Boxe: Naoya Inoue en passe de marquer encore l’histoire… Mais jusqu’où peut-il aller?

L’entrée dans le club se fait au compte-gouttes, difficulté de la chose oblige. Neuf hommes et neuf femmes. Depuis l’avènement de l’ère à quatre ceintures (WBC, WBA, IBF, WBO) pour devenir champion incontesté au milieu des années 2000, la boxe n’a connu que dix-huit combattants ou combattantes capables d’accrocher tous les titres majeurs d’une catégorie autour de leur taille. Et seuls trois d’entre eux, Terence Crawford chez les hommes, Claressa Shields et Katie Taylor chez les femmes, ont réussi à le faire dans deux divisions. Un trio qui devrait sauf tremblement de terre devenir un quatuor avec Naoya Inoue.

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Champion WBC-WBO des super-coqs après avoir explosé Stephen Fulton en juillet pour sa première à ce poids, le Japonais considéré comme un des meilleurs boxeurs de la planète toutes catégories confondues – beaucoup le mettent en concurrence avec Crawford dans ce débat – affronte ce mardi le Philippin Marlon Tapales, détenteur des titres IBF et WBA, pour tenter de tout rafler dans cette division après avoir déjà finalisé la chose chez les coqs en décembre 2022. Deux fois champion incontesté dans deux catégories en un an. Ne cherchez pas: l’exploit serait inédit dans sa rapidité – aidé, si on doit être honnête, par une division où deux hommes détenaient toutes les ceintures avant son arrivée – dans cette ère à quatre ceintures (six ans entre les deux pour Crawford, deux pour Shields, quatre et demi pour Taylor).

Une pierre de plus sur le chemin pavé d’or d’une carrière qui fait déjà du "Monster" un des meilleurs boxeurs de l’histoire dans les petites catégories… et peut-être à terme dans la boxe tout court. Déjà titré dans quatre catégories, ce que seul Kazuto Ioka avait réussi avant lui dans la boxe masculine nippone, premier Japonais à être classé numéro 1 pound-for-pound (toutes catégories confondues) par le magazine de référence The Ring et à être mis en couverture de ce dernier, Inoue continue de grimper l’escalier vers la table des plus grands. Celle qu’il vise depuis longtemps. "J’aimerais devenir le meilleur de tous les temps", annonçait-il déjà il y a quelques années.

"Le ménage qu’il a fait dans ces petites catégories, qui sont extrêmement dures dans l’intensité, la précision des coups, la dureté des coups… Il faut être un vrai crack, souligne Brahim Asloum, champion olympique en 2000 et ancien champion WBA des mi-mouches chez les pros. Et non seulement il gagne dans toutes ces catégories mais il unifie les ceintures. On est face à un phénomène." Mais jusqu’où peut-il aller? Cocktail poids-puissance sans doute inégalé dans la boxe actuelle, le Japonais arrive à bien transposer son punch chaque fois qu’il monte de catégorie.

Après les super-coqs, où la rumeur évoque un possible choc contre le numéro 1 du classement WBC Luis Nery dans les mois à venir s’il passe l’étape Tapales, Inoue devrait s’attaquer aux plumes. Avec dans le viseur un sacre mondial dans une cinquième catégorie, une première pour un Japonais chez les hommes (Naoko Fujioka l’a fait chez les femmes) qui lui ferait intégrer une caste rare, seuls cinq boxeurs ayant réalisé ce quintuplé (Tommy Hearns, Sugar Ray Leonard, Oscar De La Hoya, Floyd Mayweather et Manny Pacquiao).

Vu son talent, l’imaginer rafler toutes les ceintures chez les plumes s’il se donne cet objectif ne paraît surtout pas ubuesque. Tout comme l’idée de le voir monter à terme chez les super-plumes voire les légers. Et toujours avec de l’ambition. "Pacquiao, qui l’a de plus fait devant des cracks, nous a prouvé qu’on pouvait partir de loin et monter haut avec un tel rapport poids-puissance, rappelle Asloum. Dans combien de catégories peut-il être champion du monde à la fin de sa carrière? Tout va dépendre des générations qu’il va avoir en face de lui. Mais franchement, pour moi, il peut battre n’importe qui jusqu’en léger. Je me mouille facilement sur ça."

