NBA: de Las Vegas à la présaison, ces 12 mois où la planète basket a découvert le phénomène Wembanyama

L’heure n’est désormais plus au fantasme. Le temps où Victor Wembanyama n’était qu’une promesse, le prospect le plus attendu depuis LeBron James il y a 20 ans, est révolu. Après tant d’attente, des milliers d’articles sur le potentiel infini de cet "alien" français et des millions de vues sur ses vidéos highlights, l’Amérique va savoir.

Dans la nuit de mercredi à jeudi (3h30), le N°1 de la dernière draft va effectuer ses grands débuts en NBA à l’occasion du premier match de saison régulière des San Antonio Spurs face aux Dallas Mavericks. Depuis le début de la saison 2022-2023, sa dernière sur le sol français, l’engouement autour du joueur formé à Nanterre n’a fait que grandir au fil de ses exploits. Récit de ces 12 mois où la planète basket a découvert l’ampleur du phénomène.

4-6 octobre 2022: tremblement de terre de Las Vegas

Les promesses autour de Wembanyama, un très haut potentiel identifié depuis plusieurs années, existaient bien avant. Mais ce déplacement de Boulogne-Levallois à Henderson (banlieue de Las Vegas) pour y défier la G-League Ignite, une sélection de jeunes talents, marque un véritable tournant. À l’époque, Wembanyama sort d’une saison plutôt contrastée sous les couleurs de l’ASVEL et a choisi de quitter le club rhodanien pour les Mets 92.

Déjà très attendu à la draft, il est cependant au coude à coude pour la première place avec Scoot Henderson dans toutes les prévisions. Ça tombe bien, le match d’exhibition entre la G-League Ignite et Boulogne-Levallois est justement l’occasion de voir les deux hommes face à face. À la veille de cette confrontation, Wembanyama lance le match avec une petite phrase qui fait l’effet d’une bombe

"Si je n’étais pas né, je pense qu’il pourrait être numéro 1"

"Pour la reconnaissance au niveau mondial, ça va être le match le plus important de ma vie", ajoute le Français, bien conscient qu’il n’a pas le droit à l’erreur. Et il va parfaitement assumer. Lors de la première rencontre, le 4 octobre, il claque 37 points et s’offre cinq contres dans la défaite de son équipe (122-115).

Deux jours plus tard, il récidive avec 36 points, 11 rebonds, quatre passes décisives et quatre contres, avec cette fois la victoire en prime face (112-106). En face, Scoot Henderson, auteur de 28 points lors de la première manche, est contraint de sortir sur blessure dès le début du deuxième match. En 48 heures, "Wemby" a éteint tout débat sur l’identité du N°1 de la draft 2023.

Une véritable star est née. Les performances de Wembanyama dans le Nevada n’échappent à personne et tous les plus grands joueurs de NBA y vont de leur commentaire. LeBron James est le premier à dégainer.

"Ces dernières années, on nous présente tout le monde comme des licornes. Mais lui, c’est plutôt un extraterrestre"

"Personne, moi le premier, n’a jamais vu quelqu’un d’aussi grand que lui être aussi fluide et gracieux lorsqu’il est sur le terrain, insiste LeBron James. Il a cette capacité à dribbler, à prendre des tirs en step-back, à shooter à 3 points en catch-and-shoot, à contrer… C’est clairement un talent générationnel."

"Ce type de talent et de compétence, cela vous donne juste le sourire si vous jouez au basket parce que l'évolution du jeu est allée si loin. Il va vraiment mettre la ligue en difficulté quand il arrivera. Je veux voir comment ça se passe", confie de son côté Kevin Durant.

23 octobre 2022: l’avertissement du patron de la NBA contre une éventuelle course à la dernière place

Couvert de louanges par les plus grandes stars de son sport, Victor Wembanyama sait que le chemin est encore long. "C'est évidemment un honneur de voir des gens aussi formidables parler de moi comme ça, mais cela ne change vraiment rien. J'étais comme, 'Oh c'est cool.' Mais pas plus. Je dois essayer de rester concentré. Le truc, c'est que... je n'ai encore rien fait", lâche-t-il après les deux matchs d'exhibition à Las Vegas.

De retour en France pour y disputer la Betclic Elite avec Boulogne-Levallois, "Wemby" tente donc de rester les pieds sur Terre. Mais la machine est lancée. De l’autre côté de l’Atlantique, tout le monde ne parle que de lui et du fameux tanking, ce phénomène qui consiste pour une équipe à volontairement viser les dernières places du classement afin de maximiser ses chances d'hériter du premier choix à la draft.

