Les témoignages insoutenables des victimes du scandale de pédophilie dans le football gabonais

Le football gabonais traverse un véritable séisme. Les médias locaux et une enquête du journal The Guardian, menée par le journaliste Romain Molina, ont mis en lumière un vaste scandale de pédophilie. Ces révélations ont entraîné l’arrestation de plusieurs entraîneurs, dont Patrick Assoumou Eyi, dit "Capello", et du président de la fédération Pierre-Alain Mounguengui, remis en liberté dans l'attente d'une décision de justice.

Dans un documentaire d’une demi-heure, intitulé "Prédateurs sur le terrain", BBC Afrique se penche sur ce dossier particulièrement choquant. Avec des témoignages éprouvants de victimes présumées, qui ont refusé de parler à visage découvert, par peur des représailles. "Quand je repense à ce qu’il s’est passé, j’ai envie de vomir. J’ai été harcelé, maltraité, violé", explique l’un des joueurs abusés dans son enfance.

"Ils entraient dans nos chambres au milieu de la nuit…"

Un autre livre un récit atroce des sévices qui lui ont été infligés par des membres de l’encadrement du football gabonais: "Nous étions dans un camp d’entraînement pour les moins de 17 ans. Nous étions logés dans un dortoir, dans des lits superposés. Ils entraient dans nos chambres au milieu de la nuit et… (des sanglots dans la voix) désolé, c’est difficile d’en parler. Je voyais d'autres garçons se faire emmener. Ils n'avaient pas le choix (…) Pendant les entraînements, ces garçons faisaient couler du sang. Dans les toilettes et les douches nous pouvions voir le sang sortir de leurs fesses. Ils ne pouvaient pas jouer lors du match suivant, ils ne pouvaient plus courir."

Lui-même dit avoir été maltraité par plusieurs adultes: "lls sont venus nous réveiller, mon meilleur ami et moi. Ils nous ont emmenés dans une pièce avec des lumières rouges, pleine d'hommes nus. Ils ont commencé à nous toucher. Je ne comprenais pas. J'avais envie de crier. Ils m'ont dit que je devais les masturber et leur faire une fellation. J'ai refusé. Alors ils m'ont menacé en me disant que si je ne le faisais pas, je perdrais ma place dans l'équipe."

"Ils m’ont dit que si j’osais parler, ma famille serait tuée"

"J’étais tellement choqué que je n’ai pas trouvé les mots pour parler. Il ne me restait que les larmes. J’ai vu comment ils ont commencé à violer mon ami. Je l’ai regardé dans les yeux et il m’a regardé comme s’il me disait: ‘Allons-y avec eux, finissons-en’. Je me suis levé et j’ai voulu partir mais la porte était verrouillée. Ils m’ont attrapé et jeté par terre. J’ai essayé de les repousser mais ils m’ont forcé à les masturber et à leur faire une fellation. Je leur ai dit que je ne pouvais pas le faire. J’ai pleuré et crié, jusqu’à ce qu’ils en aient fini avec mon ami. Ils l’ont laissé partir et ils m’ont dit que je ne serai plus jamais sélectionné. Et que si j’osais parler de ce qu’il s’était passé, ma famille serait tuée."

Ce scandale de pédophilie concernerait des centaines, voire des milliers d’enfants gabonais, abusés durant plusieurs décennies en toute impunité par des dirigeants très influents. "Au Gabon, football et pédophilie vont de pair", résume un témoin. Parfait Ndong, un ancien défenseur international (33 sélections), aujourd’hui âgé de 50 ans, a été le premier à dénoncer publiquement ces viols et ces attouchements sur mineurs. Mais, comme beaucoup d’observateurs, il considère que ce fléau n’a pas encore été vraiment éradiqué.

La Fifpro dénonce le laxisme de la Caf et de la Fifa

Le président de la fédération, Pierre-Alain Mounguengui arrêté pour "non-dénonciation de de crimes de pédophilie", est toujours en poste et membre du comité exécutif de la Caf, soutenu, selon BBC Afrique, par le président de la confédération africaine, Patrice Motsepe. Patrick Assoumou Eyi, dit "Capello", a été arrêté. Il a reconnu les faits et attend son procès derrière les barreaux. Deux autres entraîneurs, qui nient les accusations, sont également en prison. La Fifpro, par la voix de l’un de ses représentants, dénonce le laxisme de la Caf et de la Fifa dans cette affaire.

Article original publié sur RMC Sport