Un pont à Mossoul pour rebâtir des vies

par Angus MacSwan MOSSOUL, Irak (Reuters) - Un pont, un seul, permet à Mossoul aux habitants de tenter de rebâtir un semblant de vie normale. On l'appelle le pont de la Victoire, mais ce n'est qu'une structure temporaire, un pont flottant posé sur le Tigre pour relier les quartiers Ouest et Est de la deuxième ville d'Irak. Tous les ponts de Mossoul ont été détruits en neuf mois de combats pour reprendre aux djihadistes du groupe Etat islamique (EI) le contrôle d'une agglomération qu'ils avaient occupée il y a trois ans, au plus fort de leur emprise sur le pays. Aujourd'hui, le pont de la Victoire est un axe clé pour permettre à la population d'aller et venir entre les quartiers de Mossoul, vérifier l'état de sa maison, y récupérer éventuellement quelque chose. Souvent en vain. Safouane al Habar, 48 ans, est au nombre de ces anciens habitants de Mossoul que les combats ont forcés à fuir. Sa maison, dans le quartier d'Al Zinji, est encore debout. Mais il a un problème qu'il ne peut résoudre seul : les combattants de Daech y ont placé deux mines. "Elles sont attachées ensemble avec du fil de fer. Si tu marches dessus, ça explose", dit-il. "Je vais voir l'armée tous les jours et à chaque fois ile me disent 'reviens demain'. En attendant, je continue de payer le loyer mais je ne peux même pas habiter chez moi". Mirsour Dannon Hassan, 53 ans, raconte, lui, que sa maison a été détruite par un bombardement aérien, qu'il ne touche aucun salaire et a donc besoin d'aide pour la reconstruire. En attendant, il est contraint, avec sa femme et leurs six enfants, dont cinq filles, de louer un logement. Mais le propriétaire vient juste de doubler le prix du loyer. L'ENFER Tous les habitants de Mossoul rencontrés racontent que la vie sous le joug de Daech était l'enfer. "Daech nous interdisait tout", dit Mohamad Zouhaïr, 31 ans. "On n'avait pas le droit de porter des jeans ou d'avoir un téléphone. J'ai dû porter une longue barbe". A mesure de l'avancée des forces gouvernementales, la répression contre les civils s'intensifiait. Les combattants de l'EI n'hésitaient pas à ouvrir le feu sur quiconque tentait de fuir la ville. Ses enfants, raconte Mohamad Zouhaïr, ont eu tellement peur qu'ils sont restés cloîtrés dans une cave pendant deux semaines. "Si le gouvernement m'aide, je rentrerai chez moi, sinon non", dit-il. Yasser, 27 ans, faisait le taxi dans la vieille ville mais il y a trois mois les hommes de Daech ont brûlé sa voiture. "C'était le seul moyen que j'avais de gagner un peu d'argent. Maintenant, je ne sais pas vers qui me tourner", se plaint-il. Il loue une petite maison pour lui et sa famille pour l'équivalent de 80 euros par mois mais il aura bientôt épuisé les 500 euros qu'il avait mis de côté. "Le propriétaire m'a dit que si je ne peux plus payer le loyer, je devrai partir". (Gilles Trequesser pour le service français)