Qui est Valéri Guerassimov, le nouveau commandant de l'offensive russe en Ukraine?

Les chaises musicales version moscovite. Mercredi, le ministre de la Défense russe a annoncé avoir de nouveau remplacé le commandant en chef de son offensive en Ukraine en nommant à ce poste le général Valéri Guerassimov, le chef d'état-major des armées.

Trois petits mois plus tard, il prend ainsi la place de Sergueï Sourovikine, pourtant réputé implacable, qui avait été nommé pour rétablir la situation de l'armée russe qui subissait des échecs significatifs dont la perte de Kherson. Celui que l'on surnommait pourtant "le général Armageddon" a ainsi été rétrogradé en tant qu'adjoint de Guerassimov.

"La hausse du niveau de commandement de l'opération spéciale (en Ukraine) est liée à un élargissement de l'ampleur des missions à accomplir, à la nécessité de mener une interaction plus étroite entre les composantes des forces armées", a justifié le ministère.

Riche carrière militaire

Le public occidental a fait connaissance avec Valéri Guerassimov dès les premiers jours de l'invasion ukrainienne, en février 2022. Le visage placide et l'habit militaire bardé de décorations, il faisait face le 27 février, avec le ministre des Armées Sergueï Choïgou, à Vladimir Poutine lorsque le président russe donnait ses consignes de guerre. L'image est depuis restée célèbre pour la mine dubitative des deux interlocuteurs.

Aujourd'hui âgé de 67 ans, le natif de Kazan est à la tête d'une impressionnante carrière et le fruit de la méritocratie à la soviétique. Issu d'un milieu modeste du Tatarstan, il sort diplômé des principales écoles militaires d'URSS, puis de Russie, dont l'académie militaire de l'état-major général des Forces armées en 1997.

Très vite, Guerassimov se retrouve sur le front lors de la seconde guerre de Tchétchénie au cours de laquelle il dirige la 58e armée. Lors de ce conflit, il acquiert une certaine notoriété en marge de "l'affaire Boudanov", du nom d'un soldat russe coupable d’avoir brutalisé et assassiné une jeune Tchétchène qu'il a fait arrêter et condamner.

En 2012, il est nommé chef de l'état-major général des forces armées de la fédération de Russie et vice-ministre russe de la Défense par Vladimir Poutine en personne.

"Le rapport de force, le vrai"

Sur le front, la carrière militaire de Guerassimov se poursuit en Syrie, mais aussi en Crimée et dans le Donbass en 2014 où il est déjà partie-prenante de la prise de ces deux territoires ukrainiens. A ce titre, un mandat d'arrêt est émis contre lui par l'UE et le service de sécurité ukrainien.

C'est également au cours de cette période que le chef de l'état-major russe acquiert une notoriété sur la scène internationale, en particulier de par ses réunions musclées avec ses homologues.

A l'antenne de BFMTV, le général Pierre de Villiers, lui-même chef d'état-major des armées entre 2014 et 2017, raconte ainsi ses souvenirs de rencontres avec Valéri Guerassimov, son homologue de l'époque.

"Ce que j’ai constaté, c’est qu’il ne reconnaissait qu’une chose, le rapport de force. Pas l’élément de langage, pas l’éclat de voix, le rapport de force, le vrai", se rappelle-t-il.

Au fil des rencontres, le général De Villiers a également pu se rendre compte du glissement d'un militaire vers des arguments fallacieux afin de justifier leur présence en Ukraine. "Il me parlait sans arrêt de l’Otan, de la menace de l’Occident sur la Russie avec une agressivité que je n’admettais pas", ajoute-t-il.

La "doctrine Guerassimov"

Bien que la paternité lui soit contestée, Valéri Guerassimov est également reconnu pour être le père de ce que la Fondation pour la recherche stratégique appelle la "guerre nouvelle génération", ou tout simplement "doctrine Guerassimov."

Dans les faits, cette guerre hybride consiste à conjuguer l'aspect militaire à d'autres méthodes dont la désinformation, et ce, même en temps de paix. Cette désinformation passait par les canaux officiels du Kremlin dont certains, comme RT ou Sputnik, étaient diffusés en France et en Europe avant leur interdiction à l'aune du conflit ukrainien. Une stratégie mise en action, en particulier en Afrique via le groupe Wagner.

Pour la suite de la guerre, Guerassimov devra d'ailleurs composer avec le groupe paramilitaire dirigé par le sulfureux Evgueni Prigojine, qui prend de plus en plus d'importance dans l'armée russe et qui revendique même des prises en son nom dans l'Est ukrainien, dont la ville de Soledar.

Article original publié sur BFMTV.com