Nouvelle-Zélande – Afrique du Sud: quand deux anciens champions du monde rochelais se taquinent avant la finale

Nouvelle-Zélande – Afrique du Sud: quand deux anciens champions du monde rochelais se taquinent avant la finale

Comment traversez-vous cette semaine forcément particulière pour tous les deux?
Tawera Kerr-Barlow: Bien. Ce sera un bon match. Pour moi, c’est du 50-50. Les deux équipes sont très fortes et arrivent en finale avec le "momentum". J’ai très hâte de regarder ce match. Mais je pense quand même que l’Afrique du Sud est favorite, au regard de leur performance pendant la dernière confrontation (victoire 35-7 en test-match juste avant la Coupe du monde). Et puis ils sont les champions du monde en titre jusqu’à samedi.

Gurthrö Steenkamp: Je vais être très honnête. Je vis cet évènement différemment que "T" (Tawera). Je suis focalisé sur le match de dimanche en Top 14 (La Rochelle reçoit Castres pour le compte de la 4e journée), j’oublie qu’il y a une finale. Je pense que l’on a des priorités différentes (rires). Non, franchement, je pense que ce sera un match énorme pour les deux pays. Je le dis souvent aux gens, l’histoire entre l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande est profonde. On grandit, enfant, en Afrique du Sud, avec le rêve de jouer contre la Nouvelle-Zélande. Et réciproquement. Le rugby, pour nous, est une religion. En tant que Sud-africain, ça va être chaud cette semaine ! Mais je pense que c’est la meilleure finale que l’on pouvait espérer. Ça fait un moment que l’on n’a pas vu un Afrique-du-Sud – Nouvelle Zélande en finale de Coupe du monde.

Parlez-vous entre vous de cette finale, qui est en effet un "remake" de celle gagnée en 1995 par les Boks (15-12)?
T.K-B: Non, pas encore. Comme Gurtrhrö l’a dit, on est concentrés sur le match contre Castres donc on n’a pas eu le temps (sourire). Toujours priorité au boulot. J’imagine que vendredi, après l’entrainement, on en parlera, de ce match. Et de la concurrence entre nos deux pays, de l’histoire autour de notre dernière finale de Coupe du monde. C’était très serré, jusqu’à ce drop de Joel Stransky (93e minute, en prolongations). G.S: T’étais né en 1995 ? (rires) T.K-B : Déjà ! J’avais cinq ans. Bizarrement, je me souviens un peu de ce match. Ça y est, le chambrage commence… G.S: Il n’y a pas trop de chambrage entre nous. Tranquille. Peut-être qu’avec "Ray" (Raymond Rhule, international sud-africain au Stade Rochelais, NDLR), c’est différent (rires). T.K-B: Non, il est blessé en ce moment. Il est toujours dans la salle de kiné (rires). G.S: Entre nos deux pays, il y a beaucoup de respect. Je me rappelle, à l’époque, quand tu jouais un match contre les All Black, après tu passais dans le vestiaire pour boire une bière ensemble. Il y a toujours eu de l’amitié et du respect. Même si samedi ça va être une guerre. Il y a aussi beaucoup de fierté. Avant la Coupe du monde, tout le monde disait que les All Blacks étaient moyens et n’allaient rien faire. Ils ont "switché". Pareil pour les Sud-africains, tout le monde pensait qu’ils ne gagneraient pas contre l’équipe de France. Même si je pense que l’équipe de France mérite de gagner ce quart de finale, il y a quelque chose de beaucoup plus profond. En Afrique du Sud, on joue pour un peuple et des gens qui n’ont rien. C’est pour donner espoir à notre pays.

