Une solitude "subie" ou "choisie": ces Français qui seront seuls à Noël

Quelque 14% des Françaises et Français fêteront Noël seuls. Si pour certains, cette solitude est choisie, pour d'autres, elle est plus difficile à supporter.

"Je n'avais pas envie de me forcer." Amélie*, 40 ans, fêtera Noël seule. Cette auxiliaire de puériculture avait pourtant l'habitude de rejoindre son père, sa mère et ses frères en Normandie pour le 25 décembre. Mais pas cette année. "Le plus dur a été de l'annoncer à mes parents, je sais qu'ils ont été déçus", confie-t-elle à BFMTV.com.

Car pour cette célibataire qui réside dans les Hauts-de-Seine, les repas de fête sont rarement associés à de bons moments en famille. "On est obligé de rester à table pendant des heures à ressasser de vieilles histoires, je déteste ça." Sans compter qu'Amélie était à chaque fois contrainte de passer plusieurs jours chez ses parents, ce qu'elle apprécie peu.

"Ce ne sont pas de vraies vacances. Je ne peux pas vraiment me reposer, je suis obligée de vivre à leur rythme. À mon âge, bonjour l'angoisse."

Autre argument de poids: elle a coupé les ponts avec l'un de ses trois frères. "Il aurait fallu que je prenne sur moi et là, je n'aurai pas eu la patience." Alors, plutôt que de risquer de se fâcher, "autant éviter le problème et ne pas y aller", conclut-elle.

Un Français sur dix seuls à Noël

Comme Amélie, quelque 14% des Françaises et Français prévoient de passer les fêtes de Noël seuls, selon une récente étude Ifop pour l'association Dons solidaires. Un pourcentage en baisse: l'année dernière, ils étaient 21% à prévoir un réveillon de Noël sans amis ni famille - un taux plus important qui s'explique en partie par le contexte sanitaire plus compliqué en 2021 et la crainte du nouveau variant de SARS-CoV-2.

Autre enseignement de l'enquête: près d'une personne interrogée sur dix affirme ne pas particulièrement apprécier ces fêtes. C'est le cas d'Isabelle, une professeure de sciences de 60 ans. "Noël n'a jamais été ma tasse de thé", reconnaît pour BFMTV.com cette Nantaise, mère de deux enfants devenus adultes.

"Il faut être heureux de manger, de boire, content de se retrouver. Et puis il y a cette débauche de nourriture, de cadeaux et de bruit, de cris et d'engueulades. J'en ai souffert pendant des années."

Des Noëls dénués de dimension spirituelle qui lui ont longtemps "donné le cafard". Alors cette année, Isabelle, qui a récemment divorcé, a dit non aux grandes retrouvailles familiales avec parents, sœurs, beaux-frères, neveux, nièces et petits-neveux. À la place, elle s'est offert un lifting. "Ça a été un bon prétexte pour refuser. Mais je sais que ça a suscité des critiques."

"Un petit goût amer"

Pour certains et certaines, Noël reste bien loin d'une féerie. Toujours selon l'enquête de l'Ifop, pour plus d'un quart des sondés, ces festivités sont d'abord sources d'inquiétude et de tristesse. C'est notamment le cas d'Amélie, interrogée plus haut, pour qui Noël a "un petit goût amer".

Elle raconte avoir été en couple pendant douze ans. Et que pendant toutes ces années, elle a adopté et été adoptée par sa belle-famille. "On faisait plusieurs réveillons, je m'occupais des cadeaux des neveux et nièces. J'adorais ça. Et puis, du jour où l'on s'est séparé, cette famille d'adoption a disparu." Depuis, les fêtes de fin d'année n'ont plus la même saveur.

"Même si je ne regrette pas d'avoir quitté mon ex, cette période me fait comme un pincement. Il y a quelque chose d'un peu triste."

Des fêtes d'autant plus moroses pour les personnes qui ne choisissent pas la solitude mais la subissent. Ce dont peut témoigner Ghislaine Desseigne, présidente de SOS amitié France. "À Noël, les appels ne sont pas plus difficiles que les autres jours, ils sont plus tristes", constate-t-elle pour BFMTV.com.

"La solitude est plus lourde"

Lors du réveillon, la ligne d'écoute anonyme et gratuite - qui reçoit en moyenne 9000 appels quotidiens - enregistre 10 à 15% d'appels supplémentaires. "Ce ne sont pas forcément des personnes au bord de la falaise mais d'une grande amertume par rapport à leur propre vie", ajoute Ghislaine Desseigne.

Le profil des appelants de Noël est varié, indique la présidente de SOS amitié. Des jeunes en rupture familiale, des adultes célibataires, divorcés ou éloignés de leur famille, des seniors isolés ou des personnes âgées en Ehpad.

"Dans une ambiance de fête, de sapin, de décorations et de repas de famille, ils n'ont personne à qui offrir un cadeau. La solitude est plus lourde."

Henri Mathis, écoutant pour SOS amitié, partage le même constat. "Ce n'est pas un soir comme les autres pour ces personnes qui souffrent de la solitude", assure-t-il à BFMTV.com. Il se souvient de deux appels qui l'ont particulièrement marqué un 25 décembre.

"Une femme me disait qu'elle n'avait même pas les moyens de s'offrir un petit extra. Une autre m'expliquait que ni ses enfants ni ses petits-enfants ne viendraient lui rendre visite parce qu'elle n'avait pas les moyens de leur faire de cadeaux. Il y a souvent de la misère en plus la solitude."

"Heureusement j'ai mon chien"

L'isolement est souvent particulièrement marqué chez les plus de 60 ans. Selon l'association Les Petits frères des pauvres, quelque 530.000 personnes âgées se trouvent en situation de mort sociale. Et alors que plus d'un tiers des aînés ressentent un sentiment de solitude, 2 millions d'entre eux sont isolés des cercles familiaux et amicaux.

Denise, "97 ans la semaine prochaine", sera elle aussi seule à Noël. C'est le cas depuis plusieurs années. Avant, cette habitante de Seine-et-Marne qui vit seule chez elle retrouvait ses petites-filles et la famille de son ancienne belle-fille pour le 25 décembre. "Mais comme maintenant je refuse, elles ne m'invitent plus", témoigne la nonagénaire.

"J'entends mal, je marche mal, j'ai des problèmes de dents et l'après-midi, j'ai besoin de m'allonger", explique-t-elle à BFMTV.com. "En plus, la dernière fois, j'ai été malade dans la voiture au retour. C'est un cadeau pour personne."

Alors ce dimanche, elle restera chez elle. "L'une de mes petites filles est venue me voir le week-end dernier, et l'autre m'a dit qu'elle viendrait dans la semaine", précise-t-elle. Si, pour Denise, Noël est un jour "comme les autres", elle s'est tout de même "réservé" le mijoté de sanglier du colis de fin d'année offert par sa commune aux personnes âgées. "Et heureusement j'ai mon chien, je suis moins seule."

*Le témoin a souhaité que son prénom soit modifié.

Article original publié sur BFMTV.com

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