Basket: comment l’après-Wembanyama est en train de tourner au cauchemar pour Boulogne-Levallois

Basket: comment l’après-Wembanyama est en train de tourner au cauchemar pour Boulogne-Levallois

L’ascenseur émotionnel est brutal. Violent, même. Quelques mois après avoir disputé la finale de Betclic Elite devant 15.000 spectateurs à Roland-Garros, les Mets 92 sont tombés dans les abîmes du championnat de France. Pour le club des Hauts-de-Seine, propulsé en pleine lumière en 2022-2023 grâce à un Victor Wembanyama parti cet été à la conquête de l’Amérique, le retour dans l’ombre prend des airs de catastrophe industrielle.

Après une saison enivrante, au cours de laquelle le club francilien a enflammé Las Vegas, rempli Bercy à plusieurs reprises et créé un engouement jamais vu dans toutes les salles de France, Boulogne-Levallois est aujourd’hui en grand danger à cause d'un début de saison catastrophique sur le plan comptable. Avant-derniers de Betclic Elite, les Mets ont débuté l’exercice 2023-2024 avec neuf défaites en 10 matchs. Avec une seule victoire glanée depuis le début de la saison, ils ont déjà trois succès de retard sur Chalon-sur-Saône, premier non-relégable. Et le constat est implacable: après avoir été l’équipe la plus hype du pays, avec des matchs diffusés dans le monde entier par la NBA, la formation des Hauts-de-Seine doit désormais lutter pour sa survie dans l’élite du basket français.

"On ne peut même pas parler de retour à la réalité car le club n’a jamais été aussi mauvais, aussi faible", résume un supporter, habitué de Marcel Cerdan depuis dix ans, dont la moitié en tant qu’abonné. "On s’attendait à ce que ce soit difficile. C’était évident que ça allait être compliqué, mais on s’attendait à plus de victoires quand même...", complète un autre fan de longue date.

Lahaou Konaté, seul joueur sous contrat pendant toute une partie de l'été

Les supporters savaient que le départ de Victor Wembanyama, élu meilleur joueur de la saison dernière, allait laisser un vide immense. Mais le club, 4e de Betclic Elite en 2020, 6e en 2021 et 3e en 2022, n’a pas attendu l’arrivée de la nouvelle coqueluche du basket mondial à l’été 2022 pour exister sur la scène nationale. "Sur les saisons précédentes, il y avait eu des bons résultats malgré le fait que l’effectif était très largement renouvelé chaque été", confirme Bertrand (le prénom a été modifié à sa demande), supporter des Mets 92. "Avec le départ de Victor et de Bilal (Coulibaly, choisi en 7e position de la draft NBA et désormais joueur des Washington Wizards), évidemment qu’il y allait avoir moins de hype autour du club. Mais on se disait que la cellule de recrutement allait pouvoir trouver de bons joueurs et qu’on allait repartir sur une bonne dynamique d’une saison à l’autre."

En plus de Wembanyama et de Coulibaly, Boulogne-Levallois a perdu la quasi-totalité de son effectif à l’intersaison. Devante Jones, TaShawn Thomas, Armel Traoré ou encore Barry Brown... Tous ont quitté le club, à l'instar de Vincent Collet, dont le contrat sur le banc arrivait à expiration. Jusqu’à la signature de l'arrière américain Tevin Brown le 31 juillet, soit un mois et demi après la troisième manche de la finale à Roland-Garros, Lahaou Konaté (31 ans) était même le seul joueur de l’effectif sous contrat, à une période où les autres équipes ont déjà bien entamé la construction de leur effectif.

Menacé de disparition à l'intersaison

C’est l’une des raisons évidentes du début de saison extrêmement délicat du vice-champion de France en titre: l’effectif, staff compris (Laurent Foirest a été nommé coach le 27 juillet), a été construit à la hâte. La faute à une très grande incertitude autour de l’avenir du club. Jusqu’au 19 juillet, les Mets 92 n’étaient même pas sûrs d’encore d’exister au début de la saison 2023-2024. Malgré les recettes engrangées grâce à la billetterie, les indemnités touchées avec la draft de Wembanyama et Coulibaly, la vente de 10.000 maillots ainsi que la validation en juin par la DNCCG (le gendarme financier du basket français) d’un budget prévisionnel de six millions d’euros, le club est à alors la dérive.

"Le sport coûte de plus en plus cher, la ville de Boulogne, qui verse déjà deux millions d’euros, ne peut pas supporter toute seule la gestion et le financement d’un club de haut niveau", détaillait dans les colonnes du Parisien Luc Monnet, président du conseil d’administration de la société Boulogne-Billancourt Sport Développement (BBSD), propriétaire des Metropolitans 92, le 11 juillet. "Aujourd’hui, on a du mal à boucler ce budget de six millions d’euros. On est à quatre millions d’euros ou 4,5 millions d’euros, mais il nous manque deux millions d’euros pour repartir. On cherche des partenaires, des investisseurs ou des sponsors."

