SOS Homophobie alerte sur une « explosion des violences transphobes »

En 2022, le nombre de cas de transphobies rapportés auprès de SOS Homophobie a augmenté de 35 % par rapport à 2020 et de 27 % par rapport à 2021.

À la veille de la journée internationale de lutte contre l’homophobie, l’association SOS Homophobie publie son rapport annuel. Si les violences contre les personnes LBGTI persistent dans leur ensemble, la transphobie augmente particulièrement.

DISCRIMINATIONS - « Il faut que le rapport de la société en général face aux personnes trans change de manière systémique », alerte SOS Homophobie dans son rapport annuel publié ce mardi 16 mai, à la veille de la journée internationale de lutte contre l’homophobie. Alors que les signalements LBGTIphobes auprès de l’association ont augmenté en 2022 par rapport à 2021, ceux concernant les violences transphobes se démarquent encore davantage.

Dix ans après la loi sur le Mariage pour toutes et tous, la persistance et l’ancrage des LBGTIphobies dans la société sont soulignés tout au long du rapport. « Dans le nombre de signalements global contre les personnes LGBTI, on est à des niveaux supérieurs à l’avant-Covid, estime auprès du HuffPost Joël Deumier, coprésident de SOS Homophobie. On a constaté une augmentation des violences physiques de 27 % par rapport à 2021. Cela représente une agression physique tous les deux jours contre une personne LGBTI en 2022. »

Concernant les personnes trans, les chiffres sont encore plus alarmants. En 2022, le nombre de cas de transphobie rapportés auprès de SOS Homophobie a augmenté de 35 % par rapport à 2020 et de 27 % par rapport à 2021. Les femmes trans sont les principales victimes. Dans 74 % des agressions pour lesquelles le genre de l’agresseur est connu, un homme est impliqué.

« Visibilité salutaire et retour de bâton »

Si le Covid peut expliquer une partie de ce bond, il est surtout dû « à la fois à un ancrage de la transphobie dans la société française et aussi à une libération de la parole des personnes trans victimes », selon Joël Deumier. « Grâce à la visibilité sur les transidentités dans la société, les médias, les séries, le cinéma, cette parole a été libérée, mais ça provoque également une explosion des violences, estime-t-il. C’est un peu un double mouvement, de visibilité salutaire et de retour de bâton. »

Les témoignages recueillis par SOS Homophobie sont souvent ceux de personnes jeunes. 14 % des victimes de transphobie ayant émis un signalement à l’association ont moins de 18 ans. « De nos jours, les personnes trans prennent conscience de leur identité de plus en plus tôt. Et, quand il s’agit de mineurs, cela induit une très grande vulnérabilité, un besoin que son entourage soit un soutien face à un monde qui est malheureusement de plus en plus hostile. La réalité est souvent différente : c’est dans les réactions des proches que les personnes trans découvrent l’hostilité du monde », souligne l’association.

Ce rapport, qui est le 27e publié par SOS Homophobie, est d’ailleurs dédié dans ses premières pages à Lucas, l’adolescent de 15 ans qui a mis fin à ses jours en janvier 2023, après avoir été victime de haine LGBTIphobe et de harcèlement scolaire. « Dans bien des cas, c’est à l’école que les jeunes personnes trans apprennent que la transphobie n’est pas limitée au cadre familial. L’administration des établissements scolaires refuse souvent toute modification administrative, qui permettrait de respecter l’identité de ces personnes », souligne le rapport.

Changement d’état civil

Les contextes de transphobie les plus communs sont les commerces et administrations (20 % des cas), Internet (18 %), la famille et l’entourage (13 %). « Cela va du rejet, de la brimade, à l’insulte, jusqu’au meurtre transphobe, en passant par les discriminations et le harcèlement », rappelle Joël Deumier. L’association appelle les pouvoirs publics à réagir, que ce soit par la formation des policiers, gendarmes, professeurs, personnels de santé et autres agents de l’État, ou des campagnes de sensibilisation contre les LBGTIphobies.

« Dix ans après le mariage pour tous, ce n’est pas parce qu’il y a eu des progrès dans la loi que c’est derrière nous », prévient le coprésident de SOS Homophobie. Le rapport rappelle notamment les réactions qu’avait provoquées une série d’affiches du Planning familial publiées en août 2022, dont une montrant un homme enceint. La campagne de cyberharcèlement, « amplifiée par divers journaux comme le Figaro ou Valeurs actuelles », qui avait suivi, « témoigne autant d’un rejet des personnes trans que d’une méconnaissance des réalités qui y sont liées », estime l’association.

« La balle est dans le camp de l’État »

Autre volet sur lequel SOS Homophobie attend des réponses du gouvernement : celui des droits. « Nous luttons pour que la loi évolue et rende le changement de genre à l’état civil des personnes trans entièrement libre et gratuit et qu’elles n’aient plus à passer devant un juge pour l’effectuer, réclame Joël Deumier. C’est inacceptable. » Si la loi de 2016 a « démédicalisé » le changement de genre à l’état civil, « il faut aller plus loin et la déjudiciariser », estime-t-il.

Lundi 15 mai, les associations LGBTI ont été reçues par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. « Il s’est engagé à nommer et former des référents dans les commissariats et postes de gendarmerie, indique Joël Deumier. Une annonce qui avait déjà été faite en 2018 par Christophe Castaner… » La ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances Isabelle Rome se serait dite « engagée » sur la question du changement de genre à l’état civil. « La balle est dans le camp de l’État et nous allons assurer un suivi extrêmement rigoureux de tout cela », conclut le coprésident de SOS Homophobie.

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