Affaire Chalureau, lutte contre le racisme, piques à Grill... Laporte offensif pendant son audition devant les députés

Le travail de la commission d'enquête sur les défaillances des Fédérations sportives se poursuit avec la fin des auditions cette semaine. Au lendemain du passage très attendu de Vincent Labrune devant les députés, la journée de jeudi a commencé par le non moins attendu échange entre les élus et Bernard Laporte.

Ancien sélectionneur du XV de France, celui qui a démissionné de son poste de président de la Fédération Française de Rugby après une condamnation en première instance pour corruption et trafic d’influence a répondu aux interrogations des parlementaires. Habitué des médias et du travail parlementaire après un passage de presque deux ans comme secrétaire d'État chargé des Sports entre 2007 et 2009, Bernard Laporte a profité de son audition pour faire passer quelques messages forts.

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Laporte se paie les "jaloux et les aigris" opposés à son retour en Top 14

Après avoir dénoncé le comportement des "cons agacés" par son retour en Top 14 du côté de Montpellier, Bernard Laporte a été invité à réitérer ses propos tenus sur RMC dans l’émission Bartoli Time. Sans surprise, l’ancien patron du XV de la France et de la FFR est resté droit dans ses bottes.

"Qu’est-ce que j’ai fait de mal? La Loi me le permet. Vous comprenez bien que quand je me suis engagé, j’ai tout fait de mon côté avec mes avocats, et Monsieur Altrad avec ses avocats, pour faire en sorte que cela soit possible. Je n’allais pas signer un contrat pour que demain on me dise que ce n’était pas possible", a lâché le nouveau directeur du rugby du MHR. "Dans ce principe-là, on a respecté la légalité. Effectivement il y a toujours gens qui sont jaloux ou aigris mais cela ne m’intéresse pas. Je n’ai qu’une vie et je n’ai pas envie de la passer à dire à ceux qui critiquent en permanence qu’ils ont raison ou qu’ils ont tort. Si je n’avais pas pu exercer cette fonction, je ne l’aurais pas fait."

Et de conclure sur ce sujet: "A partir du moment où rien ne me l’empêchait j’ai accepté ce challenge jusqu’au mois de juin pour aider ce club qui est dans la difficulté. Je ne vois pas comment cela peut nuire à l'image du sport car je suis présumé innocent. Sinon, quoi? Il faudrait rester à la maison et ne plus rien faire?"

Silence radio sur son procès pour corruption

Un peu à l’image de Noël Le Graët lors du passage du président de la FFF devant la commission parlementaire, Bernard Laporte a refusé de répondre aux questions portant sur ses déboires judiciaires. Si les députés ont tenté à plusieurs reprises d’interroger l’ancien dirigeant de la FFR sur le sponsoring du maillot du XV de France et de possible prises de position en faveur de Mohed Altrad, il n’a pas souhaité réagir. Comme 'NLG' avant lui, Bernard Laporte avait fait parvenir aux élus un courrier de ses avocats pour leur indiquer qu’il ne s’exprimerait pas sur "une instruction en cours".

"Sincèrement, j'ai dit que je ne répondrai pas à ces questions donc je n’y répondrai pas. Et puis j'y ai déjà répondu devant le tribunal donc vous faites un double travail, a répété plusieurs fois Bernard Laporte avant, quand même de préciser quelques points sur les contrats de la FFR. "La Fédération française de rugby n’a pas de pouvoir adjudicateur et n'est pas obligée de faire des appels d'offres. On l'a fait pour le sponsoring du maillot, car il n'y en avait qu'un et c'est pour cela qu'on avait fait un appel d'offres. Il n'y avait pas de nombreux partenaires venus nous voir. Bien sûr que le président va le voir pour discuter quand un partenaire se montre intéressé. Encore une fois, cela finance le monde amateur."

Laporte insiste sur la "présomption d’innocence" dans l’affaire Chalureau

Silencieux sur son procès, ou plutôt clairement enfermé dans un mutisme sur les questions judiciaires le concernant, s’est révélé un peu plus prolixe sur l’affaire Chalureau. Condamné pour violences racistes en premières instances, le deuxième ligne de Montpellier et du XV de France a été impliqué dans une énorme polémique à quelques jours de la Coupe du monde de rugby en France. Si le joueur a reconnu avoir frappé ses deux victimes, il continue de nier un caractère raciste dans cette agression et son procès en appel est en cours.

"Quand Fabien Galthié a sélectionné Bastien Chalureau, tout le monde était au courant de ce qu’il s’était passé car le rugby c’est un microcosme", a d’abord affirmé Bernard Laporte Avant d’enchaîner: "Après, il y a la présomption d’innocence. On ne va pas dire qu’on ne va pas le sélectionner si, après, il n’y a rien à la sortie. Ou alors il faut supprimer la présomption d’innocence. Et si on la supprime on ne parle de plus rien. […] En novembre 2022, j'étais en Nouvelle-Zélande pour le Mondial féminin et j’avais entendu parler du cas Chalureau mais pas dans les détails, certainement pas. Et encore une fois, la présomption d’innocence fait que tant qu’il n’a pas d’interdiction de jouer pour l’équipe de France c’est difficile pour un sélectionneur de dire qu’il ne va pas le prendre."

