Tour d'Italie: Pogacar au pied de son plus grand défi

Le coureur slovène de la formation UAE Tadej Pogacar lancé vers sa victoire sur Liège-Bastogne-Liège, le 21 avril 2024 (Bernard PAPON)
Le coureur slovène de la formation UAE Tadej Pogacar lancé vers sa victoire sur Liège-Bastogne-Liège, le 21 avril 2024 (Bernard PAPON)

Grandissime favori du Tour d'Italie, Tadej Pogacar s'attaque samedi à l'immense défi de gagner la même année le Giro et le Tour de France, un exploit inédit depuis vingt-six ans.

Personne depuis Marco Pantani en 1998 n'a réalisé ce tour de force qui consiste à enchaîner deux odyssées de trois semaines pour 42 étapes et 6.892 kilomètres au total.

Fausto Coppi, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain ont réussi le doublé à deux reprises. Mais le cyclisme est devenu tellement compétitif que l'entreprise est aujourd'hui considérée comme quasi impossible, et les rares qui s'y sont essayé, comme Alberto Contador ou Chris Froome, ont échoué.

"Le doublé Giro-Tour est très difficile à réaliser, prévient Indurain. Il faut savoir doser ses efforts", ce qui n'est pas exactement le point fort de Pogacar qui veut gagner toutes les courses auxquelles il prend part.

"Il faut être parfait pendant 21 jours, 20 ne suffit pas. Une mauvaise journée peut tout changer", insiste l'Italien Vincenzo Nibali, vainqueur du Tour en 2014 et du Giro en 2013 et 2016, qui pointe notamment les conditions météo souvent difficiles sur le Giro.

Les récentes chutes qui ont décimé le peloton sont aussi venues rappeler que le cyclisme restait un sport particulièrement exposé aux aléas comme Pogacar l'avait lui-même expérimenté à travers une fracture de la main lors de Liège-Bastogne-Liège l'an dernier.

"Il peut se passer tellement de choses en trois semaines. Il y aura peut-être moins de stress que sur le Tour de France mais je m'attends à du mauvais temps, des étapes difficiles et de longues ascensions", souligne Pogacar prudent jeudi soir.

- Concurrence modeste -

Mais les anciens s'accordent aussi à dire que si un coureur peut réussir le doublé, c'est bien Pogacar, le coureur le plus complet du monde, qui arrive avec une préparation millimétrée et respire la santé avec sept victoires en seulement dix jours de course en 2024, dont trois démonstrations aux Strade Bianche, au Tour de Catalogne et à Liège-Bastogne-Liège.

Les actions du Slovène sont même à la hausse depuis la grave chute de Jonas Vingegaard qui n'était pas prévu dans le Giro mais qui promettait d'être le favori pour un troisième sacre consécutif dans le Tour de France. Très amoché, le Danois n'est même pas sûr de participer à la Grande Boucle (29 juin-21 juillet) où on attend aussi Primoz Roglic et Remco Evenepoel.

Au Tour d'Italie, moins montagneux que d'habitude (7.000 m de dénivelé en moins qu'en 2023), Pogacar possède une marge importante sur une concurrence plus modeste.

En vérité, on ne voit pas qui pourrait l'inquiéter.

Ben O'Connor, Geraint Thomas, deuxième l'an dernier, Cian Uijtdebroeks et Romain Bardet comptent parmi les principaux outsiders mais ils évoluent un cran en-dessous, alors que deux autres leaders français, Christophe Laporte et Julian Alaphilippe, vont surtout chasser des étapes.

Pogacar est même tellement favori que certains le voient porter le maillot rose de bout en bout, comme Gianni Bugno en 1990 et Eddy Merckx en 1973, alors que la première étape accidentée samedi entre Venaria Reale et Turin est susceptible de lui convenir.

- Le "GOAT" ? -

Pogacar, lui, dit d'abord attendre dans quel état il sortira du Giro avant de vouloir penser au doublé alors que, mine de rien, il n'a plus remporté de grand Tour depuis son deuxième Tour de France en 2021.

Ce qui l'intéresse dans l'immédiat est surtout d'épingler une nouvelle épreuve à son tableau de chasse. "Je veux les cocher toutes", souligne le leader d'UAE qui compte déjà 70 victoires à seulement 25 ans et avoue aspirer à "devenir le meilleur de tous les temps".

En termes de palmarès, il est encore loin d'un Eddy Merckx (11 grands Tours, 19 Monuments, alors que lui en compte 2 et 6). Mais pour ses contemporains sa domination et l'empreinte qu'il imprime sur son époque sont bien celles d'un cannibale, le surnom de la légende belge.

"Pour moi, Pogacar joue dans la même catégorie que Merckx, assure ainsi le Britannique Geraint Thomas, vainqueur du Tour en 2018, dans son podcast. "Son palmarès et sa manière de courir sont justes phénoménaux. Il a le pedigree d'un GOAT" (Greatest Of All Time).

Si la comparaison reste osée, un doublé de Pogacar sur le Giro et le Tour placerait la question au centre des débats pour les années à venir.

jk/bm