La vie tango de Caroline de Mulder : révélation littéraire

Elle est née à Gand, en 1976, enseigne à Namur et vit en partie à Paris, où, cinq ans durant, nuit après nuit, elle a connu une passion dévorante nommée tango. Son premier roman, Ego tango, une danse des mots en tous points remarquable, fait le bilan de ces années-là, avec distance, élégance, mais sans rien occulter de la violence des relations entre les aficionados, la sauvagerie sophistiquée des vrais "accros", et la recherche du plaisir éphémère. "Le tango rend le sourire aux plus tristes. (...) Sans penser, nous habitons chaque temps, enlevées, nos mouvements portent le poids de nos corps. Ça que nous venons chercher tous les soirs, ce plaisir-là." Parole de femmes, que rapporte la narratrice usant à merveille de phrases courtes, cinglantes, pour dessiner les pas des personnages de son roman. Tous n'ont, au fond, qu'un seul amour. Le tango. "Tu me contiens, je te remplis. Tu es creux sans moi ; sans toi, je me défais." Voici Ezéquiel, "ses muscles à tout rompre, un spasme qui part de l'épaule et court sur ma peau", l'amant de passage de l'héroïne. Alexis Saint-Ours, aristocrate de la bande, et son attirance étrange pour Lou, sorte de double de la narratrice, fascinée par son amie. "Lou, les épaules et les jambes si nues qu'on regardait couler le sang dans ses veines. Toujours à remonter une bretelle de soie qui glisse, à bas, à mort." Au Latina ou ailleurs, les pages se tournent comme imprégnées de cette ambiance sulfureuse autour des milongas, fumées, alcools, étoffes, accessoires, le oui, le non, les faux-semblants, car tout un rituel codifie les relations entre ces noctambules effrénés. "Dans le tango, le temps s'accompagne de la dégradation des êtres et des choses." Comment celle qui unit Saint-Ours et Lou va-t-elle tourner ? Enlèvement, meurtre ? Le polar s'en mêle. Mais de cet Ego tango on retient d'abord une chose, essentielle : la découverte d'une écriture, que les ju