Malaises, vomissements... Pourquoi la finale de 1995 entre les All Blacks et les Boks reste entachée de soupçons d'empoisonnement

Malaises, vomissements... Pourquoi la finale de 1995 entre les All Blacks et les Boks reste entachée de soupçons d'empoisonnement

La Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud s’affrontent ce samedi en finale de la Coupe du monde 2023 au Stade de France (21h). Un duel où le vainqueur deviendra le pays le plus titré de l’histoire avec un quatrième sacre. Si les Springboks n’ont jamais perdu de finale et rêvent d’un doublé après leur succès en 2019, les All Blacks espèrent venger leurs illustres anciens, les seuls kiwis à s'être inclinés dans une finale: la bande emmenée par Jonah Lomu, battue en 1995.

28 ans plus tard, cette finale de 1995 entre la Nouvelle-Zélande et les Boks (12-15) reste très polémique. Au-delà des suspicions de dopage ou d’un arbitrage favorable au pays hôte, une affaire d’empoisonnement que certains membres de l’équipe perdante n’oublieront pas et dont le souvenir reste profondément ancré dans la mémoire des supporters des All Blacks.

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Une intoxication alimentaire quasi générale

Brillante jusque-là sur le plan offensif, la Nouvelle-Zélande a totalement déjoué et n’a pas marqué un seul essai lors de cette finale perdue au bout de la prolongation sur un ultime drop de Joel Stransky. Sélectionneur des All Blacks lors de cette défaite, Laurie Mains a depuis confié qu'il était certain que ses joueurs et son staff avaient été empoisonnés dans leur hôtel avant le choc disputé à Johannesburg.

Tout a commencé lorsque Laurie Mains et le manager de l’équipe Colin Meads ont commencé à sentir mal après être sortis dîner avec les joueurs absents de la feuille de match. À leur retour à l’hôtel, c'est l'hécatombe.

"On a passé la porte principale et on a vu Zinzan Brooke marcher vers nous. On a immédiatement compris", a raconté l’ancien technicien auprès du New Zealand Herald en 2016. "Son message pour nous c’était que la moitié de l’équipe se trouvait dans la chambre du médecin en train de vomir ou après avoir eu des maux d’estomac."

"J’avais 26 personnes qui n’étaient clairement pas bien"

S’il a reconnu avoir caché l’état de santé de son groupe avant la finale, pour ne pas donner d’informations aux Springboks, le sélectionneur kiwi a aussi reconnu que ce choix avait constitué "sa plus grande erreur".

Avec le recul, le patron des All Blacks se dit qu'il aurait dû prévenir les instances du rugby mondial de cette intoxication alimentaire qu'il juge provoquée de manière intentionnelle. Malgré les nombreux joueurs touchés, la Nouvelle-Zélande a donc poursuivi la préparation de cette finale contre l’Afrique du Sud.

"On se sentait vraiment confiant sur notre santé et notre condition physique comme nous n’avions pas eu de pépin avant la finale. Et puis ce jour-là je crois que le premier joueur est venu me voir vers 15h", s’est souvenu le docteur en charge de l’équipe à l’époque, Mike Bowen, pour le quotidien néo-zélandais.

"Moi j’étais bien. Si j’avais été comme les autres, on aurait eu une véritable urgence médicale mais là c’était un vrai défi sanitaire. À minuit, j’avais 26 personnes qui n’étaient clairement pas bien dont le sélectionneur, Laurie Mains. […] Si on avait dû jouer le vendredi, on n’aurait pas eu d’équipe. Heureusement le samedi on avait 80% des joueurs qui étaient revenus à 80% de leurs capacités."

Une mystérieuse "Suzie" au centre de l’affaire

De sa propre expertise, le médecin des All Blacks a ensuite confié qu’il trouvait "très peu probable" qu’une intoxication de cette ampleur soit le simple fait du hasard ou n’ait pas été provoquée. Mais sans preuve du contraire, Mike Bowen n’a pas poussé plus loin et la Fédération néo-zélandaise n’a jamais porté de réclamation.

Mais frustré de la défaite et décidé à ne pas laisser passer cet empoisonnement si facilement, Laurie Mains a enquêté de manière officieuse grâce à certaines de ses relations.

"Ma femme connaissait un détective privé en Afrique du Sud. On l’a contacté après notre retour au pays pour voir ce qu’il pourrait trouver, s’il y avait quelque chose à trouver", a enchaîné le sélectionneur qui avait été écarté après la défaite en finale.

"Il a partiellement réussi puisqu’il a établi qu’une femme noire avait été engagée par l’hôtel deux jours avant notre arrivée et qu’elle avait disparu complètement le jour après notre empoisonnement. Il est apparu dans cette enquête que quelque chose avait été mis dans le café et dans le thé. Les joueurs qui n’avaient pas bu de thé ou de café n’avaient pas été malades, les autres l’avaient été."

Surnommée "Suzie" par les médias, cette mystérieuse employée de l’hôtel qui a accueilli les All Blacks n’a plus refait surface par la suite. En s’appuyant sur des contacts dans le monde financier à Londres, Laurie Mains a ensuite eu vent des rumeurs insistantes en Angleterre sur le fait que les bookmakers se trouvaient derrière cette affaire d’empoisonnement.

Des regrets éternels pour les All Blacks

Incapable d’apporter des preuves concrètes sur cette affaire d’empoisonnement ou de retrouver cette "Suzie", la Nouvelle-Zélande n’a jamais pu faire modifier le résultat de cette finale perdue contre l’Afrique du Sud. Et même avec des preuves irréfutables, le résultat n’aurait probablement pas évolué puisque les Springboks n’y ont joué aucun rôle direct. De quoi laisser de profonds regrets chez Laurie Mains et le staff kiwi de 1995.

"Je ne peux pas dire que l’on aurait gagné la finale si nous avions été à 100% de nos moyens physiques. Le score a montré qu’on n’était finalement pas si loin de gagner quand même donc on aurait probablement gagné (en étant à 100%). Mais on ne peut pas l’affirmer, a toutefois reconnu Laurie Mains. […] J’aurais aimé gagner cette Coupe du monde pour la Nouvelle-Zélande mais cela ne devait pas se faire."

Un sentiment partagé par Brian Lochore en 2016: "Je ne pense pas qu'aucun des joueurs s'en remettra un jour", avait estimé trois ans avant sa mort celui qui était le patron de la délégation des All Blacks en 1995. Parce que, si tu ne peux pas jouer au mieux de tes capacités un jour donné à cause d'une influence extérieure - et je ne pointe personne du doigt - cela va t'embêter pour toujours."

Article original publié sur RMC Sport