Supraconducteur LK-99 : pourquoi les scientifiques du monde entier tentent la même expérience

Pourquoi les scientifiques du monde entier sont en train de tenter la même expérience
Pourquoi les scientifiques du monde entier sont en train de tenter la même expérience

SCIENCE - Imaginez un meme, une tendance virale type Harlem shake, mais qui ne toucherait que les scientifiques. Plus pointu encore : qui ne toucherait que les physiciens. C’est un peu ce qui est en train d’arriver depuis le début du mois d’août. Partout dans le monde, des équipes se livrent à la même expérience, avec un but simple, celui de recréer un cristal aux propriétés fascinantes.

Si l’objectif vous semble un peu flou, attendez que l’on vous explique de quoi il retourne : la mise au point d’un matériau supraconducteur à température ambiante. Toujours pas clair ? Commençons par l’explication très rapide d’un problème très compliqué.

C’est quoi l’électricité ?

Les appareils électroniques qui nous entourent, les fils électriques qui les alimentent, tous conduisent l’électricité, c’est-à-dire des particules chargées, plus particulièrement des électrons. Un atome est à la base neutre, c’est-à-dire qu’il est fait d’un noyau chargé positivement, entouré d’électrons à charge négative.

Dans un fil alimenté en électricité, les électrons sont arrachés à leur atome avant d’aller en trouver un autre, jusqu’à l’appareil électrique qui y est branché : c’est ce mouvement qui constitue le courant électrique. Le cuivre est un élément conducteur, cela signifie que ses électrons passent facilement d’un atome à l’autre, ce qui permet, au bout du fil, à notre smartphone de se charger (sa batterie possède alors un excès d’électrons).

Mais voilà, dans tout conducteur, il y a des pertes d’énergie sous forme de chaleur. C’est ce que l’on appelle la résistance, ou encore l’effet Joule. Et cela n’a rien d’un détail : RTE, le responsable de la distribution du courant en France, estime par exemple que 8 à 15 % de l’électricité distribuée dans le réseau « s’évaporent » durant le transport. Mais l’effet Joule pose également des obstacles lourds au développement de certaines technologies, comme celui des microprocesseurs, freiné par la chaleur dégagée.

La fin du frottement

Une solution existe pourtant : les matériaux supraconducteurs. Ce type de matériaux bien particulier possède des qualités étonnantes, connues depuis près d’un siècle. Quand ils sont (très) refroidis, ils conduisent le courant à la perfection, sans aucune résistance. Et c’est là que notre harlem shake scientifique intervient.

À la fin du mois de juillet, une équipe sud-coréenne a publié deux études en « preprint », c’est-à-dire en attente d’une vérification par des pairs, affirmant qu’elle avait mis au point un matériau supraconducteur à température ambiante, dénommé LK-99. Si la découverte en est bien une, c’est un extraordinaire verrou technologique qui saute : le transport et la conservation d’énergie pourraient se faire sans aucune perte, et la lévitation (une autre propriété des matériaux supraconducteurs), quand un objet flotte dans l’air sans contact, à la manière de l’hoverboard de Retour vers le futur, devient une réalité.

Si la découverte en est une… car pour le moment, la course a lieu aux quatre coins du monde pour confirmer (ou infirmer) les conclusions sud-coréennes. « On est dans cet entre-deux très classique entre l’annonce d’une découverte et le besoin de la reproduire, explique Julien Bobroff, physicien à l’Université Paris-Saclay. Ce qu’on peut juste dire, c’est que les articles eux-mêmes n’inspirent pas confiance parce qu’ils sont un peu amateurs. Ça ne veut absolument pas dire que la découverte n’est pas réelle ».

La grande ruée vers l’or des passionnés

Des équipes indiennes, chinoises ou encore américaines ont déjà fait savoir depuis le début du mois d’août qu’elles avaient entamé les démarches pour reproduire l’expérience. Mais certains enthousiastes ont choisi de refaire les étapes décrites par les chercheurs sud-coréens depuis leur garage, comme l’ingénieur américain Andrew McCalip. « Cet engouement, et que plein d’amateurs essaient eux-mêmes de reproduire les échantillons, ça c’est nouveau », décrypte Julien Bobroff.

Où en est-on pour le moment dans cette course mondiale ? Une équipe chinoise prétend, vidéo à l’appui, avoir répliqué le fameux matériau. Mais une fois encore, hormis lesdites images, cela manque de preuves. Côté théorique, deux équipes asiatiques et américaines ont conclu par leurs calculs que la découverte sud-coréenne n’était, sur le papier, pas en dehors des possibilités de la physique actuelle. Alors, tous les voyants sont au vert ?

Pas exactement. Une autre équipe chinoise a fait part de son échec dans la réplication de l’expérience, ainsi que des chercheurs indiens. Quant à Andrew McCalip, qui dans son enthousiasme avait diffusé sur Twitch les différentes étapes de sa tentative, il a finalement échoué à son tour, mais continue avec une autre tentative.

Il en faudra plus pour que ce Harlem shake passe de mode, vu l’engouement et la passion que suscite la supraconduction. Mais attention : même si l’expérience est répliquée et que le matériau peut être fabriqué en masse, « cela aura un gros impact, mais ce ne sera peut-être pas une révolution. Les économies d’énergie ne sauveront pas le monde de la crise climatique », rappelle Julien Bobroff.

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