Public en feu, prodige de 16 ans, paris sportifs… Comment les championnats du monde de fléchettes rendent fou le Royaume-Uni

Public en feu, prodige de 16 ans, paris sportifs… Comment les championnats du monde de fléchettes rendent fou le Royaume-Uni

Institution au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas notamment, les fléchettes ont leur championnat du monde qui se dispute depuis le 15 décembre dernier jusqu’à ce mercredi 3 janvier à l’Alexandra Palace de Londres. Au-delà de l'incroyable épopée du jeune prodige anglais Luke Littler, 16 ans, qui disputera la finale ce mercredi face à son compatriote Luke Humphries, cette compétition est un véritable ovni du sport mondial. Déguisements improbables, ambiance surchauffée dans une salle où tous les coups sont permis: plongée dans un sport qui gagne en popularité en dehors de l’île britannique.

Un prodige de 16 ans

Il n’a pas encore l’âge de fêter ses victoires avec du champagne, ni de porter des sponsors de paris sportifs sur sa tenue, mais il disputera la finale ce mercredi. Pas de doute: LA grande histoire de ce Mondial, c'est celle de Luke Littler, 16 ans et 164e mondial à l'entame de la compétition. Pour sa première participation, le prodige anglais a méticuleusement écœuré tous ses adversaires pour se hisser à une marche du Graal. Et bien évidemment, le public est en extase.

Après avoir balayé le Néerlandais Christian Kist, ancien champion du monde de l’organisation BDO, au premier tour (3-0) puis le champion d’Angleterre Andrew Gilding (3-1), il a enchaîné en écartant le Canadien Matt Campbell (4-1) et surtout le quintuple champion du monde néerlandais Raymond van Barneveld (4-1). En quarts de finale, Luke Littler a sèchement battu le Nord-Irlandais Brendan Dolan (5-1) avant de se débarrasser de l'ancien champion du monde anglais Rob Cross en demi-finale (6-2).

>> Qui est Luke Littler, le nouveau prodige des fléchettes qui a mis l'Angleterre à ses pieds?

L'Angleterre s'est ainsi prise de passion pour ce "Messi des fléchettes" dont la jeunesse et le naturel détonnent. Loin du star system et de l'exubérance de certains athlètes, Littler a ainsi fêté chacun de ses succès en dégustant...un kebab. Désormais, tout le monde veut sa photo avec le phénomène, comme les joueurs d'Arsenal Aaron Ramsdale et Declan Rice qui ont dû attendre patiemment devant les vestiaires pour rencontrer la nouvelle idole du pays.

Coté à 66 contre 1 chez les bookmakers au début de la compétition, il n'est désormais plus qu'à quelques fléchettes des 500.000 livres (576.000 euros) promises au vainqueur. Mais même en cas de défaite en finale, il aura gagné l'amour de tout un pays (et probablement quelques contrats de sponsoring).

Un public en furie

Car oui, aussi surprenant que cela puisse sembler vu de France, les fléchettes sont une institution outre-Manche et les meilleurs joueurs de véritables stars. L'ambiance de l'Alexandra Palace n'a rien à envier aux plus bouillants stades du pays, et les matchs se disputent dans un climat aviné et chambreur où chaque coup réussi ou raté est célébré comme un but ou une boulette en football. Avec un détail supplémentaire qui fait toute la différence: la tradition, pour le public des fléchettes, est de venir...déguisé. Il n'est ainsi pas rare de croiser des spectateurs vêtus d'un costume de bouteille de ketchup, de pingouin, de homard ou de hot dog.

Ici, pas de respect des tireurs comme ça peut être le cas au tennis. Les chants ne s’arrêtent pas et les moqueries fusent pendant les parties de 501 (chaque participant part de ce total pour arriver le premier à zéro). Luke Littler, jeune prodige de 16 ans, en a aussi fait les frais: "tu as école le matin", ont-ils scandé en sa direction pendant le match. Mieux vaut ne pas être pris en grippe par les fans qui choisissent rapidement leur camp selon la nationalité du joueur, son caractère ou son statut (avec une préférence pour les outsiders).

Les paris sportifs en direct

Cela contribue à pimenter l’ambiance lors des matchs. A l’instar de courses hippiques ou de lévriers (autre institution au Royaume-Uni), les paris sportifs en temps réels entourent chaque partie. "Les paris sportifs se font en direct et peuvent influencer les matches", confie le Français Thibault Tricole dans L’Équipe. "Ce n'est pas très conventionnel, c'est même très particulier en fait." Avec des dérives à clé. Cette année, trois joueurs Jack Main, Prakash Jiwa et Andy Jenkins ont été suspendus pour des paris suspects.

Looks déconcertants et scandales

Le joueur de fléchettes n’a pas vraiment la silhouette du sportif de haut niveau classique. Plutôt celle d'un habitué des pubs où les fléchettes sont incontournables. Les joueurs, plutôt corpulents et dans l’ensemble plus âgés que le sportif de haut niveau moyen, adoptent aussi certains styles déroutants. Il y a les cheveux et le collier de barbe verts du double champion Peter Wright ou la longue moustache de Damon Heta dit "The Heat" qui fait son entrée sur la piste coiffée d’un chapeau en flamme. Autant d’artifices qui servent à se mettre le public dans la poche ou à déstabiliser l’adversaire.

Tous les moyens sont bons pour entrer dans la tête de son rival et cela a déjà donné lieu à plusieurs scandales. Il y eut ainsi le "fart-gate" en 2018 quand Wesley Harms a accusé son rival Gary Anderson d’avoir pété pendant ses lancers en finale du Mondial, il y eut également la quinte de toux opportune de Justin Pipe en 2017 contre Bernie Smith ou encore le comportement jugé enfantin de Gerwyn Price en 2019 lui valant une amende de plus de 25.000 euros.

Un Français dans l’histoire

Signe de l'ouverture au monde de ce sport que beaucoup considèrent encore comme un divertissement de bar, la performance historique de Thibault Tricole, devenu le premier Français à gagner un tour au Mondial (il était déjà le premier à y participer). Le Breton (146e mondial) s’est imposé (3-1) le 18 décembre contre le Belge Mario Vandenbogaerde (67e mondial) au premier tour avant de tomber au suivant (3-0) face à l’Anglais Rob Cross (n°8).

Le numéro 1 français y a découvert la pression d’un sportif de haut-niveau au cœur d’une grosse organisation. "Au-delà de l'aspect sportif, j'ai eu droit à une conférence de presse en anglais digne d'un footballeur, avec une dizaine de micros braqués sur moi à la fin du match", confie le Français dans L’Équipe. Mais malgré son élimination, le championnat du monde du Morbihanais n'est pas complètement terminé puisqu'il commentera la finale ce mardi aux côtés du passionné de fléchettes Alex Vizorek sur RTL Belgique.

Article original publié sur RMC Sport