Sollers le Grand

L'écrivain Philippe Sollers, décédé le samedi 6 mai 2023. (Photo de 2006.)  - Credit:BERTRAND GUAY / AFP
L'écrivain Philippe Sollers, décédé le samedi 6 mai 2023. (Photo de 2006.) - Credit:BERTRAND GUAY / AFP

La société littéraire aggrave volontiers les injustices auxquelles un auteur a lui-même contribué. Avec Philippe Sollers disparaît un personnage dont on ne sait si l'esprit du temps saura lui rendre cette justice : il était le plus grand écrivain français vivant. Cette appréciation sera sans doute contestée. Sollers, pour quelques quadragénaires de notre connaissance, c'était le type à fume-cigarette qu'ils voyaient parader dans les années 1990 sur les plateaux des talk-shows. On prenait son ironie pour une forfanterie.

Virtuose du troisième degré, lançant des boules puantes dans les banquets de la bien-pensance, il avait élaboré une défense de revers qui valait ce qu'elle valait : dans la société du spectacle, la surexposition vaut protection du secret. Théoricien des IRM, soit « identités rapprochées multiples », Sollers animait les clones de son autopolymorphie avec une plasticité de marionnettiste bordelais. Être là et ailleurs, l'un puis l'autre, déjouer les pièges du ressentiment, selon sa maxime du « pour vivre cachés, vivons heureux », tels étaient quelques-uns des mantras de ce derviche de grand style.

Écrivain d'éloges

Aggravons le fardeau : pour éviter d'avoir à le lire, on enchaîna les actes d'accusation. Chef d'école usant cyniquement de ses obligés, ludion des reniements, maoïste devenu papiste, expert en entrisme dans les baronnies littéraires – Gallimard ou Le Monde, libertin de l'insolence, surfeur de rodomontades, et l'on en passe. Il en va [...] Lire la suite