Thierry Ardisson : "Quand vous avez eu la chance d’interviewer Serge Gainsbourg et que vous vous retrouvez avec Amel Bent, moi je n’avais plus envie"

Thierry Ardisson a des décennies de télévision derrière lui. Depuis les années 80, il a animé des émissions de divertissement sur plusieurs chaînes du petit écran, de quoi remplir une vidéothèque. L'Institut national de l'audiovisuel (INA) ne s'y est pas trompé, c'est pourquoi il a créé une chaîne, "Ardivision", qui rediffuse uniquement les programmes que Thierry Ardisson a présentés au cours de sa carrière. Malgré des années de télévision, l'animateur se dit toujours passionné. Après la déprogrammation d'"Hôtel du temps", il continue à faire la promotion de ses idées de programmes auprès des chaînes. Souvenirs, projets, avenir de la TV... Il s'est livré devant les caméras de Yahoo.

Au cours de sa -très- longue carrière à la télévision, Thierry Ardisson a pu croiser énormément de célébrités, créant des séquences subversives et mémorables. L'animateur est revenu sur certains des invités qu'il a pu recevoir, face aux caméras de Yahoo, pour Inoubliales. Ainsi, il se félicite d'avoir reçu une star internationale : "Mon meilleur invité, c’est Brad Pitt. C’est facile à dire, mais quand vous avez Brad Pitt en face de vous et que vous lui dites : 'Dis-moi, t’es à Paris pour combien de temps ? T’as besoin de drogue, tu veux que je te trouve quelque chose ? Les gonzesses, tu veux qu’on te trouve un plan ?' Arriver à dire ça à Brad Pitt, qui était quand même un peu sur le c*l, pour moi ça reste un grand moment", s'est remémoré, cash, Thierry Ardisson.

"À un moment, j’ai dit 'On arrête'"

Ses phrases provoc et son ton rentre-dedans n'ont pas été appréciés de tous, ainsi il se souvient avec précision avoir vexé Jimmy Somerville, artiste écossais. "Il voit ma fiche, il lit la question à l’envers : 'Ça te fait pas chier qu’on t’appelle tronche de patate ?' Et là il dit 'You gonna ask me this question ? (Vous allez me poser cette question ?)' et moi je dis 'Oui, je vais te poser cette question.' Et il s’est barré. Mais c’est vrai qu’il avait une tronche de patate, en plus !", s'est exclamé le présentateur, visiblement incorrigible.

"J'ai osé dire ça à Brad Pitt, il était sur le c*l"

Mais même Thierry Ardisson a des limites, il le concède d'ailleurs lui-même. Ainsi, lorsqu'il interviewe le top model Karen Mulder, il finit par se stopper : "Elle nous racontait des choses incroyables, que je ne peux même pas répéter, et à un moment, j’ai dit 'On arrête'. J’ai compris qu’elle était malade. Quand elle était petite, elle avait été abusée. Je l’ai appris après, ça. Elle prenait des calmants, elle n'était pas claire dans sa tête. Lui faire raconter ça dans une émission de télévision, c’était de l’abus de pouvoir".

Si le septuagénaire a vu passer de nombreux grands noms, il confie être un fan incontesté des Beatles, dont il n'a jamais pu interviewer le leader, John Lennon. "J’ai une admiration pour les Beatles, j’étais fan. Quand il (John Lennon; ndlr) se mariait, je me mariais, quand il se droguait, je me droguais, quand ils allaient en Asie, j’allais en Asie… À l’époque, on parlait beaucoup de révolution. Et Lennon a dit 'Attendez, avant de faire la révolution dans la rue, il faut la faire dans sa tête.' C’est un truc qui m’est resté."

"J’aurais dû "interviewer" Johnny Halliday mais l’émission a été arrêtée"

Thierry Ardisson n'a pas pu réaliser son rêve d'interroger John Lennon, mais il a pu "échanger" avec Coluche, Dalida, Jean Gabin... Grâce à un subterfuge habile. Dans l'émission "Hôtel du temps", sur France 3, des images d'archives et un judicieux montage mettaient en scène l'animateur dialoguant avec ces célébrités décédées. Cependant, l'émission a été récemment déprogrammée, ce qui laisse un goût amer à cette figure du PAF. ""Hôtel du temps", c’est simple, c’est qu’en fait, la technologie du deepfake permet de changer le visage de quelqu’un… (...) J’aurais dû "interviewer" Johnny Halliday mais l’émission a été arrêtée. Ça a été racheté par Warner Bros pour le monde entier et ça vient d’être nommé aux Emmy Awards, qui sont un peu les Oscars de la télévision. Ça m’aide à supporter ma peine."

