La situation en Syrie risque-t-elle “d’aider Daesh à reconstruire son califat”, comme le craint Emmanuel Macron ?
La situation devient préoccupante en Syrie, depuis que la Turquie a décidé d’attaquer les Kurdes, au nord-est d’un pays déjà sinistré par des années de guerre civile. Une instabilité politique qui pourrait aider Daesh.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a décidé de mener une offensive à l’encontre des Kurdes de Syrie, qu’il considère comme “terroristes”, depuis le 9 octobre. Une attaque rendue possible par la décision de Donald Trump de retirer une partie de ses soldats de la zone frontalière entre la Syrie et la Turquie.
Des morts et des blessés sont déjà à déplorer, des milliers de civils ont fui la région, mais une autre crainte se profile depuis plusieurs jours, formulée par Emmanuel Macron dès le 10 octobre : celle de voir Daesh “reconstruire son califat”.
L’EI encore bien présent
Une inquiétude “crédible et légitime”, selon Adel Bakawa, directeur du centre de sociologie de l’Irak (Université de Soran) et chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (IFRI). D’autant que même si Daesh a disparu territorialement, il reste “très présent idéologiquement”, assure Frédéric Encel, docteur en géopolitique et maître de conférence à Sciences-Po. “Les forces armées n’ont pas réduit l’idéologie”, nous assure-t-il.
“Selon les enquêtes sur place, l’organisation est encore bien enracinée, en Irak, en Syrie…”, décrit le sociologue Adel Bakawa. “Elle a repris ses méthodes de 2004 à 2011”. À savoir “des bombes, des attaques à la voiture piégée, des enlèvements”, énumère-t-il. Selon le dernier rapport des Nations Unies, il reste entre 20 000 et 30 000 combattants de Daesh dans la nature. Dans certaines provinces irakienne comme Diyâlâ et Ninive, “la nuit, l’État islamique est roi”, nous précise le spécialiste.
Privé de territoire, #Daech conserve sa capacité de nuisance
Dans son dernier rapport sur la menace constituée par Daech, l’ONU relève que les combattants n’évoluent plus dans un "proto-État" comme en 2014 et 2015, mais dans un "réseau clandestin". 👇👇 https://t.co/zbeWexkUpf— La Croix (@LaCroix) January 30, 2019
La région déstabilisée
Le nouveau conflit entre les Turcs d’un côté et les Kurdes de Syrie alliés aux soldats de Bachar al-Assad de l’autre risque de déstabiliser la région. Un terreau idéal pour l’État islamique. “Des brigades internationales kurdes vont venir d’Iran, d’Irak, de Turquie pour défendre les Kurdes de Syrie”, estime Frédéric Encel, “ce qui risque de ne pas plaire à ces pays”.
“En se retirant de Syrie, les États-Unis offrent une chance inespérée à l’EI”, considère le sociologue Adel Bakawa. Car ce retrait a permis aux Turcs d’attaquer les Kurdes de Syrie, qu’ils considèrent comme des terroristes, entamant ainsi “une guerre de tous contre tous” dans la région.
Les soldats turcs, kurdes et syriens se concentrent désormais sur la frontière du nord-est, “ils ne sont donc plus disponibles pour s’engager dans la guerre contre l’État islamique. C’est parfait pour l’État islamique et Al-Qaïda”, regrette Adel Bakawa. “Ça nous ramène au contexte de 2013, où les acteurs étaient engagés dans une autre guerre, permettant à Daesh de monter”, rappelle le sociologue.
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Des prisonniers en fuite
L’autre crainte internationale concerne les 18 000 djihadistes prisonniers détenus dans des camps en Syrie, jusqu’ici surveillés par les Kurdes. Leur évasion “aura des conséquences dramatiques pour la Syrie, l’Irak et les autres pays voisins”, explique le chercheur à l’IFRI, “ainsi que pour les troupes internationales présentes dans ces zones”.
Pour Frédéric Encel, il est également possible que “les prisonniers échappés commettent des attentats dans leurs pays d’origines”. Une problématique à laquelle les occidentaux risquent donc d’être confrontés, puisque des djihadistes européens se trouvent dans les camps syriens.
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