Le trou dans la couche d’ozone se résorbe, et c’est grâce à votre frigo

ENVIRONNEMENT - C’est le seul enjeu pour l’environnement qui a évolué de manière positive. La couche d’ozone, qui protège la Terre de radiations solaires dangereuses, est « en bonne voie » pour se reconstituer d’ici 40 ans, d’après un rapport de scientifiques publié lundi 9 janvier 2023 sous l’égide de l’ONU. Mais saviez-vous que cette bonne nouvelle est liée à votre frigo ?

En 1985, les scientifiques Joe Farman, Brian Gardiner et Jonathan Shanklin publient une étude dans Nature pour faire part de leur découverte : un trou dans la couche d’ozone se forme au-dessus de l’Antarctique et celui-ci s’agrandit de manière inquiétante au fur et à mesure des années, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en haut de l’article.

La couche d’ozone est une sorte de bouclier invisible qui se trouve autour de notre planète. C’est elle qui absorbe les rayons UV du soleil dangereux pour les êtres vivants. Sans elle, la vie sur Terre ne serait pas possible.

Se posent alors plusieurs questions, mais la plus importante reste celle-ci : pourquoi la Terre perd-elle sa couche d’ozone ? La réponse, des scientifiques l’avaient déjà donnée plus de 10 ans auparavant. Dès 1974, les scientifiques Sherwood Rowland et Mario Molina démontrent la dangerosité des chlorofluorocarbures (CFC) pour la couche d’ozone.

À l’époque, ces gaz étaient très présents dans les produits du quotidien comme les réfrigérateurs, les climatiseurs ou encore les aérosols. Mais lorsque les deux scientifiques publient leur étude, celle-ci est contestée tout de suite par les industriels, qui n’en tiennent pas compte. Il aura fallu attendre la découverte de ce trou dans la couche d’ozone et d’autres études pour confirmer leur théorie.

Les États passent à l’action

À partir de ce moment-là, tout va aller très vite. En 1987, soit deux ans après la découverte du trou, une trentaine d’États signent le Protocole de Montréal. L’objectif : réduire de 50% en dix ans de l’utilisation des CFC. Une collaboration qui porte ses fruits puisqu’on passe à plus 800.000 tonnes de CFC consommés à la fin des années 1980 à presque 0 à la fin des années 2000, comme vous pouvez le voir sur ce graphique.

Consommation dans le monde des gaz provoquant un trou dans la couche d'ozone au fil des années
Our World in Data Consommation dans le monde des gaz provoquant un trou dans la couche d'ozone au fil des années

Par ailleurs, d’autres polluants dangereux pour la couche d’ozone sont ajoutés aux traités et de plus en plus de pays décident de les signer. En 2009, le Protocole de Montréal devient le premier traité environnemental à atteindre la ratification universelle, avec 196 États signataires.

En 2016, l’accord de Kigali a aussi prévu l’élimination progressive des hydrofluorocarbones (HFC), gaz extrêmement nocifs pour le climat utilisé dans les réfrigérateurs et climatiseurs. Si l’accord est respecté, il pourrait réduire de 0,5°C le réchauffement mondial d’ici 2100, ont déjà estimé les experts.

Un trou dans la couche d’ozone toujours présent

Le problème n’est cependant pas encore résolu, car il faudra attendre au moins 2060 pour que le trou dans la couche d’ozone ne se résorbe. Comme l’explique Cathy Clerbaux, directrice de recherche au CNRS, « quand on arrête les émissions de ces gaz, ce n’est pas instantané parce que les chlorofluorocarbures restent très longtemps dans l’atmosphère. » Les gaz les plus utilisés étaient les CFC11 et CFC12. Or, « les CFC11 restent environ 50 ans dans l’atmosphère et les CFC12 plutôt 100 ans », précise la scientifique.

Aujourd’hui, le trou dans la couche d’ozone semble rester stable, et c’est déjà une bonne nouvelle. La Nasa a réalisé des prévisualisations de l’état de la couche d’ozone si nous n’avions pas respecté le Protocole de Montréal, et celles-ci sont assez alarmantes. On y voit que cette barrière protectrice aurait été détruite au fur et à mesure des années. Conséquence : les radiations UV du soleil auraient pu s’infiltrer sur Terre, provoquant des coups de soleil en quelques minutes. Le nombre de cancers de la peau aurait alors explosé.

Prévisualisation des cancers de la peau aux États-Unis avec et sans le Protocole de Montréal
Our World in Data Prévisualisation des cancers de la peau aux États-Unis avec et sans le Protocole de Montréal

L’impact du dérèglement climatique

35 ans après la signature de ce protocole, la question qu’on peut se poser c’est pourquoi est-ce qu’on n’arrive pas à faire la même chose aujourd’hui avec l’Accord de Paris ?

Pour Cathy Clerbaux, le problème est cette fois plus complexe : « Il suffisait de convaincre ceux qui fabriquaient les CFC –ça concernait une dizaine d’industriels– et de les aider à développer des substituts à ces gaz-là. Le problème du CO2 ou méthane, qui sont des gaz à effet de serre, c’est que chacun d’entre nous en émet, donc il faut complètement changer nos modèles sociétaux, c’est beaucoup plus compliqué. Ce n’est pas juste 10 industriels à convaincre, c’est à chaque individu et à chaque pays de se réadapter. »

D’autre part, le dérèglement climatique pourrait avoir un impact sur la couche d’ozone. Pour cela, il faut comprendre comment se forme ce trou. Les émissions de CFC restent dans la stratosphère (une partie de l’atmosphère) et, combinés aux nuages polaires stratosphériques qui se forment à partir de -80°C, cela provoque une série de réactions chimiques qui mangent littéralement l’ozone.

Or « en parallèle du réchauffement climatique, il y a un refroidissement de la stratosphère et des températures plus froides, ça veut dire plus de destruction de l’ozone », explique Didier Hauglustaine, directeur de recherche au CNRS. Le trou dans la couche d’ozone reste donc un enjeu environnemental majeur à continuer d’observer dans les années à venir.

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