Qui a tué la NUPES ? Tout comprendre au « Cluedo politique » qui se joue à gauche depuis l’accord de 2022

Détournement du jeu « Cluedo » avec, de gauche à droite, Marine Tondelier, Olivier Faure, Jean-Luc Mélenchon et Fabien Roussel
Photomontage / Le HuffPost Détournement du jeu « Cluedo » avec, de gauche à droite, Marine Tondelier, Olivier Faure, Jean-Luc Mélenchon et Fabien Roussel

POLITIQUE - Il y a un point sur lequel la NUPES a montré sa constance ces derniers mois : les coups de poignards publics assénés avec la régularité d’une horloge suisse. Des blessures à répétition qui aboutissent à la mort annoncée de la coalition de gauche. « Il est l’heure de sortir de ce Cluedo politique pour savoir qui a tué la NUPES », a lancé Olivier Faure, premier secrétaire du PS, lundi 2 octobre alors que chacun accuse le voisin d’avoir donné le coup fatal.

Il faut dire que le patron des roses parle en spécialiste. Reprenant à son compte pour la NUPES l’image du Cluedo développée par le journaliste Olivier Pérou dans son livre Autopsie du cadavre (éd. Fayard), racontant la mort du PS façon polar en 2022. Alors, qui a fait le coup ?

Marine Tondelier, Parlement européen, avec sa liste autonome

Pour certains, pas besoin de chercher bien loin. C’est Marine Tondelier qui aurait eu la peau de la NUPES, en faisant voler en éclat toute perspective d’union pour les élections européennes. Dès les premières velléités d’autonomie exprimées, la France insoumise prédit la mort de la coalition, qui perdrait sa raison d’être en vue de l’élection présidentielle de 2027. « Sans union, la NUPES éclatera », prévenait au mois de juin le coordinateur national de la France insoumise Manuel Bompard, considérant qu’une liste unique avait le double avantage de renforcer l’union et d’empêcher le RN d’arriver en tête en juin prochain.

Des avertissements qui n’ont pas eu le moindre effet sur les troupes écolos, qui affirment que le nombre de sièges au Parlement européen sera plus important pour la gauche en partant séparés, en raison du scrutin proportionnel. Mais pour commettre un crime, il faut avoir un mobile. Et, que ce soit à l’Assemblée ou lors des Conversations de Saint-Denis, ce ne sont pas Marine Tondelier et ses amis qui ont le plus rudoyé la NUPES.

Fabien Roussel, fête de L’Huma, avec sa barbaque

Assez régulièrement, les regards suspicieux se tournent vers le patron du PCF. Notamment chez les insoumis. Il faut dire que le député du Nord entretient le profil du coupable idéal : relations conflictuelles avec Jean-Luc Mélenchon, déclarations assassines, haro sur la « gauche des allocs », prises de bec avec l’écologiste Sandrine Rousseau sur la place de la viande dans nos assiettes

De toute évidence, le taulier de la place du Colonel Fabien ne pleurera pas la mort de la NUPES, d’autant qu’il a lui aussi décidé que les communistes partiront seuls aux européennes. Vendredi 29 septembre, Manuel Bompard (encore lui) a écrit aux partis de la coalition (hors communistes) pour regretter « la décision de Fabien Roussel de quitter la NUPES ». Ce qui, politiquement, revient à affirmer que l’élu du Nord est la dernière personne à avoir vu l’alliance vivante avant sa disparition. D’ailleurs, n’est-ce pas ce même Fabien Roussel qui semblait souffrir de tout son corps en arrivant en même temps que ses camarades de la NUPES aux rencontres de Saint-Denis pour en repartir en solo ? De quoi en faire le bourreau de l’alliance ? Pourquoi pas.

Olivier Faure, Ivry, avec le poison de la division

En matière criminelle comme en politique, il faut se méfier des coupables tout désignés. Et si la NUPES n’avait tout simplement pas survécu aux affres du Parti socialiste ? Jean-Luc Mélenchon a souvent exprimé cette hypothèse. Après tout, les socialistes, dominant la gauche au Sénat, n’ont pas jugé utile de toper avec les insoumis pour les élections sénatoriales, ce qui aurait permis de mettre la NUPES sous assistance respiratoire.

Et d’ailleurs, que vaut la parole d’Olivier Faure dans cette affaire, alors qu’il doit composer avec un parti qui est (très) divisé sur l’appartenance à la NUPES, et dont le dernier Congrès sur la question a viré au psychodrame ? N’a-t-il pas lui-même exprimé à haute voix que des victoires politiques étaient possibles avec des destins séparés ? Ce jeudi en tout cas, les militants socialistes ont validé le principe d’une liste autonome aux européennes qui devrait, selon toute logique, être confiée à Raphaël Glucksmann. De là à y voir le coup de grâce porté à la NUPES, il n’y a qu’un pas.

Jean-Luc Mélenchon, QG de LFI, à l’usure

Le scénario est souvent le même dans les intrigues à tiroirs : les innocents ne sont pas automatiquement ceux qui s’émeuvent le plus de la mort de la victime. Et dans cette perspective, Jean-Luc Mélenchon peut faire office de suspect sérieux. Son mobile ? Sa survie politique alors que la coalition vivait très bien sans lui au sein d’une Assemblée nationale dont il s’est lui-même exclu. Après tout, le triple candidat à l’élection présidentielle a souvent mis la NUPES en danger : en soutenant mordicus Adrien Quatennens, en faisant exploser l’unité de l’intergroupe lors de la réforme des retraites, en menaçant la coalition en cas d’absence de liste commune aux européennes, en multipliant les mots assassins, à l’image de cette indécente comparaison entre Fabien Roussel et le collaborationniste Jacques Doriot. Est-ce vraiment l’attitude de celui qui voudrait la survie d’une union, laquelle a de surcroît échoué à l’envoyer à Matignon ? On peut en douter, d’autant que, selon Le Figaro, le suspect échafaude un scénario où il partirait seul en 2027. Une hypothèse qui, objectivement, serait bien plus simple à concrétiser avec une NUPES six pieds sous terre.

Il est ardu de désigner avec certitude celui ou celle qui a fait le coup, puisque chaque formation porte une forme de responsabilité dans cette mort annoncée. Comme si les caciques de la gauche avaient, malgré toutes leurs divisions, commis ce crime politique en bande organisée. Ou, selon le point de vue, sombré dans le suicide collectif.

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