Suzanne Valadon, la muse impressionniste devenue peintre féministe avant l'heure

Marie-Clémentine Valadon devient "Suzanne", dans les années 1880, en commençant à poser pour Toulouse-Lautrec et les artistes de Montmartre. Immergée dans le bouillonnement de ce milieu de bohème, elle se met à peindre en observant les autres. L’autodidacte tape dans l’œil d’Edgar Degas, qui l’encourage. Cette fin du XIXe siècle voit la situation des femmes artistes évoluer : en 1897, elles ont enfin le droit d’entrer aux Beaux-Arts. Sur la Butte, rue Cortot, Suzanne Valadon travaille sans relâche entre deux portes qui claquent. Elle forme aux yeux du monde extérieur un "trio infernal" avec son mari André Utter et son fils Maurice Utrillo, né quand elle avait 18 ans. En 1923, elle peint La Chambre bleue, faisant éclater la couleur en camaïeu. Et pas question pour l’artiste d’idéaliser son modèle : libre, fumeuse, la femme ne nous regarde pas. Elle se suffit à elle-même.

Cette peinture s’inscrit dans une tradition qui remonte à la Renaissance, dans la continuité d’un fameux tableau, la Vénus d’Urbino du maître vénitien Titien. La composition – une femme nue allongée sous une tenture – sera reprise par de nombreux artistes masculins. Elle inspire notamment Édouard Manet, qui fait scandale en 1865 avec son Olympia en remplaçant Vénus… par une prostituée ! Chez Suzanne Valadon, la femme n’offre pas son corps, elle ne cherche pas à nous séduire. Elle est, c’est tout !

Parce qu’elle s’affranchit des carcans de la peinture classique, qui cantonnent la femme au rôle d’odalisque désirable, (...)

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