Face à cette tentation de sacrifier une saison dans l'optique de le recruter, Adam Silver, le patron de la NBA, doit même lancer un avertissement aux franchises. "Nous avons mis les équipes en garde, lance-t-il. Nous allons accorder une attention particulière à ce problème cette année. La draft est, en principe, un bon système. Mais je comprends (la tentation actuelle des équipes), surtout quand on a le sentiment qu'un joueur unique pour sa génération arrive, comme c'est le cas cette année." Si le tanking n'a rien de nouveau, son "art" s'apprête à être porté à un tout autre niveau, comme le confie à ESPN le manager général d'une franchise NBA, qui souhaite rester anonyme.

"Victor déforme la réalité du basket"

"La stratégie du tanking va vraiment changer après cette démonstration. On a l'impression que ça va lancer une course vers le bas comme on n'en a jamais vue”

27 octobre: la NBA annonce qu’elle va diffuser tous les matchs de Boulogne-Levallois

Complètement sous le charme, la NBA ne veut pas attendre l’arrivée de "Wemby" aux États-Unis pour permettre au public américain de le voir à l'œuvre. Environ trois semaines après Las Vegas, la ligue annonce qu’elle va diffuser tous les matchs de championnat de Boulogne-Levallois.

Qu’elles soient face au Portel, à Cholet, Gravelines-Dunkerque ou Monaco, toutes les rencontres de l’intérieur français seront ainsi proposées gratuitement et en direct sur la NBA App. Il s’agit évidemment d’une grande première pour un championnat non affilié à la NBA.

4 novembre 2022: déjà son record de points en Betclic Elite

33 points, 10 rebonds et 41 d’évaluation: lors de cette 7e journée de Betclic Elite, le CSP Limoges fait connaissance avec le phénomène. Irrésistible lors de la victoire de Boulogne-Levallois (78-69), Wembanyama établit son record de points de la saison.

Trois autres rencontres à plus de 30 points suivront, pour un quatre à la suite fantastique jamais réalisé par un Français dans l’histoire du championnat. À l’issue de cette série de matchs à plus de 30 points, les Mets 92 affichent un bilan de neuf victoires pour une défaite et s’emparent de la tête de la Betclic Elite. Les prémices de la folle saison qui attend le club francilien.

11 novembre 2022: une grande première réussie sous le maillot bleu

Appelé pour la première fois en équipe de France par Vincent Collet, son coach à Boulogne-Levallois, Wembanyama réussit parfaitement son baptême du feu sur la scène internationale. Dans le cinq de départ pour défier la Lituanie dans le cadre des qualifications à la Coupe du monde 2023, il termine son premier match en Bleu avec 20 points et 9 rebonds, soit la meilleure performance de l’histoire moderne des Bleus pour une première cape, à égalité avec Apollo Faye (20 points en 1974).

Trois jours plus tard, il brille une nouvelle fois pour sa deuxième sélection, la toute première à domicile. Face à la Bosnie, à Pau, il compile 19 points et quatre rebonds. "Je l’attendais vraiment cette première à la maison, confie la nouvelle coqueluche du basket tricolore sur beIN Sports après la rencontre. Je suis loin d’être déçu, avec un groupe magnifique et un public pareil, c’est parfait! J’avais de hautes attentes pour ce match."

"Je me suis réveillé en me disant que je mettrais 40 points, donc je suis content pour la victoire… mais déçu par rapport à ça"

Une phrase lâchée dans un sourire, mais qui résume à elle seule ce qui fait avancer le phénomène: une extrême exigence envers lui-même.

29 décembre 2022: superstar parmi les stars

Sélectionné pour le All Star Game du championnat de France, il enflamme un Bercy déjà tout acquis à sa cause. Leader de la sélection des meilleurs joueurs français de Betclic Elite, il contribue largement à la victoire des siens en inscrivant 27 points. Élu MVP du match, il brille de mille feux et, au milieu de toutes les autres étoiles du championnat, attire toute la lumière.

À la fin du match, il signe un dernier highlight en offrant le trophée de MVP de la rencontre à Juhann Begarin. "Je vois que Juhann a eu 38 d’évaluation contre 32 pour moi, il n’a presque aucune statistique en dessous des miennes, lâche-t-il en conférence de presse. Je me doute du pourquoi il n’a pas été élu MVP, mais je pense qu’il le mérite, j’en suis sûr, même." Classe.

4 février: des maillots de Wembanyama en vente dans la boutique des autres clubs

La hype Wembanyama n’a aucune limite. Et même les logiques partisanes doivent s’incliner devant le nouveau phénomène du basket français. En plein cœur de l’hiver, l’ADA Blois annonce que des maillots du futur N°1 de la draft seront mis en vente dans sa propre boutique à l’occasion de la réception de Boulogne-Levallois le 4 février. Une centaine de maillots floqués Wembanyama sont ainsi disponibles au prix unitaire de 85 euros (75 euros pour les enfants), le tout sous la responsabilité d’un employé des Metropolitans.

