Trafic de drogue: que va changer le texte sur le statut de repenti que prépare le gouvernement?

"On le sait tous, on n'attire pas les mouches avec du vinaigre." Dans les bureaux de la Chancellerie, on planche activement sur un texte de loi pour améliorer le statut de repenti. L'objectif affiché par le gouvernement est de mettre fin à l'omerta alors que l'exécutif affiche sa volonté de lutter contre les réseaux à la tête des trafics de drogue.

Pour faire "place nette", comme l'a défendu le président de la République Emmanuel Macron en visite à Marseille, l'un des moyens de lutte est "d'inciter les gens à dénoncer et à dire les choses", a martelé le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti ce mercredi 20 mars sur BFMTV-RMC.

"Nous voulons inciter ceux qui entrent dans ce trafic, qui ne sont pas mouillés jusqu’au cou, on veut les inciter à parler (...) Nous sommes en train de préparer une grande loi sur les repentis", poursuit-il.

Un texte "assez révolutionnaire"

Ce n'est pas la première fois que le ministre de la Justice évoque cette future loi. Il y a près d'un an, un texte était annoncé d'ici la fin de l'année 2023. Mais la loi de programmation votée avant l'été, le procès du ministre devant la Cour de justice de la République à l'automne et l'inscription de l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, dont le garde des Sceaux était représentant au nom du gouvernement, en ont retardé la rédaction.

"C'est un sujet qui avance et qui avance bien", promet aujourd'hui Laurent Marcangeli, interrogé par BFMTV.com.

Le député Horizon de Corse-du-Sud a été associé à la rédaction de ce texte, tout comme le président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale Sacha Houlié. "Le texte va assez loin, il est assez révolutionnaire en droit français", souffle l'élu.

Actuellement, le statut de repenti existe, mais "il ne permet pas de faire parler", poursuit le député. Créé en 2004 par la loi Perben, mais en vigueur depuis mars 2014 seulement, ce dispositif d'"exception" permet d'offrir au repenti - voire à son entourage proche - une nouvelle identité, une protection policière, une aide financière - qui diminue au fil du temps - et enfin des exemptions ou des réductions de peine devant les tribunaux.

La loi française ne prévoit pas de réduction de peine pour des personnes qui "ont tenté de commettre un crime ou un délit", mais pour celles qui ont "permis de faire cesser l’infraction" ou d’éviter qu’elle ne se produise. Il distingue également les témoins des repentis.

Surtout, les dispositions actuelles excluent les auteurs ou les complices d'assassinat, ce qui n'incite pas les plus impliqués dans les trafics à parler.

Et de fait, le dispositif est très peu utilisé. Le nombre de programmes de protection approuvés a été de 3 en 2021, 2 en 2022, et 5 en 2023, selon le président de la commission chargée de délivrer ce statut. Avec un total de 18 programmes, 42 personnes sont placés sous protection.

Inspiré du système italien

Concrètement, le texte pourrait créer un véritable statut de repenti, toujours sous le contrôle d'un juge, mais à l'image de ce qu'a fait l'Italie pour lutter contre les activités mafieuses ou le terrorisme.

"Nous voulons nous inspirer de ce que font les Italiens [la législation italienne dispose depuis les années 1980 du statut de collaborateur de justice", avait déjà expliqué Éric Dupond-Moretti en mai 2023.

Une autre piste serait d'inciter les "petits" acteurs des trafic de drogue en institutionnalisant autrement la réduction des peines en échange d'informations sur le crime organisé. La question du financement de ce statut est aussi en jeu. En augmentant le nombre de "collaborateurs de justice", la France veut aussi mieux comprendre les réseaux qui pullulent et qui sont à l'origine d'une large part de la criminalité sur le territoire.

Vingt ans après la loi Perben, dix ans après l'entrée en vigueur du texte, la réforme devrait intervenir dans les prochains mois. Reste à savoir si ce sera sous la forme d'une proposition parlementaire ou d'un projet de loi gouvernemental.

Article original publié sur BFMTV.com