Le sort d’Élisabeth Borne à Matignon réactive le vieux clivage de la Macronie

Elisabeth Borne (ici le 14 octobre 2022) à Matignon : les doutes réactivent le vieux clivage de la Macronie
Elisabeth Borne (ici le 14 octobre 2022) à Matignon : les doutes réactivent le vieux clivage de la Macronie

POLITIQUE - Bientôt l’heure du gong. Le délai laissé par Emmanuel Macron à Élisabeth Borne pour relever plusieurs missions, ardues, comme l’élargissement de la majorité va bientôt expirer. Le 22 mars, sur TF1 et France 2, le président de la République lui donnait « trois semaines » pour repartir de l’avant après l’effet de blast du 49.3 sur la réforme des retraites.

Depuis, la cheffe du gouvernement enchaîne les consultations à Matignon tandis que le chef de l’État s’extirpe à l’étranger, en Chine ou aux Pays-Bas, pendant que les dissensions s’accumulent entre les ministres, parfois même jusque dans les rouages du couple exécutif, comme l’a démonté le ping-pong de vendredi que le HuffPost évoquait ici. Le quinquennat paraît suspendu, comme le sort de celle qui est chargée de le mettre en musique, la Première ministre.

Une période incertaine, ponctuée par la décision à venir du Conseil constitutionnel sur les retraites, propice aux échappées politiques et aux offensives médiatiques. En creux, les rapports de force entre l’aile gauche et l’aile droite du camp présidentiel ressurgissent lentement. Chacun essayant de peser sur la suite des événements.

L’aile gauche sort du bois ?

De quoi faire sortir du bois Pascal Canfin, le discret eurodéputé, ce samedi 8 avril dans une interview au Monde. Ancien d’Europe Écologie Les Verts (de 2010 à 2015) celui qui s’occupe des relations avec le gouvernement chez Renaissance appelle au statu quo à Matignon pour mieux s’opposer à un (nouveau) virage à droite.

Pour lui, « personne n’aurait fait mieux » qu’Élisabeth Borne sur la réforme des retraites, « personne parmi les partenaires sociaux n’affirme que quelqu’un d’autre aurait mieux négocié. » « Elle ne doit pas payer les pots cassés » de la division des Républicains sur ce texte emblématique, estime-t-il, en insistant sur le fait qu’il « n’y aurait aucun bénéfice politique à changer la première ministre », selon lui. « Sauf pour changer de ligne. »

Dans le camp des soutiens à la cheffe du gouvernement, on retrouve également Olivier Véran pour qui « le choix de la méthode de la Première ministre, celui de la concertation et la recherche de compromis, a porté ses fruits dans d’autres textes », ou Clément Beaune qui tressait les louanges, le 20 mars dernier, d’« une femme du service public, d’engagement et de détermination » qui « peut et doit rester. »

Depuis, le ministre des Transports a accordé une interview à Libération dans laquelle il exhorte ses collègues de la majorité à ne pas se jeter dans les bras des Républicains, l’allié privilégié de la Macronie depuis un an, et à envisager des accords, aussi, avec « la gauche de gouvernement. » Une question de « ligne », selon l’avertissement de Pascal Canfin au Monde… Et donc de personne ?

Darmanin critiqué

Les sorties, ici et là, des personnalités venues de la gauche s’accompagnent de critiques en règle de l’offensive de Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur très présent dans les médias depuis plusieurs semaines, est souvent cité comme l’un des possibles successeurs à Élisabeth Borne. Clément Beaune a ainsi pris ses distances le 4 avril avec l’expression du locataire de la Place Beauvau sur le « terrorisme intellectuel » supposé d’extrême gauche en prônant pour sa part « l’apaisement ». Un mot repris quelques jours plus tard par la Première ministre.

« Je suis élu de la circonscription où se trouve le Bataclan. Je fais toujours très attention à ne pas utiliser des mots hors de leur contexte. (...) On a tous une responsabilité pour faire baisser la température », expliquait-il dans son entretien à Libération. Plus direct, Pascal Canfin critique ce samedi la « stratégie de la tension » du ministre de l’Intérieur, par ailleurs chargé de la formation chez Renaissance, aux côtés de l’eurodéputé.

Interrogé sur la volonté du locataire de la Place Beauvau de « regarder » la subvention publique versée à la Ligue des droits de l’homme, l’ancien EELV recadre : « Ce n’est pas acceptable comme approche. » « Un ministre de l’Intérieur ne peut pas menacer de revoir les subventions d’une organisation parce qu’il n’est pas d’accord avec elle », ajoute-t-il en plaidant plutôt pour « le dialogue, la nuance, les compromis, la complexité » sans quoi le camp présidentiel fera « le jeu de l’extrémisme. »

Une façon de réaffirmer sans ambages le cap originel « en même temps » du macronisme, à ceux qui seraient tentés, comme l’ancien LR Gérald Darmanin, de mettre la barre (trop) à droite dans ce moment de flottement autour de Matignon. Pas inutile par gros vent.

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