Dans « Vivre fluide », Mathilde Ramadier montre comment la bisexualité casse les codes de la sexualité

French author Mathilde Ramadier poses during a photo session in Paris on June 2, 2022. (Photo by JOEL SAGET / AFP)
JOEL SAGET / AFP French author Mathilde Ramadier poses during a photo session in Paris on June 2, 2022. (Photo by JOEL SAGET / AFP)

JOEL SAGET / AFP

Selon l’autrice Mathilde Ramadier, la bisexualité permet de sortir des carcans hétéronormés de la société ?

SEXUALITE - « Freud avait qualifié la sexualité féminine de continent noir. Moi, je dirais que c’est un archipel », suggère Mathilde Ramadier, autrice de l’ouvrage Vivre fluide, paru aux éditions du Faubourg ce jeudi 8 septembre 2022, dans lequel elle explore la bisexualité féminine. Pourquoi un archipel ? « Il y a plein d’îles. On peut nager entre les îles ou rester sur la même sans explorer les autres », illustre l’autrice auprès du HuffPost. Elle entend, par cet ouvrage, repenser les grands préceptes sur la sexualité hétéronormée et faire bouger un peu plus les lignes.

Son livre, qui navigue entre les sciences humaines, est une invitation, pas une injonction. Une invitation, pour les femmes, « à écouter leur désir individuel, à profiter de la richesse du monde et à se l’approprier de façon légère et ouverte. » Selon elle, la bisexualité leur permettrait de s’émanciper du regard masculin cisgenre, des carcans qu’elles ont intégrés et de découvrir une plus large diversité des rapports, humains comme sexuels.

Une sexualité repensée

Dans son ouvrage, Mathilde Ramadier a interrogé 42 personnes, majoritairement des femmes, mais aussi des personnes non-binaires, qui se disent bisexuelles ou pansexuelles - personnes attirées par un individu indépendamment de son sexe et de son genre. Toutes sont unanimes : « Le premier rapport avec une femme peut être un tremblement de terre. Ça remet en question beaucoup de choses. » Cette nouvelle sexualité permet de sortir du script sexuel hétéro « largement véhiculé par la pornographie » qui considère qu’un rapport sexuel se termine par une pénétration - et un orgasme masculin, accessoirement.

« On se rend compte qu’elle n’est pas un passage obligé. On arrête de penser un rapport dans l’ordre suivant : un peu de préliminaires puis l’autoroute de la pénétration », développe-t-elle. Loin de véhiculer le cliché selon lequel les femmes bisexuelles sont frustrées avec les hommes, l’autrice rapporte, suite aux témoignages, « un moment de bascule, qui, peut-être, leur a fait comprendre après coup qu’elles n’étaient pas entièrement satisfaites. »

Des études ont déjà montré les différences de plaisir des femmes entre les sexualités hétéro et homosexuelle. Selon le livre La Charge Sexuelle, écrit par Clémentine Gallot et Caroline Michel, 95 % des hommes confirment jouir habituellement dans une relation hétéro. Les femmes ne sont que 65 %. Dans les relations lesbiennes, ce chiffre grimpe à 86 %.

La bisexualité comme projet politique

Qui plus est, il y a un aplatissement du rapport de pouvoir : « Il n’y a plus la question de savoir qui a le phallus, les deux peuvent l’avoir. » De cet avantage intime découle une dimension politique. Les femmes vont s’émanciper des normes et du regard des hommes, au-delà de la chambre à coucher : « Elles vont se remettre en question sur ce qui fait leur féminité et leur pouvoir d’attraction. » Parce qu’on interroge les normes, l’autrice décrit une « déstabilisation qui entraîne une réorganisation forcément salvatrice. »

Mathilde Ramadier a aussi disséqué la littérature et les arts. « Quand on se donne la peine de chercher dans l’Histoire, on trouve beaucoup d’écrivaines et d’artistes qui étaient bisexuelles », rapporte l’autrice. Elle trouve chez elles une forme d’émancipation : « Je ne dis pas qu’elles sont plus intenses parce qu’elles sont bi, mais je trouve intéressant comment elles subliment cette existence passée en dehors des normes dans une œuvre très féconde. »

Des principes refoulés qui ressortent

Mathilde Ramadier soutient la thèse freudienne qui dit « qu’on est toutes et tous bi psychiquement. » Elle développe : « Dans notre psyché, on a des principes masculins et féminins qui cohabitent. On va en refouler certains, selon notre vécu ou selon les périodes. » Mais ils peuvent ressortir, « c’est pour cette raison qu’une personne hétéro peut ressentir un trouble pour une personne du même genre. »

Elle appuie cette théorie avec plusieurs études scientifiques qui prouvent que « les femmes sont moins sensibles aux stéréotypes de genre. » L’une d’elles a été menée par Élizabeth M. Morgan de l’université Boise State University, aux États-Unis, qui a interrogé 575 femmes hétérosexuelles (âgées de 18 à 23 ans) en 2009. L’étude a révélé que 60 % d’entre elles se sentaient attirées par une autre. Mais seulement 4 % des participantes s’identifient comme étant lesbienne ou bisexuelle.

Quid des hommes dans tout ça ? « Le même raisonnement est valable pour eux aussi. » L’autrice argumente : « Il y a des désirs qui sont refoulés chez tout le monde. Nos choix, conscients ou inconscients, nous mettent sur un chemin. Beaucoup d’hommes ne prennent pas en compte cette part latente de leur désir. »

Pour retrouver l’ouvrage Vivre fluide de Mathilde Ramadier, cliquez ici.

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