Comment le Paris FC est devenu une place forte dans le foot féminin français

9 septembre, Linköping en Suède. À l’issue d’une rencontre au scénario complètement fou, les féminines du Paris FC réalisent l’un des plus beaux exploits de leur histoire, en éliminant Arsenal - demi-finaliste sortant - au deuxième tour de qualification de la Ligue des champions (3-3, 2 tab 4). Dans l’esprit et la carrière de Théa Greboval (26 ans), qui a tout connu avec le club qu’elle a rejoint alors qu’elle n’était même pas encore majeure, à l’époque où la fusion entre le PFC et Juvisy n’était pas encore dans les tuyaux, cette rencontre est un tournant.

"C'est un match qui restera gravé, ancré"

"C'est quelque chose d'historique. On est passés par différentes émotions. C'était beau à vivre et on travaille pour ça. Je suis persuadée qu'il y aura d'autres moments. Ça reste le plus beau pour l'instant", rembobine-t-elle auprès de RMC Sport.

Les émotions étaient aussi présentes sur le visage de Mamba, fidèle supporter du Paris FC depuis 2015, quand le club était encore en Régionale avant son absorption par Juvisy deux ans plus tard. Pour montrer son amour à la section féminine, il a d’ailleurs créé cette saison le premier groupe de supporters 100% dédié aux joueuses de Sandrine Soubeyrand, Quinn Squad 2023. "Il était primordial que les filles reçoivent le soutien et la ferveur qu’on peut retrouver chez les hommes. L'idée d'un groupe exclusif est venue plus tard, confie-t-il. Le premier match de l'existence de notre groupe était en Suède, face au FC Kryvnas (4-0). Nous étions présents face à Arsenal et c'était un match incroyable. Les Anglais étaient présents en nombre et l'enjeu était historique. On est passé par tous les états possibles: le stress, l'espoir, la joie, la déception, l'euphorie..."

"J'ai personnellement pleuré à la fin du match"

Mamba et les supporters parisiens sont prêts à vivre de nouvelles émotions, ce mardi, à l’occasion des barrages de la Ligue des champions féminine face à Wolfsburg, finaliste de la dernière édition. Le match aller au stade Charléty (19 heures, match retour prévu le 18 en Allemagne) sera une fête pour le troisième du dernier championnat derrière l’OL et le PSG. "C’est un club historique du foot féminin (deux fois vainqueur de la C1). On a tous suivi leur parcours donc c'est une très grosse équipe", abonde Théa Greboval, qui devra notamment se méfier d’Alexandra Popp dans son secteur.

La bascule de la fusion

A l’issue de la double confrontation avec les Louves, une place pour la phase de groupes est en jeu. Ce serait un nouveau résultat historique pour le PFC, qui trône également en tête de la D1 Arkema avec trois victoires en autant de matchs. "Je pense qu'on n'a jamais fait mieux depuis qu'on a fusionné avec les Parisiennes. Se qualifier sur un deuxième tour de qualification de Ligue des champions, ce n'était pas arrivé. En tout cas pas après la fusion", rappelle Marie-Christine Terroni, la présidente de la section féminine.

La fusion en juillet 2017 entre le PFC et Juvisy, club historique de la D1 depuis 1987 (6 titres de championnes, une Coupe de France, une demi-finale de C1 en quatre participations) a permis au Paris FC new look d’entrer dans une nouvelle ère. Marie-Christine Terroni se souvient parfaitement des premiers échanges avec Pierre Ferracci, le président du PFC, dans le bureau de Noël Le Graët.

"J'avais été le voir à la Fédération pour lui exposer les perspectives de développement. Le club, qui avait beaucoup d'internationales, devait tout simplement passer un palier pour continuer à progresser sans perdre de place. Je sentais qu'il y avait aussi Fleury qui poussait derrière. Au département de l'Essonne, où on était sur ce territoire, on nous faisait comprendre qu'avoir deux clubs, c'était difficile à assumer. J'ai été voir Noël Le Graët, qui m’a dit qu’il connaissait un club, le Paris FC. Je ne connaissais que de nom".

"On s'est rencontré avec Pierre Ferracci, et ça a fonctionné tout de suite"

"Nous avons un point commun avec Pierre, ce sont nos valeurs et notre passion du football. Et aujourd'hui, tout le monde le dit ouvertement: on a bien fait de le faire, la preuve en est."

La magie de "Soub’"

Après un long processus, la section féminine du Paris FC entre dans une nouvelle ère dès la saison 2017-2018. Encore plus avec l’arrivée de Sandrine Soubeyrand à son bord. Systématiquement dans le top 5 de la D1 depuis la fusion, le club reste sur deux troisième place de rang. "C’est une entraîneuse qui travaille beaucoup, mais qui met surtout en place beaucoup de travail pour que ces jeunes puissent aussi être intégrées et continuer à avancer. Elle a un staff performant, elle met tout en œuvre pour que tous les feux soient au vert, pour qu'on arrive à progresser chaque année", complète Marie-Christine Terroni.