Allez-vous regarder cette finale ensemble?
T.K-B: Je serai à la maison. Je dinerai comme d’habitude. Je vais regarder le match avec ma famille. J’imagine que Gurthrö sera dans un bar… G.S: Non. Tranquille chez moi avec du coca (rires). T.K-B: On a un match le lendemain. Il faut que l’on soit à 100%. Pour moi, c’est la même préparation que pour tous les autres matchs. Gurthrö, vous ne serez pas avec Raymond Rhule et Dillyn Leyds, les deux internationaux sud-africains du Stade Rochelais? G.S: Non, non, le match de dimanche est vraiment notre priorité. On n’a pas la chance ou l’opportunité de tomber dans l’état d’esprit "Coude du monde" comme les supporters. Bien sûr que l’on va regarder le match mais il faut que je sois précis le lendemain pour donner la bonne information aux joueurs en mêlée. Même si l’Afrique du Sud gagne, je n’aurais pas le temps de fêter. Si l’on perd, je boirais peut-être un verre avec Tawera après le match de dimanche. On a envie de profiter de la Coupe du monde mais on a un boulot à faire. Et ce n’est pas vraiment un boulot, c’est notre passion.

Ne craignez-vous pas quand même d’être rattrapé par l’évènement pendant la finale?
G.S: Je vais supporter mais je vais rester tranquille et calme chez moi. Avec mon petit verre Afrique du Sud. Deux verres, pas plus. Il faudra vite switcher après. Il y a un gros match le lendemain. On a un championnat à jouer. On doit donner toute notre énergie pour notre match et ne pas trop en perdre pour la finale.

L’une des deux nations détiendra seule, samedi soir, le record de trophées Webb Ellis (4)…
T.K-B: Les joueurs des deux équipes ne pensent pas à ce genre de chose. L’histoire reste l’histoire. G.S: Je m’en fous d’une quatrième coupe du monde. Ce n’est pas important pour moi. En tant qu’entraineur et supporter de rugby, je pense que l’on va voir la plus grande finale dans l’histoire du rugby, en Coupe du monde. Et voir peut-être la défense énorme des Sud-Af contre la meilleure attaque en ce moment. C’est énorme leur jeu autour du ruck, Telea qui vient partout. Je ne sais pas si Will Jordan a une oreillette pour lui dire "il faut que tu sois là, là, là" mais, chaque fois, il est bien placé pour marquer des essais, je ne comprends pas (rires). Ce qui m’excite le plus, c’est de voir un très beau match de rugby. Ça va être très serré.

Un pronostic?
T.K-B: 27-25 pour Nouvelle-Zélande. G.S: Pour moi 15-12 pour l’Afrique du Sud… Avec Pollard qui marque le drop de la victoire!

(Un fou rire éclate)
T.K-B: Je n’espère pas. C’est fini avec Joel Stransky ! Il faut qu’on sécurise la nourriture parce que la dernière fois, on avait 90% de l’équipe qui était malade (rires). G.S: Je ne sais pas si c’est la vérité. J’étais petit à l’époque (rires). Vous resterez quel que soit le résultat les deux seuls champions du monde du Stade rochelais dans l’effectif actuel, puisque les Bleus ont été éliminés en quart de finale… G.S: J’étais vraiment dégouté pour les joueurs. Mon cœur était brisé parce que je sais le gros investissement des joueurs et du staff de l’équipe de France. En tant qu’entraîneurs (étrangers), on prépare vos joueurs à jouer pour l’équipe de France. Quand ils ont perdu le quart de finale contre l’Afrique du Sud, je pensais fort à eux. Ils ont bien bossé, on a vu leur super évolution ces trois dernières années. J’espère que tout le monde restera derrière l’équipe de France. J’étais à leur place en 2011 quand nous avons perdu contre l’Australie. Je comprends bien la douleur qu’ils vivent en ce moment. On va faire le maximum pour eux, pour qu’ils retrouvent le plaisir et cette envie de continuer à être performant.

T.K-B: J’ai parlé avec mes potes rochelais de l’équipe de France. J’étais déçu pour eux. "G" a tout dit. Heureusement pour la France, vous avez une génération de fou, qui est jeune. Vous aurez une ou deux autres opportunités pour challenger les autres pays.

Article original publié sur RMC Sport