Le titre de 1998, la Ligue des champions 2002... les souvenirs européens de Guillaume Warmuz avec Lens

Ce que représente le RC Lens

"Si on ne comprend pas l'histoire, la naissance du club, la culture, la genèse du club, voir qui vient, quels sont les adhérents, quelle est la majorité des gens qui viennent au club, on passe à côté de ce que représente le Racing Club de Lens, cette valeur première de savoir et d'être proche de ses supporters là. Il faut tout de suite y adhérer parce que si on y adhère pas, on passe vite à côté. Donc d'abord avant, avant de parler, de s'imposer (bien sûr le terrain parle d'abord) mais il faut comprendre aussi dans quel lieu on arrive. Oui, c'est le monde prolétaire, ce sont les ouvriers. C'est concret. On sait qu'il y a un bassin ouvrier et on sait que les gens aiment particulièrement et profondément leur club. Ils sont des vrais supporters engagés, qui donnent vraiment de leurs moyens, de leur temps pour pouvoir venir au stade. Donc ça donne une idée. C'est vrai dans beaucoup de clubs, mais à Lens c'est complètement particulier. Pour faire simple, le premier match que j'ai joué en match amical, c'était contre le Standard de Liège et il y a eu 30.000 personnes. Donc le club venait de remonter de Ligue 2 en Ligue 1 et fait une belle saison, et s'était stabilisé dans les dix premiers et le premier match amical contre le Standard de Liège qui n'est pas un club majeur d'Europe. 30.000 personnes pour un match amical. Donc ça donne déjà une idée de qui sont les supporters à Lens. Wallemme, Sikora, Magnier et tous ces gens, il y avait Pierre Laigle aussi. Voilà tous ces joueurs issus, les locaux qui sont issus du centre ou alors de la région, pas très loin, ont formé cette base qui a revécu cette montée, qui est maintenant stabilisée et qui veut continuer de progresser."

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Son arrivée au RC Lens

"J'ai été très bien accueilli. La première saison a été délicate et puis on a eu un changement d'entraîneur. Patrice Bergues est arrivé et ça a lancé complètement l'idée de ce projet-là. 92 jusqu'à 96-97, pendant donc quatre ou cinq ans, il y a vraiment une identité, une formation. On progresse, on joue la coupe d'Europe régulièrement, on commence à faire des coups en Coupe de France. Donc il y a vraiment quelque chose qui est en train de se mettre en place. Cette saison 96-97 est très difficile. Changement d'entraîneur. Roger Lemerre prend l'équipe et Daniel Leclercq adjoint. Et on se maintient. C'est Daniel Leclercq qui prend ensuite l'équipe comme titulaire. Et puis la saison 97-98 se met en place. On n'a pas la réalité ni l'objectivité d'annoncer qu'on va être sur le podium. Mais bon, on a juste l'idée de prendre du plaisir et ça part comme ça en fait."

Daniel Leclercq, le ''druide'' du RC Lens

"Pour comprendre quelle était la spécificité de Daniel Leclercq, le côté druidique de l'affaire, il faut comprendre qui il était en tant que joueur. Et ensuite, on comprend sa personne et son idée de jeu. Lui, c'est très simple qu'il soit à Lens ou à Marseille où il a été champion. Il avait une qualité de passe qui était exceptionnelle. Ce n'était pas un joueur qui courait vite et longtemps et par contre tout ce qu'il faisait, c'était très appliqué, très pointu, très technique. Et lui voulait toujours mettre les meilleures passes mais marquer les plus beaux buts, donner les meilleures passes décisives et gagner toujours trois zéro avec son équipe. Qu'il soit joueur à Lens, à Marseille ou ailleurs, à Valenciennes ou partout. Pour lui, s'il n'y avait pas ce côté pur et parfait de l'action parfaite avec un score large pour montrer vraiment qu'on était supérieurs, le match n'était pas accompli. Donc à partir du moment où on comprend cette idée-là, il y a tout le reste qui s'enchaîne, c'est à dire qu'on transpose ça au niveau de l'entraîneur. Et c'est cette exigence et cette philosophie là qui a amené tout ce groupe que nous étions à ouvrir d'autres choses et à regarder dans son sens."

