Suicide d'un adolescent harcelé: comment va se passer l'enquête administrative annoncée par Gabriel Attal?

Suicide d'un adolescent harcelé: comment va se passer l'enquête administrative annoncée par Gabriel Attal?

Au lendemain du suicide d'un adolescent de 15 ans, à son domicile de Poissy (Yvelines), qui avait signalé en 2022 des faits de harcèlement scolaire, le ministère de l'Éducation nationale a annoncé, ce mercredi, l'ouverture d'une enquête administrative.

Cette enquête administrative doit faire "toute la lumière" sur le harcèlement scolaire que l'adolescent a subi, constitué de "brimades" et d'"injures répétées", et qui avait été signalées à l'établissement fin 2022, a déclaré le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal. Parallèlement, une enquête judiciaire a été ouverte par le parquet de Versailles. Elle devra déterminer si la mort de l'adolescent est liée au harcèlement qu'il subissait.

"Instruite à charge et à décharge".

Mais à quoi sert une enquête administrative? Déclenchée dans une "situation anormale mettant en cause des personnes", elle doit permettre de "déterminer l’existence ou non d’insuffisances ou de fautes", explique-t-on au ministère de l'Éducation nationale, qui précise qu'elle est "instruite à charge et à décharge".

Dans la plupart des cas, cette enquête "intervient dans un contexte difficile, marqué souvent par l'urgence", poursuit le ministère, contacté par BFMTV.com. Elle peut être ouverte lors de cas de harcèlement - scolaire, sexuel ou moral -, mais également de malversations financières ou de détournement de biens, d'insuffisance professionnelle, de dysfonctionnements liés à une mauvaise organisation d'un service, de conflits internes, de management brutal ou d'accident corporel.

Pour rendre ses conclusions, l'enquête administrative s'appuie notamment sur des auditions. L'entourage de l'adolescent, les élèves mis en cause et le personnel de l'établissement - la direction et les professeurs - devraient donc être entendus.

En revanche, ces auditions ne peuvent se faire qu’avec l’accord des intéressés. Mais pour les agents de la fonction publique, le fait de refuser de répondre à une convocation "est disciplinairement et pénalement répréhensible en vertu des articles L. 241-2 et L. 241-3 du code de l’éducation", rappelle un rapport de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, publiée en juin 2021.

L'établissement où était scolarisé l'adolescent était-il au courant de faits de harcèlement? Si c'est le cas, a-t-il pris le problème au sérieux? La direction de l'établissement a-t-elle tout mis en œuvre pour aider cet élève? Les réponses apportées étaient-elles suffisantes? Autant de questions qui vont permettre de déterminer s'il y a eu des dysfonctionnements de la part des services scolaires.

Plusieurs alertes des parents

Car selon les premiers éléments de l'enquête, l’adolescent et son père s’étaient rendus au commissariat en avril 2023 pour signaler des faits de harcèlement de la part de deux élèves de son établissement, le lycée professionnel Adrienne-Bolland de Poissy. Selon nos informations, certains faits - des brimades et des insultes -, qui duraient depuis septembre 2022, se sont déroulés devant une de leurs professeurs, qui n'est pas intervenue, a fait savoir une source policière.

Les parents du garçon, ainsi que les élèves mis en cause, avaient été reçus par l'établissement. Mais dans un échange de courriers avec l'établissement scolaire, les parents de l'adolescent avaient dénoncé une prise en compte insuffisante de la situation de leurs fils par l'institution. La famille a alors saisi le rectorat de Versailles et déposé un signalement au service de lutte contre le harcèlement scolaire. Ce dernier avait fait sa rentrée cette semaine dans un autre établissement, à Paris.

"Une enquête est en cours, mais les premiers éléments qui ont été remontés [au ministère] par ses services attestent clairement que des faits de harcèlement avaient été déclarés au cours de l'année scolaire 2022-2023", a précisé le cabinet de Gabriel Attal, mercredi soir.

D'éventuelles sanctions

Une enquête administrative peut également permettre "d'éclairer l’autorité hiérarchique sur les décisions à prendre", explique le ministère, c'est-à-dire d'éventuelles sanctions pouvant aller d'une mise à l'épreuve à une mutation, et même jusqu'à un licenciement, détaille le rapport de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche. L'autre but d'une enquête administrative, c'est de "proposer des mesures, locales ou générales, susceptibles d’éviter le renouvellement de la situation", explique le ministère de l'Éducation nationale.

C'est ce qui s'est passé après le suicide de Lindsay, une collégienne de 13 ans, en mai 2023, victime de harcèlement scolaire dans le Pas-de-Calais. Après le drame, une enquête administrative avait été ouverte. Plusieurs mesures ont été annoncées en réponse dans les semaines qui ont suivi par le ministère de l'Éducation.

Depuis la rentrée, un élève responsable de harcèlement scolaire, peut désormais être transféré dans un autre établissement scolaire, évitant d'imposer ce changement à celui qui en est victime, et ce, dès l'école primaire. De plus, un adulte référent est désormais chargé, dans chaque collège, de la mise en place et du suivi du plan anti-harcèlement.

Mais ce n'est pas tout. Le gouvernement doit présenter, d'ici la fin du mois de septembre, un plan de lutte contre le harcèlement scolaire, qui toucherait un élève sur dix. "Chaque drame est un drame de trop, qui nous rappelle que nous ne sommes toujours pas à la hauteur", a déclaré Gabriel Attal mercredi.

Article original publié sur BFMTV.com