Lutte: Rakhim Magamadov, le jeune loup que les Bleus attendaient

Ce qui frappe en premier chez Rakhim Magamadov, c’est son dos. Débarrassé de son maillot de lutteur, il impose ses muscles ronds et imposants, débordants, massifs, reflet de sa puissance. Ce mardi dans la salle de lutte de l’Insep, le tapis luit des gouttes de sueur qui tombent des corps en combat. Le lutteur de 19 ans répète ses gammes en suivant le rythme d’un match, six minutes. Sur le côté, Luca Lampis, l’un des coaches de l’équipe de France de lutte libre, ne lâche pas son poulain d’une semelle: "Contracte ton cou", lui lance-t-il après une technique.

Magamadov suscite énormément d’espoirs dans la lutte libre française, pas le plus médaillé des trois styles. La gréco-romaine avec les frères Guénot ou Mélonin Noumonvi, la lutte féminine grâce à Koumba Larroque ou les médaillées olympiques Lise Legrand et Anna Gomis, sont devant. La lutte libre attend le retour de suspension de Zelimkhan Khadjiev (dopage), son ancien leader. À Larroque, Magamadov a emprunté sa gourmandise à tout dévorer dans les catégories d’âge jeunes. Magamadov a copié le palmarès de Koumba Larroque chez les jeunes. Deux titres mondiaux juniors, l’or continental en moins de 23 ans: "Mon objectif c’était de faire mieux que Koumba chez les jeunes, je ne sais pas si j’y suis arrivé. Chaque année j’ai confirmé que j’étais le meilleur dans ma catégorie d’âge, maintenant il faut faire ses preuves chez les seniors", concède le moins de 86 kilos.

Larroque, elle aussi championne très jeune, avait manqué la qualification pour les JO 2016 sur un combat alors qu’elle n’était que cadette. Elle est pleine de compliments dans la bouche à propos de son cadet: "Rakhim a énormément de qualités de lutte, de qualités physiques, c’est un peu le phénomène actuel. C’est top. Ça met en lumière la lutte libre. Il est hyper jeune, il prend beaucoup d’avance sur les seniors. Il me rappelle un peu moi. C’est hyper intéressant et ça promet pour la suite j’en suis sûre."

"J’arrive très fort"

Né en Tchétchénie en 2003, Magamadov est arrivé en France dans les bagages de ses parents qui ont fui la guerre en 2007. Passage par la Pologne puis stabilisation à Montauban chez des cousins. Il commence la lutte dans le club du Tarn-et-Garonne. Comme une évidence. "Notre sport national c’est la lutte en Tchétchénie. Quand tu es Tchétchène tu es obligé de faire un sport de combat, lutte judo, MMA. C’est sport de combat ou rien", lâche-t-il lorsqu’il déroule son histoire après l’entraînement.

A l’Insep, il est aussi couvé par d’autres enfants de la Tchétchénie, Akhmed Aibuev ou Ilman Mukhtarov qui lui prodiguent des conseils ou le branchent en le traitant de radin. Son style ? Toujours sur l’homme, usant et offensif à souhait. Après une année de découverte du monde senior en 2022, il semble avoir passé un cap. Cette saison, il est passé à deux doigts d’accrocher le scalp du Grec Kurugliev, champion d’Europe 2023, à son palmarès: "Les seniors savent que je suis jeune alors ils me sous-estiment. Il ne faut pas me sous-estimer. J’ai déjà battu des médaillés mondiaux et européens. J’arrive très fort", claironne-t-il.

Aux Mondiaux qui débutent ce samedi pour lui à Belgrade (Serbie), il va chercher l’une des cinq premières places, synonyme de qualification pour les Jeux olympiques. Même une médaille, il ne s’en cache pas. Problème, il va lutter avec le genou gauche amoché à cause d’un ligament externe touché. Pas de quoi refroidir son tempérament enflammé: "Je suis excité, j’ai trop envie de lutte, j’ai envie de tout arracher. D’un côté, je stresse un peu car je n’ai pas envie de décevoir ici à Montauban et en Tchétchénie tous ceux qui me regardent. Je n’ai pas le droit à l’erreur."

Magamadov se sait attendu. Didier Païs, son autre entraîneur à l’Insep, use de la carotte et du bâton avec parcimonie pour pousser ou freiner le moins de 86 kilos. A Belgrade, Magamadov devra combattre sa nature. Il l’avoue, lors des pauses, il peut perdre sa concentration, regarder dans les tribunes. Dans le grand monde, les grands fauves ne laisseront pas passer ces erreurs de jeunesse. En levant la tête, il voit les portraits des grands noms de la lutte française. L’enfant de Grozny sourit: "Je veux marquer l’histoire de la lutte française."

Article original publié sur RMC Sport