"Une démarche inhabituelle qui se justifie pleinement par les bonnes relations entretenues entre les deux clubs, mais aussi et surtout par la volonté de l’ADA Basket de raisonner pour le bien des fans de basket qui constituent son public", justifie Blois dans un communiqué. Quelques semaines plus tard, le club du Loire-et-Cher sera imité par Le Portel.

Plus globalement, ces initiatives montrent à quel point le basket français s’est passionné pour son nouveau prodige tout au long de la saison dernière. Pendant plusieurs mois, l’impact de Wembanyama s’est fait ressentir aux quatre coins de la France. À chaque match de Boulogne-Levallois à l'extérieur, le public se déplace en masse pour venir voir de ses propres yeux le phénomène. Avec un seul but: voir l'ovni coûte que coûte, comme le raconte Franklin Tellier, responsable communication du club de Strasbourg, dans les colonnes de L’Equipe.

"Des gens s'inventent des pages sur Instagram, des blogs pour justifier des demandes d'accréditations"

C’est aussi ça, la folie Wemby.

21 avril: l’inscription (officielle) à la draft

Une vidéo de son agence Comsport, suivie par une interview sur ESPN pour annoncer la nouvelle: le 21 avril, Victor Wembanyama est officiellement candidat à la draft NBA 2023.

"Cela fait un an qu’il y a tellement de bonnes nouvelles pour moi, réagit le principal intéressé sur ESPN. Avant tout, je voudrais remercier toutes les personnes qui m’ont accompagné dans cette magnifique aventure, mes coachs et ma famille."

"C’est quelque chose de fou, je ne réalise pas encore"

"J’ai réalisé très tôt que je voulais jouer en NBA, mais cela devient une réalité un peu plus chaque jour, ajoute Wembanyama. J’ai beaucoup de chance d’avoir ce rêve à portée de main."

17 mai: le destin l’envoie à San Antonio

Depuis le début, Wembanyama sait que son avenir va être dicté par des balles de ping pong. Ces dernières livrent leur verdict le 17 mai et décident de l’envoyer aux San Antonio Spurs, une franchise très liée à la France pour avoir permis à Tony Parker de connaître tous ses plus grands succès en NBA (quatre fois champion en 2003, 2005, 2007 et 2014).

Comme tous les ans depuis 1985, l’ordre la draft se joue lors d’une traditionnelle loterie dont le principe est le suivant: avant la cérémonie, les 14 franchises les moins bien classées lors de la saison précédente se voient attribuer un certain nombre de combinaisons de quatre chiffres, avec plus ou moins de combinaisons en fonction de leur classement. Des boules de ping pong sont ensuite mélangées puis tirées. La franchise qui a la bonne combinaison remporte le premier choix de la draft.

À ce petit jeu du hasard, ce sont donc les San Antonio Spurs qui remportent la timbale. Pour le plus grand bonheur de Wembanyama, visiblement très satisfait de ce que le destin lui a réservé.

"Aujourd’hui était une belle journée"

28 mai-4 juin: un Bercy rempli en quelques heures et le scalp de l’ASVEL en demi-finale

Après une saison régulière terminée à la deuxième place derrière Monaco, les Mets 92 défient l’ASVEL, triple tenante du titre, pour une place en finale des playoffs. Après une première manche dans leur habituel antre de Marcel-Cerdan, les Franciliens décident de délocaliser le match 2 à Bercy.

Là encore, l’engouement autour de la rencontre touche à l’irrationnel: les 15.000 places de l’Accor Arena trouvent preneur en l’espace… de quelques heures. La fête n’est pas gâchée avec une victoire 86-83 des hommes de Vincent Collet.

Malgré un Wembanyama un peu plus discret sur l’ensemble de la série (15 points de moyenne sur les quatre matchs, contre un peu plus de 21 points en saison régulière), les Mets 92 parviennent à écarter l’ASVEL (trois victoires à une) et filent en finale du championnat.

15 juin: une fin (presque) en apothéose à Roland-Garros

Victor Wembanyama n’est alors plus qu’à une marche de quitter la France sur un exploit retentissant. Mais le challenge est colossal: face aux Mets 92, se dresse l’armada monégasque, demi-finaliste de l’Euroligue quelques semaines plus tôt.

Pour son dernier tour de piste, Boulogne-Levallois offre à Wembanyama un écrin à la hauteur de l’évènement: le court central de Roland-Garros, réquisitionné pour accueillir le match 3 de la finale contre Monaco. Et les chiffres de la billetterie donnent le tournis: les places les moins chères (20 euros) sont toutes vendues en moins d’une minute et la quasi-totalité des billets disparait en quelques heures.