Un temps menacé de disparition, le club trouve finalement la solution pour repartir. Le 19 juillet, moins de deux mois avant la première journée de Betclic Elite, le 16 septembre contre Saint-Quentin, Luc Monnet annonce au Parisien que le club des Hauts-de-Seine sera bien sur la ligne de départ. Mais les Mets 92 ont perdu du temps et doivent construire leur effectif dans un temps record. Entre le 31 juillet et le 16 août, le club officialise l’arrivée de huit joueurs au sein de son effectif, complété fin septembre par Dee Bost (pigiste médical de Jordan Theodore, le meneur américain a quitté le club fin octobre) et début octobre par Matthieu Gauzin (pigiste médical d’Axel Toupane). Début novembre, le visage de l’équipe a encore connu des modifications avec deux nouvelles arrivées (Amar Gegic, Alen Omic) et le départ de Grant Sherfield.

Malgré un budget en baisse de 23% (de 7,3 à 5,6 millions) et une réduction de la masse salariale de 30% (de 2,4 à 1,7 million) par rapport à la saison précédente, Boulogne-Levallois présente un effectif plutôt intéressant. Mais les tergiversations de l'intersaison et la construction tardive de l’effectif se font logiquement sentir sur les résultats. "On a un gros train de retard sur les autres. Les joueurs qu’on a réussi à attirer au final, même s’ils sont bons individuellement, la réalité du basket français - avec une majorité de contrats courts - fait que ce sont plutôt des mercenaires", déplore un fan qui a assisté à plusieurs rencontres à domicile depuis le début de la saison.

À Marcel-Cerdan, une atmosphère bien différente

Après la parenthèse enchantée de la saison dernière, achevée avec un taux de remplissage de 95% et 11 guichets fermés, la salle de Marcel-Cerdan (3.200 places), qui n’a jamais été connue pour être la plus chaude de France, a retrouvé ses standards. Sans "Wemby" et toute l’émulation autour du nouveau joueur des San Antonio Spurs, l’écrin situé à Levallois sonne bien plus creux. "L’atmosphère de Cerdan ? C’est tout simplement proche de ce qu’on a connu avant", glisse un habitué des lieux, qui constate un simple retour à la normale. "Ce n’est pas un public très effervescent à la base… C’est une ville historique de basket, mais ç'a toujours été un public assez calme. L’année dernière, l’ambiance était exceptionnelle. Les gens qui venaient n’étaient d’ailleurs pas spécialement supporters de Boulogne-Levallois, c’était des fans de basket mais ils venaient pour Wembanyama. L’ambiance était géniale… mais un peu superficielle."

Pour un autre fan, la refonte totale de l’effectif n’a pas aidé à fidéliser l’éphémère public de l’année dernière: "S’il y avait eu une continuité dans le projet, avec seulement les départs de Victor et de Bilal mais un certain maintien de l’effectif, avec un recrutement clair et pas précipité, les gens qui étaient là l’année dernière seraient plus facilement revenus supporter l’équipe. Ils se seraient dit: ‘Ok, il y a eu du changement mais il y a toujours un projet'. Quand il n’y a plus de projet, les gens ne s’identifient plus à l’équipe."

La menace d'une descente en Pro B... voire pire ?

Une vive inquiétude émane désormais des tribunes dépeuplées de Marcel-Cerdan: le club va-t-il échapper à la relégation sportive, au terme d’une saison qui verra trois clubs descendre à l’étage inférieur pour permettre au passage d’une Betclic Elite à 16 équipes ? Pour ne pas quitter l’élite du basket français, cet historique du championnat, héritier du PSG Racing (champion de France en 1997) et de Paris-Levallois (vainqueur de la Coupe de France en 2013), va devoir trouver les moyens d’inverser la tendance. D’autant qu’une descente en Pro B pourrait être fatale au regard de ce qu’il s’est passé l'été dernier. Qu’arriverait-il en cas de descente des Mets 92 à l’échelon inférieur… quand on se souvient qu’ils étaient à deux doigts de mettre la clef sous la porte au sortir d’un titre de vice-champion de France?

Contacté, le club n’a pas souhaité s’exprimer, tandis que la mairie de Boulogne-Billancourt n’a pas donné suite à nos sollicitations. "On est conscient d’avoir vécu quelque chose d’exceptionnel", confiait Alain Bouvard, président de Boulogne-Levallois, fin octobre sur France 3. "Il y a un an, à cette date-là, on était à Las Vegas. On savait que le retour sur Terre serait forcément compliqué. Aujourd’hui, on a relevé un nouveau challenge assez tardivement. Les choses se mettent en place petit à petit… même si ce n’ est pas facile."

Ce samedi, à 18h, les coéquipiers de Lahaou Konaté reçoivent Gravelines-Dunkerque, lanterne rouge de Betclic Elite et seule formation à afficher un pire bilan que les Mets 92 (10 défaites en 10 matchs). Moins de cinq mois après un choc au sommet en finale face à Monaco, le fossé est immense.

Article original publié sur RMC Sport