Recordwoman du nombre de sélections chez les Bleues (198), Sandrine Soubeyrand est l'alchimiste en chef de cet effectif construit sur mesure, mélange de joueuses d’expérience (Gaëtane Thiney, Julie Soyer) et de jeunes pousses qui grandissent vite (Louna Ribadeira, Melween N’Dongala). Rien de surnaturel pour autant, confie-t-elle.

"Je ne suis pas une magicienne"

Une modestie tempérée par Marie-Christine Terroni, qui voit en elle le facteur X de la progression du Paris FC. "Elle a entraîné les U17 de l’équipe de France (2014-2018). Si elle récupère une joueuse qui est bien formée, qui apprend bien, est sur le double projet, est équilibrée sur l’aspect social et sur le terrain, c’est un diamant un petit peu taillé qu'elle polit. Elle peut l'utiliser, la faire progresser pour qu'elle puisse monter en puissance. C'est du travail déjà bien démarré."

"Un groupe d'exception"

Car la formation reste "la marque de fabrique" du Paris FC. Cet été, le club de la capitale est entré dans une nouvelle ère, avec l’ouverture de son centre de formation. Le PFC fait partie des six premiers clubs avec Bordeaux, Fleury, l’OL, le PSG et Montpellier à en avoir un spécifiquement dédié à sa section féminine. Un atout non négligeable pour permettre au club de passer un cap supplémentaire. Une situation que Théa Gréboval n’a pas connue dans sa deuxième maison.

"Quand je suis arrivée dans le club, c'était encore Juvisy, explique la défenseure internationale. J'avais 17 ans, je sortais du Pôle Espoir. J'étais jeune, je me rappelle des débuts d'année où j'étais en études. On courait de droite à gauche. On n'avait pas forcément de centre d'entraînement fixe. Au niveau des infrastructures, on était beaucoup moins structurées qu'aujourd'hui, comme pour le staff, la technique mais aussi la communication. Ça n'avait rien à voir avec ce que c'est aujourd'hui. On a un staff étoffé. On sent un très gros soutien du club, notre président est à 200% derrière nous. Avoir un soutien pareil du club, on ne peut qu’être épanouie en tant que joueuse et ça nous pousse à leur rendre sur le terrain. Les années d'avant, on pouvait être frustrées parce qu'on sentait qu'on était derrière nous et on avait du mal à leur rendre d'un point de vue comptable et d'un point de vue résultat".

"Aujourd’hui, on est dans le vrai"

Un sentiment partagé par Marie-Christine Terroni: "si on continue comme ça, on va être un club qui va concurrencer l'Europe. Sandrine a une armée sur le terrain. Elle a un groupe que j'ai rarement vu ces dernières années. J'ai vécu ça, mais il y a très longtemps. Là, elle a un groupe d'exception."

Un club prêt à jouer les trouble-fêtes

Un groupe qui a déjà marqué les esprits après avoir sorti Arsenal il y a quelques semaines. La présidente est convaincue que ce match "a retourné l'état d'esprit sur plusieurs niveaux", et a permis de rappeler que le football féminin français va au-delà de la rivalité entre l’OL et le PSG. "On est un petit peu décrié sur le fait que la France ne se montre pas exemplaire sur le niveau européen, comme les Anglaises, les Espagnoles… On a sorti Arsenal qui, elles, avaient battu Lyon l’an dernier."

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Face à Wolfsburg, le Paris FC visera un nouvel exploit dans son histoire, pour prolonger un début d’exercice lancé sur les chapeaux de roue où les ambitions sont élevées, surtout avec la nouvelle formule du championnat. "L’objectif est de finir dans les quatre premiers et de jouer les playoffs. On veut aussi remporter un titre cette année, voire plusieurs si c'est possible, annonce Théa Gréboval. On sent que dans le jeu, on est capable de produire des choses, on est capable d’embêter Paris et Lyon. Notre force réside dans le collectif et ça permet de rivaliser contre des équipes qui ont de très grosses individualités."

Contre les vice-championnes d’Europe en titre, les Parisiennes n’auront "pas de limite" selon la défenseure, qui estime que l’équipe a pris en maturité pour mieux appréhender l'événement. En tout cas, les supporters y croient dur comme fer.

"Battre Wolfsburg serait un exploit"

"Mais un exploit qui devient possible après celui d'Arsenal, rappelle Mamba. On est plusieurs à croire en une qualification. Si jamais on perd, on sera déjà très fiers de la progression de nos filles et reconnaissants de l'aventure qu'elles nous auront fait vivre avec elles." Car le club va continuer à grandir, pour côtoyer les sommets.

Article original publié sur RMC Sport