France-Gibraltar: pourquoi les rencontres face aux "petites" nations sont parfois si difficiles

France-Gibraltar: pourquoi les rencontres face aux "petites" nations sont parfois si difficiles

Roger Lemerre en avait pourtant vu d’autres. Mais malgré une carrière longue comme le bras, avec, à ce moment, près de 25 années de pratique sur le banc du Red Star, de Lens ou encore de Strasbourg, le sélectionneur des Bleus a ce jour-là vécu "l’une des soirées les plus difficiles de sa carrière".

Le 10 juin 1999, l’équipe de France, championne du monde moins d’un an auparavant, défie Andorre dans le cadre des qualifications à l’Euro 2000. À l’époque, la petite principauté, 165e au classement Fifa publié trois semaines plus tôt, n’a pas de stade homologué pour recevoir une rencontre internationale. Le match se déroule donc au Stade olympique de Barcelone, où les Bleus frôlent la catastrophe.

Sans Zinédine Zidane, opéré du ménisque droit quelques semaines plus tôt, et avec plusieurs cadres (Didier Deschamps, Laurent Blanc, Lilian Thuram, Fabien Barthez) laissés sur le banc, les Tricolores, réduits à 10 dès la 25e minute avec l’expulsion de Christophe Dugarry, s’en remettent à un pénalty de Frank Leboeuf à la 86e pour éviter un couac retentissant.

Luxembourg, Îles Féroé, Géorgie...

Avec cette victoire sur la plus petite des marges, l’honneur est sauf. Mais les Bleus sont amers. "C’est une équipe qui refuse absolument de jouer et qui à mon sens ne progressera jamais", peste Leboeuf à l’issue de la rencontre.

"On est tombé dans le panneau. J'espère pour eux qu'ils ont pris du plaisir ce soir car ça n'a pas été notre cas", regrette de son côté Dugarry.

Treize mois plus tard, les Bleus de Roger Lemerre seront sacrés champions d’Europe aux Pays-Bas, preuve que cette soirée de juin 1999 n’était qu’un petit accroc sans conséquence. Mais la victoire étriquée face aux Andorrans s’inscrit dans la lignée de ces rencontres face aux "petites" nations parfois si difficiles à négocier.

Ce samedi (20h45), à Nice, les successeurs de Dugarry, Leboeuf et compagnie sous le maillot bleu affrontent Gibraltar dans le cadre des qualifications à l’Euro 2024. Contre la 198e nation mondiale, les hommes de Didier Deschamps vont devoir éviter de tomber dans un piège qui s’est refermé à plusieurs reprises sur leurs prédécesseurs. "Je comprends qu'ils (les joueurs) n'aient pas d'inquiétude sur le match de samedi. Il ne faut pas rêver: on a beau alerter, ou quoi que ce soit, j'ai été joueur aussi: le conscient ou l'inconscient... On va faire le job quoi", a concédé Deschamps cette semaine en conférence de presse au sujet de la difficulté à motiver ses troupes avant une telle rencontre.

Dans un passé pas si lointain, il y a pourtant eu des matchs où le job n’a pas été fait. En septembre 2017, dans le cadre des qualifications à la Coupe du monde 2018 en Russie, où ils décrocheront leur deuxième étoile moins d’un an après, les Bleus de Deschamps butent sur l'"ogre" luxembourgeois (0-0). Au Stadium de Toulouse, ils tirent pourtant plus de 30 fois au but. En vain. Malgré 75% de possession, l’équipe de France ne parvient pas à battre le Luxembourg, une grande première depuis… 1914.

"Des équipes parfaitement préparées physiquement et toujours bien regroupées"

Après ce piètre match nul, Deschamps a eu des mots forts envers ses joueurs. "C'est insuffisant. Vous n'avez pas été à la hauteur. On ne peut pas se cacher devant les poteaux (la France a touché deux fois les montants, ndlr) et la chance des Luxembourgeois. On a manqué d'efficacité", lance en substance le sélectionneur des Bleus dans le vestiaire.

"Ils ont mis de la densité, beaucoup de joueurs dans les trente derniers mètres et ils ont été héroïques, analyse pour sa part Hugo Lloris. On sait que dans ce genre de matches, il faut démarrer plus fort et mettre plus de rythme."

Face à ces nations mineures, l’équipe de France, comme toute autre grande sélection, se heurte toujours à un bloc bas qu’il est extrêmement difficile à bouger. "Ils ont mis un bunker à l’arrière, imageait André-Pierre Gignac au micro de RMC à l’issue d’une victoire très poussive des Bleus aux Îles Féroé en plein cœur du mois d'août 2009 (1-0). On a peut-être eu un petit problème d’efficacité, mais en même temps il y avait toujours une tête, une cuisse, un poteau, ou encore le gardien pour détourner nos frappes."

"Ce sont des équipes parfaitement préparées physiquement et toujours bien regroupées", confirme au micro de RMC Sport Mathieu Valbuena à l’évocation du souvenir d’une pénible soirée de septembre 2013. Ce jour-là, les Bleus avaient ramé contre la modeste Georgie, 97e au classement FIFA, dans le cadre des qualifications à la Coupe du monde 2014. "On avait beaucoup souffert, ça avait été compliqué, se remémore Valbuena, titulaire face aux Géorgiens. C’est difficile de trouver des espaces dans les 40 derniers mètres. Ces matchs-là, tu te les rends facile quand tu marques très tôt dans le match. Mais quand tu n'arrives pas à trouver la solution, l’équipe adverse prend beaucoup plus confiance."

Le syndrome Coupe de France

Outre le piège d’une pelouse parfois difficile à négocier à l’extérieur, un argument que n’avait pas hésité à brandir Raymond Domenech après le match délicat face aux Îles Féroé en 2009 ("Il aurait fallu tondre la pelouse, le ballon fusait hier à l'entraînement, il n'avance pas aujourd'hui"), l’équipe de France doit aussi être prête à affronter un adversaire surmotivé. Un syndrome Coupe de France peut effectivement exister lors de telles rencontres, quand des joueurs semi-professionnels ou amateur (Roy Chipolina, le capitaine de Gibraltar, est agent de douane dans le civil), croisent le chemin de toutes les stars qui composent les effectifs XXL des grandes nations.

"La France est une nation énormément respectée à l’étranger. Quand tu joues l’équipe de France, tu es forcément surmotivé et on le ressent sur le terrain", assure Mathieu Valbuena. Un constat partagé par Gignac en 2009 après les Féroé. "L’équipe des Féroé a joué avec un courage hors norme. Ils se jetaient et donnaient tout ce qu’ils avaient."

En juin dernier, pour le match aller face à Gibraltar, Olivier Giroud avait mis les Bleus sur les bons rails en faisant sauter le verrou dès la 3e minute. À Faro (Portugal), l’équipe de France s’était finalement imposée 3-0, malgré une belle frayeur pour Brice Samba, tout proche d’encaisser un lob de 50 mètres peu après la demi-heure de jeu. "En première période, on a fait de très bonnes choses, sauf le dernier quart d'heure qui m'a irrité. On a failli prendre un but qui aurait fait le tour du monde, s’était d’ailleurs agacé Didier Deschamps en conférence de presse. L'objectif était de gagner et de faire le job mais on aurait dû marquer plus de buts, (...) d’autant qu’on n’a pas mis l’intensité maximum." Un constat aux allures de mise en garde que le sélectionneur ne s’est sans doute pas privé de rappeler à ses joueurs avant le match retour ce samedi soir.

Article original publié sur RMC Sport