1998, la course au titre

"Au tout début, pour être clair, jusqu'au mois de janvier et la défaite à Nantes en fait, ce n'est pas la course au titre. Jusque-là, on repart dans un système qui est connu, c'est à dire un système où on va être dans les cinq premiers, on va encore jouer la Coupe d'Europe où on voit qu'on n'est pas leader encore, mais on est dans une saison que l'on aime avec un style de jeu différent (un 4-3-3 offensif) avec le discours de Daniel qui commence à prendre forme. Et en fait, ce qui va faire basculer, c'est la défaite à Nantes. Et après le fait que lui, Daniel Leclerq , va valider officiellement et entre nous que nous pouvons et nous voulons et lui veut que nous soyons champions de France. Ça, c'est une première dans tout ce qu'on a pu vivre à Lens. C'est-à-dire que bien sûr qu'on pouvait toujours se dire qu'on voulait être champions. Mais là, ça a été comme un acte officiel entre nous et ça a été déterminant en fait."

''La victoire à Metz a été déterminante''

"On est portés dans le sens où on fait basculer les choses pour nous, c'est ça, le fait d'être porté, c'est qu'on est d'abord les acteurs premiers qui faisons basculer toutes ces choses. C'est la victoire à Metz. Elle est déterminante. Metz a été en tête pendant toute la saison et on va là bas. Et toute la semaine, Daniel nous demande juste de prendre du plaisir et d'être nous-mêmes. On fait un match plein et on va gagner chez eux 2-0 à la régulière. À ce moment là, on fait basculer, vraiment, on reprend la main, on prend la main sur le championnat et oui, on est fort jusqu'au bout. Donc ce moment-là est vraiment important. On perd la finale de Coupe de France contre le PSG alors qu'ils avaient fait une saison difficile, finalement on perd 2-1. Donc ça c'est très douloureux et on peut être comme une année où Leverkusen avait perdu le triplé (2002) ils pouvaient faire et ils ont rien gagné. On peut être ça et on est d'ailleurs proche de ça à la mi-temps contre Auxerre le samedi d'après."

La folie du titre

"Il nous suffisait d'un match nul et à la mi-temps, on est menés. Finalement, avec beaucoup de caractère et cette passe merveilleuse de Fred Dehu dans la profondeur et Yohann Lachor qui vient mettre le but qui nous libère, on reprend possession du titre et de la première place à ce moment-là. C'est un moment d'émotion magnifique. C'est une libération. En plus, on gagne et j'avais le kop derrière moi à Auxerre, donc on se retourne là tous ensemble. On sait que ce moment est spécial, on veut le vivre ensemble. On prend notre temps après le match, vraiment, on prend vraiment notre temps dans le vestiaire aussi. On savoure ça et on sait que ça va être une folie, mais on ne se doute pas que ça va être une folie comme elle va l'être parce qu'on est vraiment concentrés et focus sur ce qu'on a à faire sur le terrain."

''Ils ont carrément forcé les grilles''

"Quand on décolle d'Auxerre et qu'on atterrit à Lesquin, on aperçoit une masse, on était compressé. Il y a eu comme une espèce de foule où tout le monde était venu nous voir. On a réussi tant bien que mal à monter dans le bus. Et puis il y avait tellement de demandes que bon, bah là, l'autoroute c'était du grand n'importe quoi, Tout le monde était dépassé. On est arrivés à 2h ou 3h du matin à Lens et donc là, les supporters n'ont demandé l'avis de personne. Ils ont carrément forcé les grilles et ils sont rentrés à plus de 35 000 à 3h du matin en demandant que l'éclairage s'allume et ils nous ont demandé à venir sur le terrain et on était à 3h du matin à faire un tour d'honneur avec le stade pratiquement plein. C'est magnifique parce que je crois que le club, l'histoire, comme on disait tout à l'heure les gens, voilà, cette idée un peu plus difficile de la vie sociale. D'être sur le toit de la France, les représenter, d'avoir pu leur donner cette émotion qui est l'émotion la plus belle de France en tant que footballeur professionnel, c'est vraiment une grande fierté."