"Je suis un peu mégalo, pour être animateur de télé, il faut l’être"

Mais Thierry Ardisson n'est jamais à court d'idées : "J’ai un nouveau format basé là-dessus, beaucoup plus grand public, qui s’appelle "Moi et moi-même". C’est un animateur, sur un plateau, avec du public, qui reçoit par exemple, Joey Starr, qui "reçoit" aussi Joey Starr avec 30 ans de moins à l’époque de NTM, et qui les confronte", explique celui qui fait actuellement "la tournée des popotes" pour vendre son concept.

En parallèle, il a crée, avec l'INA, "Ardivison", une chaîne uniquement consacrée à tous les programmes qu'il a pu présenter au cours de sa carrière, pour les plus nostalgiques : "Il n’y a que mes émissions 24h/24. Les émissions sont diffusées à leur horaire de diffusion d’origine. (...) Vous vous mettez devant votre télé à 5h de l’après-midi, et jusqu’à 1h du matin vous avez du Ardisson, tant pis pour vous !"

"Aujourd’hui, on ne peut plus montrer des femmes en petite tenue"

Nostalgique, Thierry Ardisson avoue l'être lui-même un peu, n'hésitant pas à comparer ses invités entre eux pour juger de leur envergure. "Quand vous avez eu la chance d’interviewer Serge Gainsbourg, Jean d’Ormesson… Et que vous vous retrouvez avec Amel Bent, Amir ou M.Pokora, moi je n’avais plus envie d’y aller." L'animateur semble regretter une époque plus permissive : "Aujourd’hui on ne peut plus tout montrer, on ne peut plus tout faire, on ne peut plus tout dire. Ce qui se disait pendant le dîner "93 Faubourg Saint-Honoré", Sophie Davant qui parlait de femme fontaine, Danielle Évenou qui parlait de la sodomie… Je trouve que ça aujourd’hui, ce serait compliqué quand même à mettre à l’antenne. J’ai bénéficié d’une époque où on pouvait tout dire."

Le présentateur reconnaît néanmoins qu'il y a du bon à tirer de l'évolution de la télévision, et paraît comprendre ses nouvelles exigences : "Non, aujourd’hui on ne peut plus montrer des femmes en petite tenue, mais ça, c’est pas plus mal. Je veux dire, soit on est dans un spectacle, on est aux Folies Bergère, mais là, c’est différent. Mais je pense que dans des émissions télé, ce n'est pas plus mal qu’il y ait un certain respect, quand même, pour les femmes."

"Quand je suis arrivé à la TV, j’avais beaucoup de mépris pour les Sabatier, les Drucker, les Foucault..."

Thierry Ardisson, avec sa verve et son ton cash, perçu comme cruel pour certains, amusant pour d'autres, estime avoir brisé quelques codes en débutant dans le monde de la télévision, après des années passées à travailler en tant que publicitaire (on lui doit les slogans "Lapeyre, y'en a pas deux", ou encore Quand c'est trop, c'est Tropico !"). "J’ai inventé des tas de formats, mais en fait, ça s’explique, parce que moi, avant de faire de la télé, j’avais passé quinze ans dans la pub, j’étais créatif. Donc quand je suis arrivé à la télé, c’était un champ d’action absolument formidable parce qu’il n’y avait plus la contrainte de l’annonceur qu’il peut y avoir dans la pub. Donc je me suis régalé, j’ai inventé toutes sortes d’émissions. (...) Quand je suis arrivé à la TV, j’avais beaucoup de mépris pour les Sabatier, les Drucker, les Foucault… Je trouvais qu’ils faisaient de la merde. Et moi, je suis arrivé avec mes concepts, mes idées et puis ma violence" résume-t-il avec tout la franchise qui le caractérise.

"La télé me passionne toujours, parce que je n’ai pas d’autre passion dans la vie"

Malgré le vent de fraîcheur qu'il a pu apporter dans le PAF à son arrivée, Thierry Ardisson a été victime, lui aussi, du déclin de la télévision. "Il y a moins d’argent, moins d’audace, moins de créativité… Mais moi ça me passionne toujours, parce que je n’ai pas d’autre passion dans la vie." Il affirme être très curieux des nouvelles offres audiovisuelles, sur les plateformes et les réseaux sociaux, conscient que c'est là que se trouvent les jeunes spectateurs. "On se demande toujours pourquoi les jeunes ne s’intéressent pas à la télé, mais la vraie question c’est pourquoi ils s’intéresseraient à la télé, puisque la télé ne s’intéresse pas à eux ? Tant que les programmes sont faits pour des sexagénaires, on ne peut pas compter sur le fait que des adolescents la regardent. Moi je regarde YouTube, et puis Yahoo !"

Interview : Alexandre Delpérier

Article : Maïlis Rey-Bethbeder

À lire aussi :

>> Thierry Ardisson se livre sur son addiction à la drogue : "Je ne voulais pas me considérer malade, ce qui était le cas malheureusement"

>> Thierry Ardisson : ce jour où il a fait une tentative de suicide après un chagrin d'amour

>> Stéphane Guillon : les raisons de sa grosse brouille avec Thierry Ardisson