Devant un court Philippe-Chatrier en fusion et alors que Monaco a gagné les deux premières manches sur le Rocher, Wembanyama (22 points et 7 rebonds) ne peut rien faire pour éviter une troisième défaite de son équipe en trois matchs et le sacre des Monégasques. Le chapitre Boulogne-Levallois, une parenthèse enchantée et inattendue, est clos après une saison ébouriffante.

18-22 juin: la Wembymania s’empare des États-Unis avant la draft

Pas le temps de souffler pour Wembanyama, qui s’envole immédiatement pour les États-Unis après cette belle mais triste soirée d’été à Roland-Garros. Dès son arrivée sur le sol américain, le Français mesure l’énorme attente suscitée par sa draft. Pour “Wemby”, la vie d’après débute à New York, lieu de la cérémonie de la draft, où il est accueilli comme une rock-star.

Foule de supporters à l’aéroport, présence au match de baseball des Yankees, escapade dans le métro, déambulation dans la ville au milieu des fans… Le désormais ex-joueur de Boulogne-Levallois est plongé dans un tourbillon.

Dans la nuit du 22 au 23 juin: le grand soir est arrivé

Après tant d’attente, son rêve américain se concrétise dans la nuit du jeudi 22 au vendredi 23 juin au Barclays Center de New York. Sans surprise, il est sélectionné en première position de la draft, du jamais-vu pour un Français.

Interrogé par ESPN pour sa première réaction, il laisse couler quelques larmes. "Dans ma tête, c’était très long. Mal au ventre… Ce n'était pas de la pression, mais c’était un moment que j’attendais depuis toujours, la matérialisation de mon rêve, explique-t-il quelques instants plus tard auprès des médias français présents sur place. J’ai senti l’émotion venir petit à petit et je ne me suis pas retenu. Ça m’a rendu heureux de voir les visages de ma famille."

"Ce n’est que le début"

Au vu de la folie qui entoure cette soirée, on n'a aucun mal à le croire.

8-10 juillet: les premiers pas en Summer League

Un premier tour de chauffe avant des vacances méritées. Le 8 juillet, il dispute la Summer League de Las Vegas sous le maillot des Spurs. Pour la première fois depuis octobre 2022 et les deux matchs d’exhibition (déjà à Las Vegas), Wembanyama rejoue sur un parquet américain.

Et la mise en route est délicate: face aux Charlotte Hornets, il vit une soirée mitigée avec 9 points (à 2/13 au shoot) et 8 rebonds. Entre l’accueil de star que lui ont réservé les fans à San Antonio, la polémique de la gifle reçue par Britney Spears par un membre de sa sécurité, ou encore l’annonce de son absence à la Coupe du monde à la fin de l’été, il apparaît lessivé.

Avec 27 points et 12 rebonds pour son deuxième match de Summer League deux jours plus tard contre les Portland Trail Blazers, il remet les pendules à l’heure. "Je me suis senti plus à l’aise avec moi-même et avec mon corps sur le terrain. Je n’avais eu que deux entraînements et un match, et je commençais à peine à me mettre en route", indique-t-il après cette deuxième sortie réussie.

"Ces mois vont changer ma vie et je vais sans doute disparaître des médias pendant un mois"

Circulez, et rendez-vous à la fin de l'été.

10-21 octobre: une ultime répétition générale en pré-saison

Après plusieurs semaines à se préparer pour le marathon qui l’attend en saison régulière, avec 82 matchs au programme, Wembanyama revient sur le devant de la scène. Et les 13.000 spectateurs présents au Frost Bank Center de San Antonio pour un simple entraînement donnent une idée de l’engouement autour du Français.

Contrairement à la Summer League trois mois plus tôt, "Wemby" rentre cette fois-ci directement dans le vif du sujet: 20 points le 10 octobre lors d’un duel prometteur avec Chet Holmgren (Oklahoma City Thunder), N°2 de la draft 2022, 23 points le 14 octobre contre le Miami Heat, 15 points contre les Houston Rockets le 19 octobre puis 19 points et cinq contres contres les Golden State Warriors le 21 octobre. S’il est impossible de tirer des conclusions hâtives à l’issue de ces matchs de préparation, il parvient tout de même à montrer par séquence toute l’étendue de son talent.

"Je le savais déjà, mais j'ai désormais la certitude que je peux être compétitif dès le début de saison avec cette équipe. On a vu de vraies performances collectives", se réjouit-il après le dernier match face aux Warriors. Reste désormais à le montrer dans la nuit de mercredi à jeudi face aux Dallas Mavericks pour ses grands débuts en saison régulière. La première pierre d'un édifice qui s'annonce majuscule.

Article original publié sur RMC Sport