Dans sa quête de grandeur, le garçon pourrait déjà compter des titres dans cinq catégories. Mais il est passé directement des mi-mouches aux super-mouches, zappant les mouches où il aurait sans doute pris une ceinture (ou plusieurs) sans souci. S’il finit par prendre des ceintures dans six divisions, Inoue rejoindra un duo iconique avec les seuls Pacquiao et De La Hoya à ses côtés. Et s’il monte à sept en allant jusqu’aux légers, "Pacman" sera le dernier avec lui. "Ce n’est pas quelque chose auquel je réfléchis pour l’instant, lance-t-il dans une interview à Fight Hype. Jusqu’où je peux monter? Je n’y pense pas encore. Je vais faire ça avec prudence. Je veux combattre au meilleur poids possible pour moi."

Des combats qui font fantasmer... un peu trop ?

Recordman du genre, le Philippin a terminé sa carrière avec des sacres dans huit catégories (dont quatre des huit originelles de la boxe!). La marche semble a priori trop haute pour Inoue, qui devrait pour l’égaler monter jusqu’aux super-légers, 14,5 kilos au-dessus de la première division où il a été couronné. Mais comment dire impossible avec un tel phénomène de puissance… Sur cette route vers l’éternité pugilistique, Inoue pourrait faire face à de grands noms. Bob Arum, leur promoteur commun chez Top Rank, rêve depuis longtemps à voix haute d’un choc entre le "Monster" et le génial Vasiliy Lomachenko, ancien champion chez les plumes, super-plumes et légers.

Beaucoup dans le milieu fantasment même désormais de combats face à Shakur Stevenson, actuel champion WBC des légers également titré chez les plumes et super-plumes, et Gervonta "Tank" Davis, le champion WBA des légers qui avait pris une couronne chez les super-plumes. L’idée d’un Inoue-Davis paraissait folle il y a quelques années. Elle semble de moins en moins l’être, même si l’intéressé tient à calmer les ardeurs. "Je ne pense pas que ce soit possible pour moi de l’affronter, c’est plus de la hype créée par les fans", répond le Japonais sans cacher tout le bien qu’il pense du combattant américain (l’inverse est également vrai). Mais plus il montera en poids et continuera à gagner, plus le côté réalisable de la chose grandira. Et il en aura peut-être besoin pour tamponner définitivement sa carrière à l’encre de l’excellence.

"Lomachenko, Davis, c’est dans sa lignée, estime Asloum. S’il doit prendre des risques pour être un Pacquiao, c’est là. Il a les adversaires pour dire qu’il est un des plus grands de tous les temps. Et avec eux, il ferait du pay-per-view, des combats très lucratifs." Superstar dans son pays, où il remplit des salles de plusieurs dizaines de milliers, Naoya Inoue a déjà largement de quoi faire sur ce plan. Mais le reste du monde, à commencer par les Etats-Unis où il a déjà combattu trois fois dont une dans la bulle sanitaire du Covid, va de plus en plus réclamer de voir devant ses yeux ce phénomène qui peut aussi rafler la prestigieuse ceinture The Ring des super-coqs face à Tapales (après l’avoir déjà gagnée chez les coqs) et qui écrit de plus en plus sa légende à chaque sortie.

"Il va bien évidemment faire partie des plus grands cracks de l’histoire des petites catégories, conclut Asloum. Il sera de ceux qu’on met dans les combats de rêve face à toutes les autres légendes." Mais pas question de se retourner pour l’instant. Tout droit vers la légende. "Je ne m’intéresse pas à tout ça pour l’instant, appuie-t-il. Quand je serai à la retraite et que je me retournerai sur ma carrière, que je regarderai tout ce que j’ai accompli, si je peux en être fier et heureux, ce serait génial." Quelque chose nous dit qu’il pourra l’être. Et pas qu’un peu.

Article original publié sur RMC Sport