de 24 sur les 3 années de formation ou l’équivalent de droits équivalents à 2 trimestres pour la retraite.

Ainsi, les partenaires sociaux entreraient autrement que sur des enjeux « techniques » à la table de cette réforme indispensable des lycées professionnels. Assez inédit, mais comme chef d’établissement, cela me paraît du simple bon sens. Construire sans casser, mettre en œuvre du mieux disant éducatif, professionnel et favoriser l’attractivité de la voie professionnelle avec des enseignants mieux reconnus dans leur statut et leurs missions est à portée de main.

Le chef d’établissement que je suis croit profondément en une réforme juste, attentive aux vrais défis à relever. La réforme de la voie professionnelle sera une chance si elle s’appuie sur la promesse républicaine de l’insertion sociale et professionnelle de ses apprenants !

L’audace, ce ne sera jamais faire mieux avec moins. L’audace, c’est faire davantage en valorisant tous les temps que passent les lycéens à la fois devant et avec leurs enseignants, mais aussi avec les maîtres de stage ! L’audace, ce serait de permettre d’expérimenter ces solutions, tout simplement ! Comme chef d’établissement, pour « mes » lycéens, avec « mon équipe », j’y suis prêt !

L’enseignement agricole a toujours eu cette capacité à inventer. Et si la réforme de la voie professionnelle commençait pour une fois par « ce trésor » de notre système éducatif, comme le disent souvent les Ministres ? Alors chiche !

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