L'exploit à Wembley contre Arsenal en Ligue des Champions (1998-1999)

"C'est un souvenir exceptionnel, vraiment. Personnellement, je le situerais comme le plus beau souvenir de ma carrière pour plein de raisons. D'abord gagner à Wembley, être la première équipe française à gagner sur ce terrain mythique. On ancre ça pour toujours dans ce stade. Ensuite donc, battre Arsenal, qui est un grand club en Europe. Et puis ne pas prendre de but, avoir réalisé pratiquement le match parfait, que ce soit dans les prises de balle, les sorties, la lecture du jeu. Donc j'ai peut-être fait des matches plus accomplis, mais celui là, je le considérerais comme le plus beau souvenir et le meilleur match de ma carrière."

L'hommage de David Seaman

"Dans l'ancien Wembley, on sortait derrière un but. La deuxième mi-temps se termine. Voilà donc le temps de célébrer. Il y avait à peu près 10.000 ou 8.000 Lensois. Donc on prend vraiment notre temps. Ça dure au moins 15, 20 minutes au moins. C'est long et puis le temps de retraverser tout le terrain. Et puis je vois David qui était là et qui attendait. Et en fait, il a attendu simplement pour me féliciter et me dire que cette victoire était en partie grâce à moi, et pour échanger son maillot avec le mien. David Seaman, grand gardien de l'équipe nationale. Donc c'était vraiment un pur geste de classe mondiale."

Milan, Bayern, La Corogne... le groupe de la mort de 2002/2003

"Le plus relevé, ah oui. Milan; La Corogne à l'époque, qui ressemblait plus à l'Atlético de Madrid aujourd'hui. Et puis le Bayern. Bien sûr, c'est une victoire, on sait ce que représente ce genre de victoires. C'est un exploit. C'est comme battre Arsenal chez eux à Wembley. C'est comme battre le Milan. Alors on pourra toujours dire que Milan était qualifié, qu'il avait mis une équipe (allégée) d'accord. Quand on regarde les noms, on était quand même menés 1-0. Et c'est encore Shevchenko qui avait marqué (à la 33e minute). Donc non, il n'y a pas de petit exploit. Les deux buts qu'on marque, Moreira ou Utaka fait un match complètement exceptionnel. C'est une grande victoire (2-1 contre Milan en 2002) et un grand honneur d'avoir battu ce grand d'Europe qu'est le Milan AC à Bollaert et d'offrir cette victoire. Et en même temps, c'est une validation de ce qu'on a pu être dans notre période dans ces dix années où on a joué dans ce football de très haut niveau."

''Égal à égal''

"Ce que je garde, c'est la grande joie et fierté d'avoir joué contre tous ces grands joueurs de classe mondiale. Par exemple être sorti capitaine contre capitaine avec Oliver Kahn qui était élu quelques mois avant meilleur gardien du monde, d'avoir échanger le fanion avec Paolo Maldini. Tous ces noms du football mondial, nous à Lens, on n'en était pas là. Mais le fait d'avoir partagé ça avec ces joueurs et d'avoir été aussi au même niveau. Parce que quand on regarde nos campagnes, on n'a pas été derniers alors que le groupe là... Donc je garde le fait que notre niveau n'était pas usurpé. On a fait bonne figure, d'égal à égal."

L'importance de Gervais Martel, président du RC Lens

"Gervais, c'est un président passionné. Sans Gervais Martel, tout ce que j'ai vécu, tout ce qu'on a vécu ces dix années n'aurait pas existé. Il n'y aurait pas eu de Lens. Alors voilà les choses, elles ont été parce que lui a été un passionné, qu'il a pris des décisions, qu'il a écouté, qu'il a compris, qu'il connaît le football, qu'il a su présider. Il faut lui rendre hommage. Et si Lens revient, si on reparle de la Coupe d'Europe à Lens, c'est parce qu'il y a, à un moment donné, un président qui a pris des dispositions pour sauver le club et qu'il l'a amené jusqu'au titre et même à battre les plus grands d'Europe à cette période. Donc je crois que ça, c'est pour lui, ça lui appartient. En tant que président, il ne faut surtout pas lui enlever."

Article original publié sur RMC Sport