"Tolérance zéro" avec le racisme pour Laporte qui veut un arrêt des matchs

A écouter l’ancien emblématique dirigeant de la FFR, la présomption d’innocence doit s’appliquer pour Bastien Chalureau. En ce qui concerne le racisme dans le rugby et plus généralement dans le sport, Bernard Laporte a prôné la "tolérance zéro". S’il ne souhaite pas une augmentation massive des prix pour éviter les incidents comme l’a fait le football anglais par le passé, l’ancien sélectionneur veut des sanctions fortes et de vrais changements. A ses yeux, les clubs devraient plus être mis devant leurs responsabilités.

"Tolérance zéro. Oui, il faut sanctuariser les terrains de sport et les stades", a lancé Bernard Laporte avec vigueur. "On doit y vivre des moments conviviaux, de passion, de communion et de respect. Je parle pour tous les sports. Quand quelqu'un parle mal, je serai le premier à le réprimander. Il faut la tolérance zéro, il faut sortir ces gens des stades. Le meilleur exemple c'est celui du foot anglais qui a été calmé. J'ai habité pas loin du Parc des Princes, et il y avait des bagarres. Il faut saluer le travail du président Leproux maintenant on va voir un spectacle au stade. Il y a 20 ans, j'avais emmené les joueurs y voir un match et ils ne voulaient plus y retourner."

Outre une plus forte communication et éducation des supporteurs dans les stades et via les clubs car "il n’y pas de baguette magique" contre le racisme, Bernard Laporte s’est également dit favorable à l’arrêt de rencontres lorsque des incidents racistes ou discriminatoires sont avérés en tribunes ou sur le terrain.

"Bien sûr que je suis pour l'arrêt des matchs en cas d’incident. Cela emmerde tout le monde l'arrêt d'un match mais il faut faire quelque chose au bout d'un moment", a renchéri l’ancien président de la FFF. Moi, j'y suis favorable. On avait donné des consignes aux arbitres. Un joueur c'est jaune ou rouge mais sinon il faut arrêter les matchs."

Laporte fracasse deux positions de Grill à la FFR

Même auditionné par des députés lors d’une commission d’enquête à l’Assemblée nationale, Bernard Laporte n’oublie de régler ses comptes avec Florian Grill. Après avoir rappelé qu’il n’était pas obligé, selon les statuts de la FFR, de démissionner de la présidence, l’ancien dirigeant s’est payé à deux reprises son successeur à la tête de l’instance.

"Les Ligues doivent faire remonter leur bilan annuel, tout remonte à la Fédération et tout est contrôlé. Je crois que ce qu’il s’est passé dans la Ligue PACA, c’étaient des affaires internes où des gens n’arrêtaient pas de les harceler apparemment sous l’influence de Monsieur Grill pour telle ou telle raison. […] Les comptes ont maintenant été transmis (sur la demande de Florian Grill et après une décision de justice) donc qu’ils les analysent et disent ce qui ne va pas. Dans la Ligue PACA, il y avait beaucoup de problèmes internes avec des licenciés commandité, disons les choses, pour la déstabiliser. Et la Ligue a tenu bon. Jusqu’à présent, je n’ai pas entendu dire qu’il y avait quoique ce soit d’illégal."

Bernard Laporte s’est ensuite évertué à démentir les propos tenus par Florian Grill devant la commission au sujet du déficit attendu au sein de la FFR et sur l’intégration ou non du chèque versé pour cinq ans par CVC en marge du Tournoi des VI Nations.

"On a beaucoup investi depuis 2019 sur la masse salariale sportive, on en est fiers et derrière on a récupéré ce qu'il fallait récupérer c'est-à-dire des partenaireset des sponsors. C'était un pari gagnant et c'est le seul qu'on pouvait faire car le XV de France c'est 85% des ressources de la Fédération Française de Rugby", a enfin détaillé Bernard Laporte. "Nous on prend en compte l'exceptionnel et Florian Grill ne veut pas. Suadf que si on ne l'avait pas pris en compte, on aurait moins redistribué aux clubs amateurs. Avec l'exceptionnel on était pas en déficit. [...] On savait qu'à terme il faudrait remplacer cet exceptionnel par une augmentation des montants pour les partenariats autour de l'équipe de France. L'exceptionnel c'est le fonds CVC qui a donne grosso modo 13M€ par an pendant cinq ans pour le Tournoi des VI Nations. La position de Florian Grill sur le déficit d'exploitation de 16M€ me surprend. Lors de l'assemblée financière le week-end dernier, je n'ai pas entendu parler de ces sommes-là."

Article original publié sur RMC Sport