Rugby à 7: Qu'a changé l'arrivée d'Antoine Dupont en équipe de France?

Du bronze pour commencer et l’or dès la semaine suivante. Antoine Dupont (26 ans) a signé des débuts éclatants avec l’équipe de France de rugby à 7, qui a remporté le tournoi de Los Angeles, dimanche. Les Bleus n’étaient plus montés sur la plus haute marche d’un tournoi des World Sevens Series, la plus prestigieuse des compétitions, depuis 2005. Cette saison, ils ne comptaient même aucun podium avant l’arrivée du Toulousain qui a coïncidé avec deux médailles en autant de week-ends. Faut-il y avoir un vrai effet Dupont? "Peut-être que les gens diront ça mais c’est un concours de circonstance", répond, gêné, le principal intéressé. "L’an dernier, ils ont fait quatrièmes (au ranking mondial) et je n’étais pas là, c’est qu’ils sont capables." Ses partenaires et adversaires louent, eux, son apport

Défense, gestion des espaces… Une adaptation express

S’il est l’un des meilleurs joueurs du monde à XV, Antoine Dupont a rejoint les Bleus du 7 avec enthousiasme et humilité. Par respect pour les joueurs déjà en place mais aussi en raison des grosses différences de jeu entre les deux disciplines. Les espaces bien plus nombreux, l’enchaînement des matchs (plusieurs dans la même journée) et le timing (deux mi-temps de sept minutes) nécessitent un temps d’adaptation indispensable. A Vancouver, son premier tournoi, il a débuté sur le banc avant de voir son temps de jeu gonfler progressivement. Et le Toulousain a vite appris à jongler entre les petits désagréments du 7 (fins de matchs au bord des crampes, carton jaune) et ses spécificités qui collent à ses qualités: une défense acharnée et des éclairs offensifs. Depuis ses débuts, le demi de mêlée a ainsi marqué six essais en 12 matchs.

Cela a donc vite matché entre Dupont et le 7 même s’il lui reste encore des choses à perfectionner. "On le voit, il n’excelle pas dans tout ce qu’il fait à 7", confiait l’historique Stephen Parez-Edo, jeudi avant le tournoi. "C’est drôle parce qu’on le met sur un piédestal. C'est notre Antoine Dupont, il sait tout faire et il le fait à merveille. Mais il sort de sa zone de confort et je le trouve très courageux. Il va se retrouver dans des situations où il va devoir être un peu plus précis que d'habitude. Pour l’instant sur le terrain, il nous a montré qu'il a toutes les skills pour être joueur de rugby à 7."

Précieux dans la gestion du match

S’il est encore perfectible dans le jeu, Antoine Dupont est loué par ses nouveaux partenaires pour sa gestion des temps de jeu. "C’est un rugby qui collait, il nous a apportés cette expérience, à garder son sang froid, le calme, ne pas jouer n’importe comment", énumère Paulin Riva, capitaine de l’équipe." "Il montre beaucoup, sa présence suffit à nous montrer qu'il parle beaucoup avec son jeu", abonde Andy Timo.

"C’est quelqu’un qui sait très bien jouer au rugby et c’est facile d’être avec lui, à côté", poursuit Théo Forner. "Je vois ce qu’il veut faire, il a cet instinct dans le rugby et c’est très agréable de jouer avec des joueurs comme ça." Aligné en 4 ou 5 sur les lancements, le Toulousain se met au diapason de l’équipe ensuite. "Une fois que le jeu est lancé, il n'y a plus de postes. Je suis capable de réaliser toutes les tâches, mais peut-être pas pilier pour éviter les mêlées", sourit Dupont. En insistant sur la valeur du collectif, en évitant surtout de tirer la couverture sur lui, en se pliant au rituel du groupe (bizutage à base de burpees), le Toulousain a très vite pris ses marques dans le groupe et sur le terrain.

Une aura qui pèse

L’apport d’Antoine Dupont se ressent surtout dans l'énorme l’attention qu’il suscite. Sur le terrain d'abord. "Dupont est un joueur incroyable, le meilleur joueur du monde à XV. Il intègre le jeu très facilement et sa technique est vraiment bonne", expliquait Mark Roche, joueur de rugby irlandais avant la demi-finale entre les deux équipes.

"Il apporte une certaine confiance. Les mecs en face font un peu plus attention, c’est très bien pour l’équipe", abonde le capitaine Paulin Riva. Dupont n’aimante pas seulement l’attention de ses adversaires, il braque toutes les caméras sur lui avec des gros plans réguliers sur les écrans géants du stade. Le nombre de journalistes, venus en nombre couvrir ses premiers pas à 7, a aussi explosé. "Antoine Dupont a amené un peu de puissance à cette équipe de part son statut, ça s’est sûr", reconnaît le sélectionneur Jérôme Daret. "Il nous permet de nous entraîner à cette médiatisation qu’il faut gérer. Ce n’est pas simple mais on grandit là-dessus grâce à vous tous (les médias) et je le remercie pour ça."

Déjà assuré de disputer les Jeux?

Passé au sept pour disputer les prochains Jeux olympiques de Paris, Dupont semble sur la voie royale vers Paris 2024 même s’il ne prend pas sa présence comme acquise. Ses débuts réussis ajoutent de la concurrence au poste de 4-5 tout en augmentant la compétitivité de l’équipe. "Le fait qu’il soit là, ça nous pousse tous à donner le meilleur de soi pour honnêtement être à son niveau", remarque William Iraguha. "Je pense qu’il tire tout le monde vers le haut et tant mieux si on peut tous se tirer la bourre comme ça."

"C'est pas toujours évident de me faire ovationner pour ma première rentrée alors qu'on savait pas du tout ce que je valais", a réagi gêné le demi de mêlée, samedi. "Ça me donne aussi la pression et la responsabilité d'être au niveau. Mais cette pression et cette exigence, là je l'ai déjà à 15, au quotidien et les mecs de l'équipe savent aussi que je ne suis pas là pour prendre de la lumière. Je suis là pour faire partie de l'équipe et que l'équipe soit la plus performante possible. Pour le moment la cohabitation se passe bien, c'est juste un peu trop de gros plans de temps en temps qui sont un peu pénibles mais ça va."

Article original publié sur RMC Sport